Bérénice

1983

Avec : Anne Alvaro (Bérénice), Jean-Bernard Guillard (Titus), Jean Badin (Antiochus), Frank Oger (Paulin), Claude Derepp (Arsas), Claris Dubois (Phénice). 1h45.

Une adaptation baroque luxuriante de la tragédie de Jean Racine en 1670 sur un empereur romain qui se plie à la volonté populaire et renonce à épouser la reine palestinienne qu'il aime.

Les personnages de Bérénice, à l’exception de celle-ci, restent pendant de très longs moments absents de l’écran. Ils sont figurés par leurs ombres, projetées sur les parois blanches de la villa. Cette présence dématérialisée, fantômatique, contraste fortement avec celle de la reine de Palestine, visage inquiet, tendu dans l’écoute de ces voix dont son sort dépend - et ceci d’autant plus qu’à deux reprises Bérénice s’approche d’une de ces ombres pour la frapper ou la caresser. 4

Dans la suite du film, les figures d’Antiochus, de Phénice, d’Arsace et de Titus continueront d’être affectées de différents procédés qui maintiendront le déséquilibre avec celle de Bérénice : visage plongé dans l’ombre (tandis que les yeux, violemment illuminés, font deux taches blanches), silhouette découpée sur un fond clair ou bien aperçue derrière une vitre, effet de masque produit par un maquillage métallisé, reflet, dédoublement du visage par surimpression.

Ces différents modes d’incarnation ont d’abord, bien évidemment, une valeur dramaturgique : ils marquent négativement les personnages qui entourent Bérénice, les entachant de distance, de duplicité, voire d’inhumanité. Le cloisonnement des discours, l’impossibilité d’aimer ou d’être aimé, la mécanique implacable de la tragédie trouvent ainsi une matérialisation allégorique à l’écran, isolant la reine de Palestine dans la chambre d’échos de paroles désindividualisées. Titus et Antiochus sont renvoyés dos à dos, dans une même inauthenticité marquée par l’ombre, le masque, le double langage. Cet effet de focalisation se trouve encore renforcé du fait de la présence accrue de la reine, laquelle surgit à plusieurs reprises pour épier des scènes dont, d’après le texte de Racine, elle devrait être exclue.

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