Nelly a huit ans et vient de perdre sa grand-mère. Elle part avec ses parents vider la maison d’enfance de sa mère, Marion. Nelly est heureuse d’explorer cette maison et les bois qui l’entourent où sa mère construisait une cabane. Un matin la tristesse pousse sa mère à partir. C’est là que Nelly rencontre une petite fille dans les bois. Elle construit une cabane, elle a son âge et elle s’appelle Marion. C’est sa petite maman.
Les enfants sont marqués, plus qu’on ne le croit, par les émotions de leurs parents. Nelly sent bien que sa mère est triste et croit que rien ne va plus entre ses deux parents. Elle s’inquiète de savoir si elle est pour quelque chose dans ce monde qui s'est déréglé depuis la mort de sa grand-mère. Il faudra un événement fantastique pour qu'elle se libère : pouvoir être transportée dans le passé et pouvoir exprimer ses sentiments d'égal à égal avec celle qui pourrait être sa mère.
Ce n'est pas parce qu’il ne dure que 80 minutes que Petite maman, vu à hauteur d'enfant comme Tomboy (2011), n'est pas un grand film. Chaque plan est d'une beauté magnifique. Ainsi Nelly disant au revoir, d'une manière systématique mais si pénétrée de la volonté de bien faire, aux résidents de l'Ehpad où sa grand-mère a passé ses derniers jours. On apprendra plus tard que Nelly a regretté d'avoir si peu fait attention au dernier au revoir à sa grand-mère alors que celle-ci savait probablement que c'était leur dernière rencontre. Ce plan mystérieux, incompréhensible d’abord se clôt sur la chambre de sa grand-mère où sa mère tente de ranger les dernières affaires de celle-ci, récemment décédée.
Ensuite, Nelly ne peut que se sentir seule dans cette maison de la grand-mère bientôt abandonnée par sa mère. Elle joue au Jokari avec une telle énergie qu'elle perd l'élastique qui la ramènerait au présent. Elle s'avance alors dans la forêt.
S'ouvre alors la période fantastique, celle de la cabane magnifique au milieu de la forêt avec les resplendissantes feuilles de l'automne. Nelly trouve en Marion celle à laquelle elle va pouvoir poser les questions qui l'obsèdent : a-t-elle été une enfant désirée? A-t-elle gâché la carrière d'actrice de sa mère qui se serait sacrifiée pour elle et en aurait gardé un fond de tristesse.
Ces questions sont posées avec le sérieux avec lequel les enfants jouent au cluedo ou préparent des crêpes, mais sans davantage de pathos. Ce sont des questions qui libèrent des angoisses. Suit ainsi la magnifique séquence du bateau pneumatique, libératrice, volontaire, dirigé vers l'avant, vers l’avenir. Cependant pour voir loin (les enfants assises au sommet), il a fallu le passage sombre et un rien inquiétant dans l'intérieur de la pyramide, au niveau de l'eau sans la lumière du jour.
Apres cette presque conclusion en forme de métaphore, Nelly peut ensuite retrouver sa mère dans la maison de la grand-mère vidée des questions que tout enfant peut se poser sur la vie de ses parents avec inquiétude. "Tu ne me racontes jamais rien d’important du passé" s'était plaint Nelly. Elle a fait le voyage intérieur pour le connaître.
Jean-Luc Lacuve, le 20 juin 2021