Une foule bleu et rouge qui scande "Spidey " devant une estrade, des journaux couverts de photos de l'homme araignée et de titres tels que "Why New York loves Spiderman " la gloire de la face cachée de Peter Parker est désormais, dans le troisième volet de ses aventure, incontestable.
Une impression de déjà vu ?
Cette gloire, un rêve dans le premier, contestée dans le deuxième, il semble que notre héros la mérite bien. Le spectateur sourit devant un Peter émerveillé par une vidéo de Spiderman diffusée dans la rue sur grand écran, reste indulgent lorsque le même constate, satisfait : "They love me. " Jusqu'au jour où il vexe M.J en embrassant une camarade de classe en public, assurant que "They'll like that " (ils aimeront ça) à propos de la foule en délire qui applaudit. Toute, sauf M.J et un petit garçon au premier rang, qui donne les premiers signes de l'orientation future du film en se couvrant les yeux avec les mains.
Car notre super héros, grisé par tant de succès,
en cherchera toujours plus. Persuadé d'un bonheur immuable, il ne verra
pas M.J souffrir des critiques et rejouer sans cesse le pari d'un rêve
intangible. C'est également aveugle qu'il se laissera envahir par la
terrible vengeance qui couve en lui depuis longtemps : faire payer le criminel
de Ben Parker, son oncle tant aimé. C'est sans remarquer la peine qu'il
fait à ses proches qu'il s'abandonnera à la vanité. Enfin
c'est s'ignorant lui-même qu'il se persuadera d'agir pour le mieux,
n'acceptant pas les remarques toujours sages de son ange gardien : tante May.
L'enjeu était grand, le pari assez réussi, mais les méthodes malheureusement un peu décevantes. A grand renfort de super-méchants et de super-bastons, Sam Raimi aveugle son héros en laissant une regrettable impression de déjà vu à son spectateur.
Le "plan du drapeau "
"C'est alors que surgissant des nuages, suspendu aux buildings par de
longs fils d'araignée, Spiderman vole au secours de la population New
Yorkaise et atterrit
" devant un immense drapeau américain.
Plan de quelques secondes, il reste néanmoins gravé dans la
mémoire du spectateur. Quelle idée dangereuse Sam Raimi a-t-il
décidé d'exploiter ici ? Le public français dans tous
les cas ne manquera pas de remarques amères quant à ce sursaut
de patriotisme dont on se serait bien passé.
Mais si cet énorme drapeau signifiait autre chose. S'il pouvait se
trouver, derrière cette image choc, une portée plus modeste.
Car après tout, qu'est-ce qu'une histoire de super-héros ? La
légende raconte que depuis leur création, ils n'ont cessé
d'être utilisés - notamment dans leur pays natal, les Etats-Unis
- comme instrument de propagande
ou de dénonciation. Selon le
contexte, le récit change, épouse la forme de la situation.
Aujourd'hui, lorsque les Etats-Unis mènent une guerre en Orient, partent à la "chasse aux terroristes " et suscitent nombre de polémiques, que penser d'un gentil héros, menacé par le côté obscur ? Que penser de l'erreur judiciaire - et émotionnelle - qui conduira Spiderman à châtier de la peine capitale un coupable qui n'en était pas un ? Sans parler du discours de tante May : "Nous ne pouvons pas décider de la vie ou de la mort d'un homme ".
Et si le "plan du drapeau " n'était là que pour nous
rappeler cela ?
Meredith Lacuve
Avec : Tobey Maguire (Spider-Man), Kirsten Dunst (Mary Jane Watson), James Franco (Harry Osborn), Thomas Haden Church (Flint Marko, l'homme sable), Topher Grace (Venom, Eddie Brock), Bryce Dallas Howard (Gwen Stacy), Rosemary Harris (May Parker), J.K. Simmons (J. Jonah Jameson), James Cromwell (La capitaine Stacy), Theresa Russell (Emma Marko). 2h20.