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Ceux qu’on ne voit pas

P. Poulain, B. Vacquerel
2017

Genre : Documentaire
Thème : exclus

Avec : Nicolas, travailleur social; Adama, mineur isolé étranger; Sandrine, ni expulsable ni régularisable; Kamara, débouté du droit d'asile, Omar, réfugié syrien sous protection subsidiaire; Amr, réfugié égyptien, mineur isolé; Ibrahim, réfugié statutaire; Egil et Véronique, hébergeurs solidaires; Hassan, interprète ; Ismaël, ancien agent de sécurité au port de Ouistreham ; Laurent Fiscus, préfet du Calvados, Tesfladet, demandeur d'asile 'Dublin'; Adeline, responsable d'association; Sébastien Thiery, coordinateur des actions du PEROU. 58'.

Nicolas, travailleur social, explique, qu'il y a dix ans, les migrants étaient des Asiatiques, Géorgiens, Arméniens du Caucase.. Actuellement ce sont des Nigériens et Albanais; des roms albanais et des albanais non roms, quelques Érythréens et Somaliens, Ivoiriens et Camerounais, Guinéens... Ils s'installent sur Caen, par hasard, ou parce qu'ils connaissent quelqu'un ou ont rencontré quelqu'un sur la route. Ce pouvait être un un lieu de passage mais ils s'y sont stabilisés. Caen est en effet un entonnoir car aux portes de l'Angleterre ; ils renoncent à leur projet et se stabilisent.

Adama, mineur isolé étranger, pas encore pris en charge et logé à l'hôtel Bernières depuis six mois. C'est long fatiguant stressant et difficile. Beaucoup de ceux qui étaient avec lui ont subi des "tests d'os" qui ont montré qu'ils étaient majeurs et ont dû quitter l'hôtel,

Sandrine, ni expulsable ni régularisable, car enceinte et envoyée de Paris à Caen. En 2013, elle avait été régularisée car ayant eu un enfant avec un Français mais six mois plus tard non renouvelée, bloquée à l'hôtel d'où elle ne pourra plus rentrer si elle sortait. Dans cet hôtel minable où le frigo sert de table de cuisine, une marmite est tombée sur elle. Elle accouche seule.

Kamara, débouté du droit d'asile; Il se plaint de son avocat commis d'office qui discute avec le préfet en ponctuant son discours de "bref" sans examiner les faits réels et, partant, ce qui pourrait lui venir en aide. Il squatte dans un lieu sans eau chaude ou dans une voiture,

Omar, réfugié syrien sous protection subsidiaire. Son père travaillait comme ingénieur civile et sa mère était professeure de science naturel dans université d'Aleph. La tante d’Omar et son mari habitent à Caen, quartier du Chemin vert. La famille a ainsi pu obtenir un visa de visite pour 15 jours. Ils n'ont eu que cette solution pour partir. En effet, il sont venus légalement mais sont restés illégalement car ne veulent plus être sur la ligne de front à Aleph. Ils ont vécu chez la tante pendant quelques mois. Omar apprécie son statut de  réfugié sous protection subsidiaire. Il n’a droit qu’à un visa d’un an renouvellable mais cela lui convient mieux que le statut de réfugié de qui donne droit à un visa de 10 ans.. ; qui lui semble beaucoup trop long car il ne veut pas rester 10 ans. Il veut son bac puis faire des études de médecine et partir ensuite dans un autre pays.

Amr réfugié égyptien, mineur isolé, venu par l'Italie après deux jours de traversée à 14 ans. Plusieurs bateaux puis Croix-Rouge italienne qui les sauvent de la mer. Puis le train pour venir en France revoir son père qu'il n'a pas vu depuis deux mois; puis rentre à Alençon apprendre le français alors que son père rentre en Égypte

Ibrahim, réfugié statutaire soudanais. 115 une seule fois après dans la rue

Egil et Véronique, hébergeurs solidaires. Action concrète après qu'un page Facebook les ait informés d'un réfugié soudanais dans la rue. Ils l'hébergent depuis deux mois. S'oriente avec son GPS, un lutin où tous ses papiers sont bien rangés, CPAM, statut de réfugié. Il est très organisé, refait son permis de conduire mais papiers (date de naissance) à traduire et refaire en français pur la préfecture RSA, carte bleue, Nouvel an à Granville mais évoque les souvenirs douloureux de la Libye avec des morts

Ismaël, ancien agent de sécurité au port de Ouistreham. En 2010, il était juste agent de sécurité. A partir de 2013, il doit assurer la sûreté portuaire. Ils doivent traquer des migrants. Il ira jusqu'à trouver 23 personnes dans un camion. Les camions frigorifiques ne sont alors pas systématiquement fouillés. Aujourd'hui, tous les camions sont vérifiés. Certains étaient fiers de les traquer ; pas lui. Il pense qu'il a eu tort de rester autant d'années à faire ce métier.

