Leigh, 14 ans, vit dans la banlieue de Brighton avec un père souvent absent. C'est une gymnaste douée qui s’entraîne intensément pour sa première compétition. Lorsqu’un demi-frère plus âgé apparait une nuit sur le seuil de sa porte, son existence solitaire vacille. La méfiance fait place à des sensations inconnues et grisantes. Leigh s’ouvre à un monde nouveau.
Plutôt que Perfect 10, le titre original faisant inutilement croire à une dramaturgie orientée vers la performance, mieux vaut retenir le titre français, L'envolée. C'est en effet ce mouvement intérieur qui donnera la qualité artistique du mouvement au sol de Leigh, la jeune gymnaste. Ce mouvement intérieur, il faudra tout le film pour le trouver. Leigh est en effet saisie, dans les premiers plans, yeux fermés, tête en bas, tenue par les pieds à la barre fixe, puis, même encouragée par sa professeure, s'arrêtant, découragée, à la première faute. Même blocage lors de l'arrivée de son demi-frère, Joe, ou face à son père, inconsistant, ou bien encore face aux regards méprisants des autres jeunes gymnastes aux parents plus riches. Leigh s'accroche néanmoins, se filmant chez elle ou refusant de renoncer en souvenir de sa mère, morte il y a peu, qui se montrait très fière d'elle.
L'envolée viendra de Joe, celui qui accorde deux chances aux gens avant de les quitter et même parfois trois, comme à sa jeune sœur. Qu'importe que ce soit un petit loubard décidé mais pas très doué. Son sens du jeu, celui du "loup" où l'on devient poursuivi lorsque l'on a crié "touché" ; des rodéos ou des vols de motos font quitter à Leigh son monde sans horizon. Grâce à lui, l'été retrouve ses couleurs dans la campagne, pourtant pas si loin des maisons grises de la banlieue. L'éclosion de sentiments troubles pour Joe, emprunts de respects et d'admiration mutuelle, permettra donc l'envolée. Une fin ouverte, moins directement optimiste que Fish tank (Andrea Arnold, 2009) auquel le film fait parfois penser, est en adéquation avec ces milieux de jeunes délinquants par désœuvrement, sans grande méchanceté. Une vision sociale bien moins lourde que chez Ken Loach où les personnages ne sont bien souvent que des mécaniques dans un scénario. Ici ce sont les acteurs, non professionnels, qui deviennent les sujets du film : Leigh et Joe.
Jean-Luc Lacuve, le 10/07/2020