C'est l'été au Groenland, les fleurs tapissent la prairie et les jeunes enfants se baignent dans l'eau froide. Dans le tipi familial, Navarana prépare à manger pour son père et répare un kayak. Un chant s'élève dans la mer, c'est le retour des chasseurs en kayak naviguant autour des glaces. Les frères de Navarana ont ramené des phoques et se réjouissent déjà de les dévorer tant ils savent leur sœur experte dans le dépeçage et la préparation de l'animal. Ils savent qu'elle va bientôt prendre époux et s'attristent de perdre une aussi bonne cuisinière. Navarana, tout en préparant les phoques attend en effet le retour du jeune Palo qui revient plus tard de la chasse.
Palo rend visite à Samo qui est, comme lui, amoureux de Navarana. Samo compte lui offrir une belle peau de phoque. Palo de son côté lui a préparé de belles boucles d'oreilles. Navarana reçoit le cadeau de Samo mais semble désirer davantage les boucles de Palo. C'est par sa sœur que celui-ci les lui remet.
Les enfants annoncent l'arrivée des saumons. C'est la ruée des hommes vers l'entrée de la rivière. Les harpons se déchainent et des centaines de poissons s'amoncellent sur le rivage. Samo s'est montré beaucoup moins adroit que Palo. Déjà jaloux suite au cadeau et constatant que Navarana est resté près de son rival, Samo fébrile, tombe dans l'eau. Palo vient le relever mais humilié devant tout le monde, il s'apprête à harponner Palo devant tout el monde. Le frère de Navarana l'en empêche et lui propose de régler son différent avec Palo dans la compétition de tambours, ancien rite autochtone.
Mais les frères de Navarana ont surtout décidé d'amener celle-ci avec eux pour l'hiver, de crainte que l'un des deux garons ne l'emporte. Ils se préparent en toute hâte pour la migration d'hiver. Navarana résiste un peu et accompagne la sœur de Palo cueillir des airelles sur la parie. Samo lui fait une brutale demande en mariage qu'elle repousse. Le grand kayak de la migration arrive; c'est l'occasion d'un grand banquet où la viande est mangée crue au grand plaisir de tous qui n'en peuvent plus rotent de satiété et ont "la langue verticale". Les enfants complètent avec des algues et se lèchent eux aussi les doigts. Quand la compétition des tambours débute entre Palo et Samo, les frères de Navarana rassemblent el clan pour partir. Navarana les suit à regret laissant son chien en cadeau pour Palo.
La compétition des tambours commence dont le but est de se moquer avec le plus d'entrain possible de son adversaire et de gagner ainsi les faveurs du public. A ce jeu là Palo prend bien vite le dessus sur Samo. Humilié, celui-ci sort son couteau et blesse grièvement Palo qui échappe de justesse à la mort. Palo se traine vers sa tante. Soigné avec de la graisse animale posée sur sa palie et les imprécations du chamane, il se remet petit à petit.
Les frères de Navarana ont trouvé une base pour le campement d'hiver en quelques jours ils construisent une maison de pierre, de mottes de tourbe et de bois. Samo décide de les rejoindre en Kayak. En chemin il aperçoit un ours blanc sautant de bloc de glace en bloc de glace. Attendant qu'il soit dans l'eau, il le harponne et accroche sa dépouille au kayak. Il arrive bientôt au camp d'hiver de Navarana et offre la peau de l'ours au clan ainsi que sa viande.
Une fois rétabli, Palo apprend que le frère de Navarana l'a emmenée au campement d'hiver mais que le Piterak, le vent du Groenland est trop fort pour qu'il puisse la rejoindre. Palo dédaigne le conseil. C'est chantant qu'il affronte le vent et la mer en furie pour atteindre la femme qu'il aime et veut épouser. Au campement d'hiver, les Inuits sont éberlués de le voir arriver par un temps si mauvais et lorsqu'il réclame Navarana ses frères ne peuvent s'y opposer. Ceux-ci ligotent Navarana à l'arrière du Kayak de Palo. Ensemble, ils partent à nouveau dans la tempête. Samo, fou de jalousie, les poursuit dans l'intention de les tuer avec son harpon mais il chavire et se noie.
