Ekaterinbourg à 1 500 km à l’est de Moscou. La fin d'année approche. Affaibli par une forte fièvre, Petrov monte dans un bus bondé où les passagers âgés râlent de devoir payer le trajet alors que du temps de l'URSS tout était pris en charge. Ils partagent l'envie d'exécuter tous les dirigeants. Le bus s’arrête et Petrov en est extrait par des amis masqués qui le conduisent face à un mur où un car s'arrête pour en extraire des hommes et femmes menottés en costumes qu’il exécute avec les autres. Ce n'était qu'un cauchemar. Dans le bus, une petite fille laisse sa place à un vieillard qui s'enquiert de son âge et la félicite de sa prévenance. Il lui dit qu'à neuf ans en Iran ou en Afghanistan, elle pourrait être mariée depuis deux ans, qu'elle baiserait déjà et sans doute aurait déjà trompé son mari car toutes les femmes sont des putains. Un passager, énervé par ce discours, frappe le vieillard et le pousse dehors. Personne n'a rien compris à l'altercation. Petrov ramasse le dentier du vieillard tombé par terre.
Petrov, fiévreux, s'appuie sur la vitre à l'arrière du bus et voit une voiture le klaxonner. C'est son ami Igor qui a fait stopper le bus et, avec un vague papier officiel, demande à ce que Petrov sorte. Une fois installé à l'arrière de la voiture, Petrov se rend compte qu'il s'agit d'un corbillard, conduit par un ami d'Igor. Ils s’arrêtent acheter de l'alcool puis vont rendre visite à un ami barbu qui déblatère sur la poésie et la Russie d'aujourd’hui. Petrov, interrogé, déclare qu'il est divorcé et que son ex-femme, Petrova, bibliothécaire, partageait son aversion pour les clubs de poésie. L’un de ces groupes, mené par le poète de l'université, squattait tous les jeudis jusqu'à très tard la bibliothèque où elle travaillait. Elle se rêvait héroïne de BD pour écrabouiller jusqu'au sang les perturbateurs.
Petrova aimait leur enfant mais, débordée par ses activités, était parfois au bord de la crise de nerfs, rêvant d'égorger son fils quand, imprudemment, il s'était coupé le doigt. Il la soupçonna même un temps d'avoir tué l'homme aux lectures douteuses (Sade, camps de concentration et gynécologie) qui n'était que le gardien d’un immeuble.
Petrov se revoit enfant aimé de ses parents qui se disputaient sans cesse. Lors d'une fête de fin d'année, sa mère avait réclamé un costume pour lui à une jeune femme au téléphone et devant son absence de réponse s'était emportée contre elle. Lors de la fête de fin d'année, habillé en hockeyeurs sans casque, la dame des neiges lui avait fait allumer le sapin de Noël et lui avait pris la main. Il avait cru qu'elle était ce personnage de légende tant sa main était froide.
Petrov et Petrova aiment leur enfant et s’inquiètent de sa fièvre alors qu'il veut absolument participer à la fête de fin d'année. Durant la nuit, la fièvre ne tombe pas et Petrova lui donne le cachet d'aspirine périmée depuis 1977, que Petrov a ramené de sa soirée alcoolisée. Au milieu de la nuit, Petrov s'inquiète : son fils est dans le coma, il l’emmène d'urgence dans sa voiture mais celle-ci tombe en panne il le porte à bout de bras. Il voit en plein champ une soucoupe volante s'approcher et prendre doucement son fils. Ce n'était qu'un cauchemar : le fils va mieux. Petrova trouve néanmoins déraisonnable une sortie en plein hiver.
Mais Petrov, se souvenant de la magie d'une de ses fêtes, lui en donne le droit. Il l'accompagne et entend la femme d'Igor dire du mal de son mari. Il revient avec son fils en jouant. Petrova crie de rage en les voyant s'approcher.
En 1971, la future fille des neiges a rencontré Sasha, un fils de bonne famille qui veut l'épouser. Elle ne veut pas subir l'influence de la mère de Sasha et lui demande de la rejoindre dans sa ville natale où il pourra faire du théâtre. Entretemps, elle a une relation sexuelle avec un jeune homme auquel elle donne des leçons d’anglais. Elle flirte avec toute la troupe de théâtre. Se découvrant enceinte, elle décide d’avorter.
Rentré chez lui dans son appartement vide, Petrov se souvient de la soirée dans le corbillard avec Igor. Après la soûlerie chez l’ami, il avait été poussé dans le corbillard et comme ses amis avaient eu peur qu'il s'étouffe en se vomissant dessus l’avaient conduit à l’avant. Plus tard, alors qu’il mourrait de froid, Petrov avait vu la police avec le chauffeur expliquant que le cadavre du corbillard avait ressuscité.
De fait, le prétendu cadavre revient à la vie ; s'extrait du corbillard et fuit à travers la ville.
Comme l'écrit Elena Balzamo pour Le Monde des livres, à propos du roman Les Petrov, la grippe, etc. (2016 et 2020 pour la traduction française) : "On se sent parfois incommodé par la dostoïevschina, mot russe, le plus souvent à connotation négative, qui désigne les contorsions psychologiques en littérature. Il est vrai, le livre d’Alexeï Salnikov n’en est pas exempt, mais cet aspect-là n’est jamais gratuit, il permet à l’écrivain de révéler la face cachée des choses, comme des êtres". Et c'est bien ce que l'on retrouve dans l'adaptation au cinéma où, lors d'une soirée banale de fièvre et de saoulerie, Petrov, simple mécanicien mais passionné par la création de BD, va soulever une tempête dans son crâne et charrier souvenirs du passé et peur du présent. Kirill Serebrennikov déploie tout un arsenal formel : plan-séquences, plans subjectifs, récit déconstruit avant de proposerr une seconde partie plus classique en noir et blanc. La nostalgie y est aussi manifeste que dans son film précédent, Léto mais se révèle finalement non moins plein de vie que la furie contemporaine. Ce que viendra confirmer l'épilogue où le mort, trimballé dans la première partie, ressuscite.
Tempête sous un crâne
L'âme russe est emportée par les délires de la raison, sous les coups du désespoir pour les passagers du car, de l'alcool chez l'ami ou, pour Petrov, de sa grippe. Le parcours est ainsi difficile à reconstruire mais où l'on distingue assez clairement, cauchemar, souvenirs et fantasmes créatifs.
Sont donnés comme des cauchemars l'exécution des dignitaires du régime et le fils malade, pris en charge par une soucoupe volante. Les souvenirs en plan subjectifs de lui très jeune, enfant, voyant ses parents, souvent en petite tenue, se chamailler et assistant à la fête de fin d'année. Plan-séquence peut-être fantasmé de 18' où Petrov rencontre Sergey et l'aide à se suicider. Transposition des pages écrites par Serguei où il est un garagiste homosexuel refoulé; envolé du réel au moment de dessiner les BD avec le dentier vivant et les attaques au couteau de Petrova.
Film certes un peu difficile où l'on souffre comme chez Lars von Trier ou Alexei Guerman parce que l'esprit charie des matières de toutes sortes.