20 septembre 1980. Deux flics sont envoyés dans une petite ville d'Andalousie, près de La Puebla del rio, pour enquêter sur la disparition de deux adolescentes pendant les fêtes locales. Leur voiture étant tombée en panne, ils arrivent tard à l'hôtel et doivent partager la même chambre où trône un christ avec les images des dictateurs, Franco, Hitler et Mussolini. Pedro l'antifranquiste va se coucher pendant que Juan au passé trouble dans la police secrète franquiste, s'en va saouler de jeunes locaux afin d'obtenir des infirmations.
Juan sait ainsi dès le matin que les jeunes filles étaient en froid avec leur père, Rodrigo. Juan, qui a des talents de dessinateur, parvient à établir qu'elles ont été enlevées dans une Dyane et non une 2CV ce qui oriente de nouveau les soupçons sur le père. Les deux policiers interrogent les parents d'Estrela (17 ans) et Carmen (15 ans). Rocio, la mère, donne aux policiers en cachette de son mari des négatifs de photos érotiques avec lesquelles les jeunes filles pensaient peut-être pouvoir obtenir l'argent pour s'enfuir et chercher un travail qui les rendrait indépendantes. Ils interrogent aussi des camarades de la jeune fille. Des pêcheurs les conduisent vers, Angela, une medium qui leur indique que les jeunes filles ont disparue près d'une maison abandonnée. Tard dans la nuit, ils arrivent près de celle-ci et découvrent dans un puits un petit sac contenant les bas d'Estrela tachés de sang. Sur le chemin du retour, Pablo a la vision d'une femme marchant dans la nuit
Le lendemain matin, les policiers accompagnés des deux gendarmes fouillent les environs de la maison abandonnée. Là ils font la connaissance du braconnier, Jésus, qu'ils laissent s'enfuir avec un chevrotin avec la promesse qu'il leur rendra ensuite service. Au même moment, des chasseurs découvrent les corps des jeunes filles, torturées sauvagement avant d'avoir été assassinées. Le juge veut une résolution rapide dans le contexte politique d'une grève des journaliers face à la récolte. C'est Juan qui va prévenir les parents des deux filles et Pedro l'en remercie le soir au bar. Trop épuisé, il néglige de téléphoner à sa femme et examine avec Juan les photos développées revenues de Madrid. Dans sa chambre, Juan pisse du sang et à la vision d'un oiseau coloré qui le regarde avant de s'écrouler.
Dans la nuit, on vient les réveiller, Castro, un homme épuisé, saoul et armé d'un fusil vient leur dire que sa fiancée, Beatriz a disparue après avoir fait sa valise pour un contrat d'embauche sur la Costa del sol, il y a deux ans. Elle était la deuxième à disparaitre après Estella en 1977 dont on avait retrouvé un pied découpé flottant dans la rivière.
Le matin, Juan et Pablo négocient avec Jésus pour qu'il les conduise chez les parents des deux précédentes victimes. La maison de Beatriz est déserte : ses parents l'avaient abandonnée après la noyade de leur fille. Ils découvrent la une photo d'Estella Carmen et Beatriz en compagnie de Quini, qu'on leur avait déjà signalé au lycée comme l'actuel petit ami de Marina. Chez la grand-mère d'Estella, ils apprennent que celle-ci était triste et cherchait à partir pour la Costa del sol depuis que Quini avait rompu avec elle. Elle leur confie les affaires de sa petite-fille.
Quini est devenu le suspect numéro un des policiers qui le suivent jusque dans une maison abandonnée où il a entrainé la jeune Marina. Il les surprend et les menace d'un canif que els policiers lui font prestement lâcher et qu'ils lui confisquent tout en le laissant partir. Pedro qui veut résoudre l'affaire pour retrouver un poste à Madrid demande à Miguel, un photographe, de trouver l'origine de ces photos contre la promesse de clichés des cadavres torturés des jeunes filles.
