Yvonne, jeune inspectrice de police, a pour habitude de raconter à Théo, son fils d'une dizaine d'années, pour l'endormir le soir, les exploits de son père, le capitaine Santi, qui, mieux encore que Superman vint à bout de la bande à Mariton. Deux ans après sa mort, le héros local tombé au combat se voit ériger une statue sur le port. Yvonne la trouve grotesque et s'inquiète auprès de son collègue, Louis, d'être désormais mise sur la touche alors qu'elle n'a pas besoin d'être protégée. Louis en convient... mais l'empêche, en la menottant au volant de sa voiture, de participer à l'arrestation dans l'appartement d'un immeuble de toute une bande de sado-masochistes consommant des drogues interdites et pas très regardant sur l'âge des participants.
Lors de l'interrogatoire, l'un des participants reconnaît la bague d'Yvonne. Elle avait été demandée par le capitaine Santi, en plus de sa part pour couvrir une arnaque à l'assurance lors du faux braquage d'une banque. Effondrée, Yvonne comprend que son mari, n’était pas le flic courageux et intègre qu’elle croyait mais un véritable ripou qui a fait emprisonner le seul innocent de la bijouterie, le jeune Antoine qui a injustement été incarcéré pendant huit longues années. Déterminée à réparer les torts commis par son mari, Yvonne décide d'aller voir le juge pour innocenter celui qui va sortir dans quinze jours. Mais Louis lui fait comprendre les répercussions désastreuses de cette révélation sur son fils qui se remet tout juste du décès de son père. Yvonne renonce à la bague mais pas à la luxueuse maison achetée probablement avec de l'argent sale. En revanche, si elle renonce à innocenter officiellement Antoine, elle va tout faire pour l'aider à se réinsérer.
Yvonne assiste ainsi aux retrouvailles d'Antoine et sa femme, la douce Agnès, qui lui fait rejouer trois fois son arrivée tant elle l'a espérée. Mais Antoine a été profondément atteint par ses années perdues en prison, ce qui génère chez lui des pulsions de violence incontrôlées. Yvonne le voit terrifier un buraliste puis se couvrir la tête d'un sac et fumer au travers lui, laissant la fumée s'échapper par quelques trous. Elle le voit aussi dérober de l'argent dans un sac lors d'une sortie en boite de nuit avec Agnès. Poursuivi par les amis de la jeune femme volée, Antoine entre dans une violence folle et met les amis de la fille à terre, allant jusqu'à mordre l'oreille de l'un d'eux. Yvonne protège néanmoins la fuite en taxi d'Antoine et Agnès. Celle-ci se montre catastrophée par ce qu'elle vient de voir.
Antoine erre dans la nuit et pense à se suicider en se jetant dans la mer. Yvonne saute aussi dans l'eau et le ramène sur la plage. Dans la discussion qui suit, elle se montre compréhensive sur sa violence. Elle monte même dans la Porsche qu'Antoine vient de fracturer. Antoine demande à la revoir mais Yvonne fuit précipitamment une fois qu'elle a rejoint sa voiture. Au matin au commissariat, Yvonne voit la Porsche ramenée, hors d'usage. Elle parvient à convaincre Louis de libérer Antoine. Celui-ci l'ayant aperçue comme elle se cachait de lui au milieu des prostituées, la prend pour l'une d'elles... ce qui ne l'empêche évidemment pas de lui demander un rendez-vous.
Le soir qu'elle doit s'y rendre, Louis est venu avec des fleurs. Voyant Yvonne ne pas lui répondre, il prétexte une filature importante pour la faire renoncer au rendez-vous. Yvonne apprécie cette soirée avec Louis même si elle comprend bien vite sa stratégie amoureuse. Elle prévient Antoine qu'elle aura du retard et celui-ci se méprend sur les gémissements des monstres de foire derrière elle, l'imaginant dans ses activités de prostituée. Yvonne se laisse aller la tête contre l'épaule de Louis dans le train fantôme mais décide quand même d'aller voir Antoine.
Celui-ci, à bout de patience, a fait flamber le restaurant. Yvonne le cache dans l'appartement des sado-masochistes, encore sous séquestre. Quand Antoine veut revenir vers Agnès, celle-ci, désolée, le renvoie: elle le préférait voleur que victime et rêve qu'il revienne d'un vol chargé de bijoux et de billets d'avion.
Antoine a menotté Yvonne sur le lit et s'en va cambrioler la bijouterie, armé d'un énorme godemiché en cuir. Yvonne réussit à se libérer et vient à son secours alors qu'il est tenu en joue par un gardien. Les vigiles regardent la scène et sont estomaqués et émus. Yvonne révèle son identité à Antoine comme aux caméras de surveillance. Antoine, d'abord en colère devant cette révélation, refuse de partir sans elle. Il finit par accepter la situation et fuit avec le butin. Il le remet à Agnès comme elle le souhaitait, en la conduisant au fond du jardin où dans un trou creusé dans le sol se trouvent les bijoux.
