Captain Fantastic

Dans les forêts reculées du nord-ouest des États-Unis, Ben,  un père dévoué, vivant isolé du reste de la société, a consacré sa vie tout entière à l’éducation de ses six jeunes enfants pour qu’ils deviennent des adultes hors du commun. Subsistant grâce à la pêche et la chasse, passant ses soirées à lire ou faire de la musique, les enfants sont entrainés à débattre à exprimer leurs goûts en bannissant des mots aussi vague que "intéressant" et différencier trotskysme et maoïsme. Rejetant le capitalisme, ils  ne fêtent pas Noël mais le "Noam Chomsky Day", l'anniversaire du philosophe. Le père souhaite tout contrôler, mais honni par sa belle-famille qui le rend responsable de la dépression de son épouse, renonce à se rendre à l'enterrement de celle-ci lorsqu'elle se suicide afin qu'on ne lui retire pas la garde se ses enfants. Mais ceux-ci insistent et c'est à bord du bus familial que  la famille prend place avec Bo l'ainé qui a préparé l'entrée à l'université avec sa mère maintenant décédée ; Kielyr et Vespyr ses deux sœurs, Rellian le moins décidé à suivre son père qu'il rend responsable du décès de sa mère,  Zaja  très intelligente et interroge sur la sexualité, Nai, le petit dernier.

Durant le voyage vers Seattle et pour échapper à un policier trop curieux, toute  la marmaille se fait passer pour une bande de chrétiens illuminés; l'aîné flirte pour la première fois avec une fille, Claire, et s'enflamme tel un Roméo shakespearien. Ils arrivent chez Harper, la sœur de Ben, et Dave son mari et leur gamins tristement conventionnels, incultes, Justin et Jackson... qui se vengeront d'un sincère doigt d'honneur à leur départ.

Torturé par les apparitions fantomatiques de Leslie, sa femme, Ben renonce à l'enterrement bouddhiste qu'il lui avait promis. Puis comme Rellian préfère rejoindre son grand-père, Ben envoie Vespyr le kidnapper. Elle chute lourdement du toit, heureusement sans gravité. Ben comprend qu'il doit renoncer et laisse ses enfants à l'éducation de leur grand-père.

Mais les enfants le suivent, l'aident à retrouver le cadavre de Leslie et à le faire bruler selon ses dernières volontés. Bo part pour l'Afrique et trace ainsi la voie pour l'émancipation future des enfants qui, pour l'instant, suivent l'éducation de leur père qu'il a su rendre moins spartiate dans les splendides paysages des environs d'Albuquerque.

Un "feel good movie" qui enchante notre côté rebelle par son apologie d'une éducation en lien avec la nature et la contestation sociale. Sans grande originalité sur la forme, la succession de saynètes drôles et émouvantes cerne avec précision l'utopie libertaire (thèse) confrontée à la réalité sociale (antithèse) pour trouver une voie nouvelle permettant aux enfants de trouver leur propre voie (synthèse).

Le retour aux sources d’une famille en communion avec la nature et les animaux a déjà été traité avec La vie sauvage (Cédric Kahn, 2014) mais la richesse du scénario, la finesse et le brio apporté à chacune des séquences et de l’interprétation de Captain Fantastic traduisent un véritable engagement sur la place du conformisme et de la tolérance dans la société.

Jean-Luc Lacuve le 14/10/2016