C'est l'enterrement des deux jeunes filles. Racio donne aux policiers les livrets d'épargne des filles qu'elle a découvert, cachés dans la voiture de son mari. Il avoue avoir découvert un paquet d'héroïne à El Puntal et, depuis, être poursuivi par les propriétaires de la drogue qui lui ont pris frigo et machine à laver. Sur le chemin du retour, leur voiture est arrêtée par les pécheurs qui les conduisent une nouvelle fois auprès d'Angela. Ce sont eux qui trafiquent de l'héroïne et ils convainquent les policiers qu'ils ne sont pour rien dans le meurtre des jeunes filles. Pendant que Pablo s'en va enquêter sur le fleuve, Juan suit une nouvelle fois Quini qui a donné rendez-vous à Marina. Il la conduit dans un pavillon de chasse. Surgit alors un mystérieux homme au chapeau qu'il n'a que le temps d'apercevoir entrer dans le pavillon avant d'être violemment assommé. Lorsqu'il se réveille, Juan constate que lui et sa voiture ont été transporté sur une route au bord des marais de flamands roses. De retour, il a cependant confirmation que Marina se porte bien mais fait arrêter Quini qui répond avec son habituelle insolence. Il est prêt à la prise de sang qui confirmera ou non que son groupe sanguin est le même que celui retrouvé sur les bas d'Estrela
Le lendemain, les policiers sont convoqués par le juge et sommés de relâcher Quini car son groupe sanguin ne correspond pas. Ils vont voir Marina qui refuse de répondre à leurs questions. Juan installe un appareil enregistreur sur la ligne téléphonique. Les deux hommes se rendent au pavillon de chasse et interrogent la gérante que Juan tente de faire parler de force. Pablo qui a confirmation que c'est bien dans cette chambre que les photo ont été prises s'interpose néanmoins juste avant que le gardien n'arrive lui aussi. Le soir Juan écoute le magnétophone sur lequel rien ne transpire. Un mot glissé sous sa porte lui donne rendez-vous pour le lendemain. Il voit aussi Pedro s'éloigner en voiture. Pedro a bien confirmation que c'est Quini qui achete les négatifs pour prendre les photos.
Le lendemain, Juan reçoit Racio devant le calvaire qui lui fait part de la confession de Marina. Juan remarque qu'Alfonso Corrales, le patron de la coopérative, pourrait être l'homme au chapeau. Il lui sert la main pour vérifier son eau de Cologne.
Pedro est parti à Malaga fouiller la valise laissée par Raviro Sebastien. Il va en effet voir le photographe qui lui confirme que le négatif est bien acheté par Quini. Il accepte de chercher qui peut bien être le mystérieux photographe. Sur le chemin du retour, il se trouve soudain derrière la Dyane blanche au macaron de la femme au chapeau, il la prend en chasse sans succès. En rentrant, ils retrouvent l'enregistrement où Marina téléphonait à Sébastien se disant prêt à tout type de contrat et lui donnait rendez-vous dans la maison abandonnée.
Ils font craquer la gardienne qui désigne la maison abandonnée. Ils s'y rendent sous la pluie. Ils trouvent de faux contrat d'embauche afin de piéger les filles et des pièces ayant servi à les torturer. Jésus voit la voiture de Raviro Sébastien et une poursuite s'engage jusqu' isla minima. Juan, blessé sauve Pedro des mains du garde grâce au canif pris à Quinin. Marina est dans le coffre de la Dyane, vivante.
Pedro est content : il va être nommé près de Madrid. Mais le journaliste lui revele que Juan était le sinistre "corbeau" de la Brigada Político-Social (BPS), police secrète de la dictature sous Franco, expert en torture et assassinat. Pablo déchire la photographie accusatrice de Juan.
Le lendemain matin, Jésus amène un plat cuisiné de chevreuil à Juan qui se demande pourquoi Pablo le regarde si durement. Néanmoins les deux hommes, sans plus un mot l'un pour l'autre, quittent le marais.
La isla minima a été couvert de récompenses en Espagne et trouve dans son décor de marais, le juste ton pour parler du traumatisme qu'a constitué pour le pays la loi d'amnistie du 15 octobre 1977. Loi du silence et du compromis qui a entrainée toute une nation à tolérer les crimes passés pour effacer définitivement la barbarie du régime franquiste passé.
La isla minima est distribué dans les salles espagnoles en septembre 2014, juste après son triomphe au festival de San Sebastián. Lors des Goyas (équivalents espagnols de nos Césars), début 2015, il est couvert de récompenses : meilleur film, meilleur réalisateur (Alberto Rodriguez), meilleur acteur (Javier Gutiérrez), meilleure révélation féminine (Nerea Barros), meilleur scénario original, meilleure musique originale, meilleure photographie, meilleurs costumes, meilleur montage, meilleure direction artistique... Pour la France, Warner Bros. Entertainment et Le Pacte ont décidé de retarder la sortie en salles du film pour bénéficier à plein de la période estivale. Celle-ci est devenue chez nous, dorénavant comme aux Etats-Unis, la plus rentable en terme d'entrées pour les films populaires ; ce que ce thriller est aux vues des différentes récompenses reçues.