Yvonne a purgé sa peine de prison et sort un jour plus tôt que ce qui était prévu. Du coup, Louis, qui passe l'aspirateur, est déçu de ne pas être prêt. Mais Yvonne sait ce qu'il faut faire et répète l'arrivée d'Antoine chez Agnès. Elle embrasse aussi bien Louis que son fils Théo. Et c'est à lui qu'elle raconte encore le soir combien son père, s'il ne fut pas le héros qu'ils crurent autrefois, su se montrer généreux avec ses collègues lors de son arrestation. Théo a bien compris et c'est apaisé qu'il voit s'envoler son père vers le paradis des bons voleurs.
Pas certain que les distributeurs du film aient fait le bon choix de le vendre comme "la comédie de l'année" selon un jugement du Figaro rapporté sur l'affiche du film. Les spectateurs les suivront-ils sur ce terrain ? Il est en effet possible qu'ils soient au final déçus par cette comédie d'auteur, certes parfois franchement loufoque mais aussi réflexive sur la résilience d'une victime d'une erreur judiciaire et d'un enfant qui a perdu son père. Ce mélange des genres pèse parfois sur le rythme de l'ensemble qui convainc au final par sa part de merveilleux et les valeurs pas si consensuelles que cela qu'il met en avant.
Une comédie loufoque
La comédie loufoque repose bien souvent sur un écart par rapport à ce qui est attendu. Ici, le comportement qu'Yvonne s'impose, en contradiction avec son rôle de policière et celui qu'Antoine, en quête de réinsertion, fait rire tout comme l’écart entre la réalité qu'on imagine du capitaine Santi et sa narration par Yvonne, d'abord dithyrambique puis franchement sadique et progressivement allant vers le pardon. Mais déjà là, on pressent une souffrance qui empêche le rire de se déployer aussi bien que dans Hors de prix, la comédie sophistiquée de Salvadori et son chef d’œuvre à ce jour. Seuls sont vraiment drôles les personnages secondaires ; le prêtre qui nie contre toute évidence sa participation à la soirée sado-masochiste et s’obstine à dire qu'il était venu là par hasard ; le chauffeur de taxi qui s’inquiète de la personne qu'il a pris en charge ; le trio de vigiles, à la fois semblables et différents (ahuri, ému, grignotant des chips). Très réussie la scène où Yvonne est au téléphone alors que l'on entend derrière elle les monstres de la fête foraine qui gémissent de façon ambiguë.
Là où l'écart est maximum, et fait rire parce qu'elle surprend, est sans doute le cambriolage avec les voix changées au vocodeurs qui les rendent, pour l'une trop rauque et, pour l'autre, enfantine. En revanche, le serial killer que personne n’écoute et qui demande en vain plusieurs fois que l'on l’arrête est sans doute de trop, venu là pour donner des scenes comiques avec Louis mais qui n'aident pas à mieux définir son personnage.
Une comédie sentimentale
La comédie sentimentale se construit en effet sur deux personnages actifs, Yvonne et Antoine, pour qui le réel va mal et qu'ils veulent transformer et deux personnages passifs, Louis et Agnès, qui les aiment et pour qui tout irait bien s'ils arrivaient à convaincre leur aimé de les aimer.
Pour Yvonne, dès avant la révélation du faux braquage, tout ne va pas pour le mieux. Le burlesque de l'action du générique de son mari en superman retombe quand elle se confronte à la réalité : le maire qui se met à son diapason avec la statue grotesque de Jean, l'arme agressivement au point. Yvonne doit aussi assurer sa nécessaire mise au courant de la vérité auprès de son fils. A chaque fois c'est auprès de Louis qu’elle trouve les valeurs auxquelles elle tient. Elle aime sa timidité,sa droiture et sa façon de la traîner à la fête foraine où elle succombe à la poésie du train fantôme.
Le gag d'Antoine qui fume sous son masque avec la fumée qui sort de partout, sa façon de mordre ses agresseurs jusqu'au sang et son incendie du restaurant ainsi que son regard halluciné en fond une figure diabolique que renforcera encore son attaque de la banque au godemiché gainé de cuir. Son espoir de conquérir Yvonne n’est qu'un leurre de plus dans la voie d'une vie nouvelle qu'il voudrait extraordinaire tant il a souffert. C'est pourtant sa femme, Agnès, qui lui donne la solution : mieux vaut être un voleur qu'une victime ; morale certes peu conventionnelle mais diablement joyeuse. Elle lui en donne même la clé merveilleuse ; arriver les bras chargés de bijoux et de deux billets d'avion.
Mieux vaut être un voleur qu'une victime ; Jean Santi lui aussi est "sauvé" par son fils qui le laisse s'échapper vers le ciel depuis sa fenêtre comme un gentleman cambrioleur, des billets s'envolant de ses poches. Salvadori l'affirme, de façon peut être plus théorique que lyrique : faire de sa vie une comédie, est une morale de survie dans un monde plombé par les traumatismes.
Jean-Luc Lacuve, le 8 novembre 2018