Laurent Fiscus, préfet du Calvados, déclare qu'il ne faut pas avoir peur des étrangers... Mais en profite surtout pour se mettre au premier rang des footballeurs-journalistes qui ont organisé l'évènement.

Tesfladet, demandeur d'asile "Dublin" veut vivre à Bretteville-sur-Laize

Adeline, responsable de trois centres d'accueil et d'orientaion (CAO) en collectif pour des calaisiens soudanais arrivés les 24 et 25 octobre 2017. 10 jours pour visiter des sites mis à disposition par la préfecture et la DDCS... des sites à pleurer ; des dortoirs avec dans de grands halls carrelés couverts de mouches. Elle peine à trouver un site pour de 60 à, face aux manifestants d’extrême droite, 15 réfugiés. Les réfugiés ont demandé l'asile mais difficile de le leur donner (normalement quelqu'un dont on a pris les empreintes en Autriche, doit faire sa demande en Autriche) sauf pour les militants venus de Calais.

Nicolas explique  que les migrants peuvent faire appel au 115 pour les sans-abris mais trois créneaux dans la semaine ou alors rencontre avec le Samu social mais incertain car pas assez de places. Les papiers nécessitent de nombreux déplacements mal desservies, avec de longues attentes. Les bénévoles souffrent aussi devant ce désordre. Les familles de migrants ont versé 2000 à 3000 euros pour le voyage et même parfois 10 000 à 20 000 euros. Ainsi une fois en Angleterre, ils devront cumuler trois ou quatre emplois en bossant 18 heures par jours avec une vie difficile.

Depuis quatre ans, un collectif, L’Assemblée Générale de luttes contre toutes les exclusions, cherche des squats pour que les migrants retrouvent des logements leur permettant de retrouver un peu d'intimité : un stock de vêtements, pouvoir faire la cuisine, se maquiller pour retrouver l'estime d’eux-mêmes.

Cours de français où l'on apprend à ne pas confondre un tank avec des tongues.

Intervention de Sébastien Thiery, coordinateur des actions du PEROU (Pole d'Exploration des Ressources Urbaines), au cinéma du Café des images. Il rappelle toute la puissance des associations, des bénévoles, partout pour faire changer le regard sur les migrants et notamment le regard des politiques. Il est temps de comprendre que la destruction des camps de migrants, qui se reconstituent alors immédiatement après un peu plus loin est une gabegie.

Le film de Pauline Poulain et Bénédicte Vacquerel est centré sur l’action de La Cimade Caen, association qui défend la dignité et les droits des personnes exilées en France et manifeste une solidarité active avec les personnes opprimées et exploitées. Sept migrants racontent comment ils sont arrivés à Caen et comment ils parviennent, malgré tout à y recréer un espace de vie intime. Certains sont des situations plutôt favorables ainsi Omar, réfugié syrien sous protection subsidiaire et Ibrahim et Amr, réfugiés statutaires; d’autres sont dans une attente qui dure; Adama, mineur isolé étranger et Sandrine, ni expulsable ni régularisable; d’autres enfin sont dans une situation plus délicate : Kamara, débouté du droit d'asile et Tesfladet, demandeur d'asile 'Dublin'.

Le film témoigne des multiples tracas administratifs, plus ou moins longs et pénibles avec lesquels, ils doivent se battre chaque jour mais aussi des belles rencontres qui naissent des mobilisations à leur égard. Ainsi Egil et Véronique qui hébergent Ibrahim depuis deux mois après s’être interrogés sur comment faire preuve d’une solidarité active. Ainsi des travailleurs sociaux, Nicolas et Adeline, qui tentent d’amortir la violence de la machine administrative alors qu’ils ressentent douloureusement l’abandon par les autorités publiques de leur combat au quotidien pour défendre la dignité des migrants.

La parole est aussi donnée à ancien agent de sécurité qui regrette d’avoir dû traquer les migrants pendant trop d‘années au port de Ouistreham et au préfet du Calvados pour qui tout à l’air d'aller parfaitement bien dans le meilleur des mondes, lorsque l’on n'a pas peur de l’autre… un discours bien général qui apparaît décalé face à la précision et l'empathie du documentaire sur chacune des situations particulières.

Jean-Luc Lacuve, le 16 mai 2018

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