Shlomi, un soldat israélien de dix-huit ans, fuit le champ de bataille dans la bande de Gaza au matin d'une nouvelle attaque. Il traverse un village palestinien où des soldats israéliens sont en patrouille. Il parvient à voler la voiture d'un Gazaoui qui vient d'être tué et sort du territoire palestinien à proximité de la base militaire de Zikim pour rejoindre la maison de ses parents. Dans le potager de celle-ci, il dévore une pastèque avant que son chien ne vienne l'accueillir. Il a toutefois la surprise de découvrir la maison déserte et n'a pas même le temps de prendre une douche avant de se cacher d'une patrouille militaire.
Shlomi s'enfuit alors en vélo pour rejoindre Tel Aviv et la maison de sa grand-mère. Celle-ci, occupée à regarder la télévision, ne l'entend pas et il doit grimper à la fenêtre de la chambre pour se faire entendre. Sa grand-mère lui ouvre et l'accueille avec douceur. Elle est atteinte d'un début d'Alzheimer mais prend bien soin de son petit-fils, lui proposant une danse quand, à la télévision, ils écoutent une chanteuse, de préférence aux actualités de guerre. Le voyant fatigué, elle l'incite à dormir. Elle le réveille pour écouter sa mère au téléphone. Celle-ci est partie de la maison car le père de Shlomi est hospitalisé. Shlomi va d'abord voir Shiri dans le restaurant chic où elle travaille, affirmant ainsi tenir sa promesse de la revoir avant son départ à l'étranger. Elle doit le congédier car tous s'affairent en cuisine. Shlomi reprend son vélo dans un Tel Aviv toujours sous la menace de roquettes qui viennent intercepter le dôme de fer.
Shlomi se baigne dans la mer. Il a demandé à deux touristes de lui garder son arme et ceux-ci, confiants, lui demandent à son tour de garder leurs affaires. Shlomi en profite pour se débarrasser de ses habits militaires et emprunter la tenue blanche du touriste, ainsi que sa carte bancaire. Il peut ainsi surprendre à nouveau Shiri et commander un repas gargantuesque qu'il dévore avec avidité. Shiri lui transmet un mot l'invitant à le retrouver le soir à 20 heures au restaurant. Il lui répond qu'il aura du mal attendre encore sept heures tant il la désire; son message assez sexuel arrive par l'intermédiaire du chef qui en est un peu interloqué. Shlomi ne peut en voir davantage; les touristes l'ont retrouvé et il doit fuir le restaurant ayant tout juste le temps de récupérer son fusil.
Shlomi rejoint sa mère dans la chambre de son père mais elle est appelée par la police militaire qui souhaite la rencontrer. Shlomi est alors obligé de lui avouer sa désertion et la supplie de ne rien dire aux policiers. Ceux-ci viennent en fait annoncer à sa mère que son fils a été enlevé le matin par les Palestiniens et qu'il a probablement été exécuté. Ils se montrent incrédules quand la mère insiste pour déclarer son fils vivant. Elle le rejoint ensuite dans les toilettes pour le supplier de se rendre. Pour cela, elle lui donne les clés de son pick-up. Shlomi se rend à son rendez-vous du soir avec Shiri dans le restaurant transformé en boîte de nuit. La fête est interrompue par une alerte et le couple rentre chez Shiri. Ils sont sur le point de faire l'amour quand Shiri est appelée par sa nièce qu'elle surveille. Shlomi entend au journal télévisé qu'en représailles contre son enlèvement une attaque massive est lancée dans la bande de Gaza. Il s'endort et se rêve interviewé en héros parvenu à retrouver son unité en s'étant caché toute la journée. Au réveil, il avoue tout à Shiri, promettant de suivre les plans de sa mère.
A peine est-il reparti qu’il croise les touristes qui le reconnaissent et ameutent les passants qui le poursuivent afin de rendre chemise et short au touriste. En slip, Shlomi repart vers la frontière et tente d'arrêter des voitures. En vain. Du coup, excédé, il oblige une voiture à s'arrêter et en extirpe un couple de vieux. Il passe chez lui prendre la tenue militaire de son père mais doit s'échapper de nouveau : des journalistes font un reportage devant sa maison. Et retourne sur Tel Aviv. Il tente de voir Shiri dans son immeuble sécurisé mais personne ne répond. Il embout sa voiture sur un pylône, il tente de se rendre dans une boutique puis tente de se suicider en se mettant face à un camion. Le conducteur dont le véhicule a fini sur un poteau, furieux, le tabasse violemment. Shlomi est pris en charge par les ambulances et conduit à l'hôpital.
Course à pied, course en voiture, corps rampant pour échapper aux regard des militaires sur le sable ou dans la maison, puis course en vélo ; c'est un corps qui fuit que filme le réalisateur avant de l'arrêter un moment, le temps d'une danse avec la grand-mère puis d'un court repos dans la chambre pour un court sommeil. Il y a là la métaphore d'un corps jeune qui tente d'échapper à des idéaux que la société tente d'imposer à son esprit. La schizophrénie s'incarne ensuite avec le discours politique dans ce qu'il a de plus superficiel mais aussi de plus tenace ; celui des touristes français qui profitent des plaisirs de la plage qu'ils savent pourtant devoir à la militarisation du peuple isralelien dont les jeunes soldats sont les fers de lance. Cette schizophrénie des touristes est celle que pointe le réalisateur celle d'un peuple isarelien avide de plaisir et niant qu'il ne peut être avec la guerre.
Ces touristes deviennent les pires ennemis de Shlomi en interrompant son repas avec Shiri puis en le lynchant presque, lui ôtant jusqu'à sa chemise. Shlomi, alors en slip, peut se revêtir de la tenue militaire de son père mais à bout, il sort ensanglanté d'un premier accident avant de se faire sévèrement tabasser .C'est un corp sans grand espoir de survie physique et sociale qui rentre à l'hôpital à l'opposée de l'image niaiseuse et rassurant que Shlomi s'était imaginé dans son rêve chez Shiri.
En compétition à Locarno, en août 2023, Le déserteur a été projeté au Festival international du film de Pusan, en Corée du Sud, le 8 octobre 2023, au lendemain de l’attaque du Hamas en Israël. Ce fut un choc, pour les festivaliers et pour le cinéaste, de voir sur grand écran le personnage à la frontière de Gaza, arrivant à la base militaire de Zikim, l’un des points par lesquels, justement, le Hamas est entré en Israël, le 7 octobre. Le projet initié au début des années 2010 et, précise Dani Rosenberg, "systématiquement rejeté par les fonds publics israéliens" jusqu'en 2021 a été soutenu par Noa Regev, qui pilote le Fonds du cinéma israélien malgré les oppositions qu’elle a rencontrées. Le film est parti sur un budget modeste, en équipe réduite, ce qui crée un certain dynamisme et a contribué au langage cinématographique du film, toujours en mouvement.
Jean-Luc Lacuve, le 19 septembre 2021.