Accueil Fonctionnement Mise en scène Réalisateurs Histoires du cinéma Ethétique Les genres Les thèmes Palmarès Beaux-arts

Jeanne au bûcher

1955

(Giovanna d'Arco al rogo). Avec : Ingrid Bergman (Jeanne d'Arc), Tullio Carminati (Frère Dominique), Giacinto Prandelli. 1h20.

Jeanne d'Arc a été brûlée vive comme hérétique. La tristesse s'est répandue dans les cieux et sur la terre de France. Au Paradis, la jeune fille est accueillie par frère Dominique. Comme elle ne sait pas lire, elle lui demande de lui dire ce que contient le livre où ses aveux ont été consignés.

Jeanne est effarée car ses propos ont été trahis. "Tu as été jugée par des bêtes malfaisantes", lui dit Dominique. Et défilent le cochon-accusateur, les moutons-juges, l'âne-greffier… L'esprit du Diable a soufflé sur le procès. Puis Dominique présente ceux qui ont joué autour de Jeanne une partie de cartes truquée : les Rois de France, d'Angleterre, le Duc de Bourgogne, mais aussi la Mort; les Reines comme la Bétise, l'Orgueil, l'Avarice, la Luxure; sans oublier les Valets, véritables maîtres du jeu.

Plus agréable pour Jeanne est le souvenir d'une fête paysanne, les rondes et les chants des gens du peuple, ses amis, les rires et l'ivresse autour du géant Heurtebise et de sa commère, madame Tonneaux, la neige qui tombe quand passe le cortège qui va couronner le Roi de France à Reims. Jeanne est émue, Dominique souligne la dimension divine de tous ses actes.

Puis c'est la Normandie au printemps, belle, fleurie, peu avant le supplice. La jeune fille comprend que sa mission a suivi le cycle de la nature : hiver puis renaissance et espérance, même au moment de la mort. C'est l'épée Amour qui armait son bras. Un chant monte de la terre pour la remercier et elle revit l'atroce moment du bûcher, sous le regard compatissant de Dominique. Ses voix ne l'ont pas abandonnée. Elle a peur un instant, ressent l'injustice de son sort, s'abandonne au feu et se retrouve au Ciel parmi les anges.

D'après l'oratoire de Claudel sur une musique de Honegger, Rossellini oppose la dimension de l'ensemble à la solitude de chaque être vivant.

Au moment d'une diffusion télévisée, Marine Landrot écrivait dans Télérama : Roberto Rossellini découvre cet oratorio de Paul Claudel et Arthur Honegger de façon uniquement sonore, en écoutant un disque, sans pouvoir prendre connaissance des nombreuses indications de mise en scène que l'écrivain a soigneusement données. Avant de tourner le film, il monte son spectacle à Naples, puis à Paris, à la manière d'un opéra spectaculaire et bouillonnant, au grand dam de Paul Claudel qui assiste aux répétitions, appuyé à sa canne, la mine déconfite... pour écrire plus tard, dans ses Mémoires : "Rossellini avait raison".

Le résultat est bouleversant. Aux antipodes de sa composition chevaleresque d'Hollywood (Ingrid Bergman joua le rôle quatre fois !), l'épouse du cinéaste parvient à tempérer ses instincts démonstratifs, pour atteindre une impressionnante sobriété. Autour d'elle explosent trucages façon Méliès et clins d'œil humoristiques inattendus de la part du maître du néoréalisme. Une œuvre à redécouvrir, en appliquant le précepte de François Truffaut qui écrivait dans Arts : "Il faut, pour aimer le film de Rossellini, retrouver l'innocence d'un spectateur qui verrait le film pour la première fois". »

Retour