La beauté ambigüe des marais
Les Marais du Guadalquivir (Marismas del Guadalquivir) sont un ensemble de marais côtiers situés dans l'ancien estuaire du Guadalquivir en Espagne. Ils se répartissent sur les provinces andalouses de Cadix, Huelva et Séville. D'une superficie d'environ 2 000 km², ces marismas occupent le site d'une ancienne anse littorale comblée par les dépôts alluvionnaires marins et fluviaux. Elles sont partiellement protégées au sein du Parc national de Doñana.
Les photographies aériennes au début du film et a quelques autres moments, ont été numérisées par Israël Millan à partir de photographies d'Hector Garrido. Ce photographe a publié un livre, "Armonía fractale de Doñana y las marismas" (Harmony fractale de Doñana et ses marais) qui comprend quelques-unes des images utilisées dans le film. Les images correspondent à différents marais de l'Andalousie, comme celles de Coto Doñana et de la Salinas de San Fernando à Cadix.
Au delà de la résolution du crime, le film accumule les traces d'une épaisseur plus grande, flashes mentaux avec le pivert et la femme sur la route; la medium qui ne sait certes pas où se trouve le corps mais sent la mort sur Juan; limitation sociale des recherches criminelles: Corales, le patron est probablement l'homme au chapeau.
Une loi d'amnistie ambigüe
La loi d’amnistie, votée par la Chambre des députés le 14 octobre 1977, a constitué une des clés de voûte du processus de transition démocratique engagé après la mort de Franco, en novembre 1975. Cette loi est réclamée à cor et à cri par tous les partis de gauche qui voient en elle une première conquête dans la lutte pour l’instauration d’un régime démocratique en Espagne. Il s’agit d’amnistier les dizaines de milliers d’opposants politiques au franquisme, condamnés pour des faits antérieurs au 15 décembre 1976. Le 30 juillet 1976, le gouvernement présidé par Adolfo Suárez accorde une première amnistie pour les délits «d’intentionnalité politique», en se gardant bien d’une quelconque référence aux crimes de la dictature. Toutefois, c’est là une première victoire remportée par les victimes du franquisme, les milliers de condamnés et de torturés par ce régime qui s’était maintenu au pouvoir durant trente-six ans. La loi 46/1977 du 15 octobre 1977 renforce celle de 1976 en étendant l’amnistie aux prisonniers d’ETA, aux auteurs d’actes terroristes. En contrepartie, l’Etat espagnol renonce à ouvrir dans le futur tout procès ou à exiger des responsabilités contre «les délits commis par des fonctionnaires contre l’exercice des droits des personnes».
En clair, alors qu’elle amnistie tous ceux qui furent victimes de la répression franquiste, cette même loi signifie de fait l’amnistie pour les responsables de la répression. Aucun fonctionnaire, aucun policier de la dictature ne pourra être jugé. C’est donnant-donnant en quelque sorte, et l’armée veille au respect de ce pacte tacite ou pacte du silence. L’opposition politique d’alors n’était pas en mesure d’obtenir davantage du pouvoir mais elle avait franchi un pas considérable sur le chemin tortueux de la démocratisation de l’Espagne. De très nombreux prisonniers politiques de la dictature appuient cette loi d’amnistie à l’instar d’un Marcelino Camacho, leader du syndicat Commissions ouvrières, proche du Parti communiste. Les prisons espagnoles se vident de leurs prisonniers politiques et une nouvelle ère peut enfin commencer. Il est juste de préciser avec l’historien Santos Julià que «si la loi a en effet exclu le passé du débat parlementaire, elle n’a pas imposé la tyrannie du silence».
Le jour de l’adoption de cette loi fondamentale, la revue Interviu publiait un reportage sur les fosses communes de combattants républicains… Mais, dans cette Espagne de la fin des années 70, personne ou presque ne parle de créer une Commission de la vérité sur les milliers d’assassinats et violations des droits de l’homme pratiqués jusqu’à la fin de la dictature par Franco. On est loin du processus de retour à la démocratie de l’Argentine des années 80. En Espagne, lors de la transition et pendant les quatorze ans de gouvernement socialiste (1982-1996), il n’y aura aucune politique de réparation des victimes de la guerre et de la dictature. Aussi, pour nombre d’Espagnols, le rejet de la dictature et de la violation des droits de l’homme ne s’est pas inscrit comme une évidence dans la construction de leur culture politique.