Une rivalité amoureuse entre deux chasseurs sert de fil conducteur à la restitution d’un mode de vie qui est donné pour atemporel. L’intrigue est régulièrement abandonnée au profit d’un enregistrement des actes quotidiens de la collectivité ce qui en fait un document ethnographique d'importance. Les personnages n'interprète toutefois qu'en partie leur propre rôle. Les Noces de Palo, est mis en scène par Knud Rasmussen, le célèbre anthropologue lors de sa 7ème et dernière expédition au Groenland, avec la participation des habitants, entre 1932 et 1933. Colonisé depuis 50 ans, le mode de vie des Inuits de l'Est a alors déjà bien changé; ils sont en grand partie christianisé et très rarement nomade changeant de domicile à chaque été ou hiver. Certaines versions du film commencent par une courte introduction montrant le grand navire danois et l'hydravion avec lesquels est arrivé Rasmussen ainsi que sa nombreuse équipe technique et son matériel. Leur ayant montré des films occidentaux, Rasmussen demande donc, aux Inuit de se replacer dans les conditions de vie de leurs parents plutôt que dans la leur propre.
Un document ethnographique d'importance
La région d’Ammassalik, lieu où a été tourné le film, se situe sur la côte sud-est du Groenland, un peu en dessous du cercle polaire, en face de l’Islande. L’été, juin, juillet et août, la température moyenne est de +4° à + 6°. De la mi-août au début de septembre, on installe et construit les maisons d'hiver. Cette région est beaucoup moins peuplée que la façade ouest proche du Canada. En 1933, la population était de 847 personnes dans tout le district. Le film saisit donc une communauté avec sa cinquantaine de personnes réunis en plusieurs familles. Elle se nourrit ici essentiellement de phoques mais peut-être aussi de morse lors du banquet où chacun de lèche les doigts et rote de satiété. Les saumons qui remontent la rivière sont également péché avec une âpreté qui reviendra dans les documentaires marins plus tardifs ou même dans la pèche aux thons de Stromboli. La séquence de la chasse et du harponnage de l'ours blanc sautant de bloc de glace en bloc de glace est exceptionnelle. On y voit également els enfants manger des algues marines et les femmes ramasser des airelles.
La fabrication des tipis d'été avec leur structure en bois recouverte de peaux et d'igloos de pierres pour l'hiver est également bien saisie: recherche des pierres, éclatement des troncs avec des coins pour faire des poutres. La confection des masques pour les cérémonies et des jouets d'enfants est également bien saisie.
Le film est tourné sans bande son et postsynchronisé au montage. Celui-ci se fait à Copenhague avec des groenlandais de l'ouest tentant d'imiter celui de l'est (Les différents groupes inuit partagent une même culture et parlent une même langue, l’ ‘’inuktitut”, divisée en plusieurs dialectes). La version danoise n'est pas doublée comme pour mieux affirmer la légitimité de l'appartenance de ce territoire au Danemark au moment où la société des nations venait de la lui reconnaitre aux dépens de la Norvège qui la revendiquait aussi. Le doublage des versions internationales traduit ces approximations dans les dialogues qui se manifestent par de nombreuses répétitions.
Rasmussen meurt avant la fin du montage et le film sort au moment où le peuple est sous le coup de l'émotion des funérailles nationales qui lui ont été réservées. D'où selon les versions qui les gardent souvent en partie l'introduction qui le met en valeur ou son portrait en surimpressions sur les images aériennes finales
Un documentaire de fabulation.
Ayant préparé et supervisé la mise en scène, Rasmussen confie le tournage à Friedrich Dalsheim, un documentariste dont il a apprécié le travail. Le résultat est un beau documentaire de fabulation où en interprétant un rôle les non-acteurs révèlent bien davantage de l'esprit des Inuits que s'ils étaient filmés sans dramaturgie.
Les enfants ont le rôle de petit chœur antique annonçant l'arrivée des kayacs ou des saumons et surtout d'intermèdes comiques. L'un d'eux tient ainsi un gros saumon, glissant entre les mains; un autre s'essaie à l'arbalète enfantine sur un jouet en bois ou, faisant des grimaces de terreurs lorsque els s adultes portent des masques.
L'image magnifique et les longs plans de chasse convainquant car très peu montés restituent une grande impression de vérité. Certes la musique omniprésente et démonstrative gâche en partie l'authenticité des rushes. Ce n'est pas le cas en revanche des quelques plans en ombre chinoise (Navarana essayant ses boucles d'oreilles filmée depuis l'extérieur), les effets de premier plans d'un bateau ou d'un personnage devant l'horizon immense et les surimpressions de personnes sur les paysages lors des migrations). Ils sont suffisamment rares et bien intégrés pour rehausser discrètement le lyrisme du film.
Les noces de Palo obtient le Grand Prix au Festival International du Film de Venise.
Jean-Luc lacuve le 15/11/2015 (source : Cdi)