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Sérgio traverse l'Afrique en voiture en empruntant transmauritanienne. A un poste frontière, on lui demande un livre comme bakchich, ce à quoi il répond avec bonne grâce. Bien plus loin sur la route, la voiture tombe en panne et un camion le conduit dans une baraque où le mécanicien est absent pour la journée. Sa femme lui offre le thé et de quoi manger. Il s'endort jusqu'au soir où il retrouve le mécanicien en prière. Il profite du paysage désertique.
Titre : Le rire et le couteau
Dans un hôtel de Bissau, Sérgio se repose dans sa chambre en attendant d'être contacté par l'ONG qui l'emploie puis se promène en ville. En rentrant à son hôtel, il a la mauvaise surprise qu'on lui annonce l'avoir changé de chambre car des invités de marque préféraient la sienne. Mais ces invités mettent de la musique très fort ce qui l'empêche de dormir après une vaine tentative de leur faire entendre raison. Ils ont une naissance à fêter. Le lendemain Sergio parcourt le marché où il remarque une jeune femme coiffée d'une perruque blonde, ressemblant à la fêtarde de la veille, qui négocie des kilos de viande et de légumes avant de soudainement prendre la fuite. Poursuivi par un marchand, la jeune femme dépose ses sacs aux pied de Sergio lui demandant de les lui garder. Sergio interloqué, prend un taxi dans l'intention de se rendre à la police mais, la jeune femme entre brusquement dans le taxi pour le remercier avant de prendre de nouveau la fuite. Le soir, sur la recommandation de l'hôtel, Sergio amène les sacs dans un bar où les jeunes l'accueillent avec circonspection. Gui, plus chaleureux, lui dit que Diara est à l'étranger et le convie à une fête dans une boite de nuit. Sergio est attiré par une jeune femme blanche qui repart avec son amie noire, puis par Gui, le brésilien queer qu'il embrasse brusquement avant de reculer pour essayer sa bouche du rouge à lèvres; ce que celui-ci apprécie peu.
Le patron de l'ONG vient chercher Sergio pour une réunion avec l'équipe. On lui explique qu'il succède à un autre travailleur humanitaire qui est parti avant de remettre son rapport environnemental. Or celui-ci est absolument nécessaire pour entreprendre la route qui va traverser la Guinée-Bissau. Le tracé initial a été modifié car il prévoyait de passer par une forêt que l'ONG est très fière d'avoir pu préserver, les hippopotames qui y vivent en la classant parc naturel. Le nouveau tracé passe non plus en amont du fleuve mais en aval et traverse des rizières cultivées de façon traditionnelle par les paysans. Sergio promet de faire de son mieux et au plus vite mais non sans objecter que son rapport pourra être défavorable.
Sergio est invité par son patron à la grande fête initiée par Ernesto, un riche homme d'affaires local, pour la naissance de son fils. Des femmes âgées racontent les souffrances endurées sous la colonisation des portugais jusqu'à l'indépendance en 1974; le recensement destiné à prélever de la force de travail dans chacune des familles avec des hommes de plus de quinze ans et les révoltes qui ont mené à l'indépendance. Sergio a la surprise de retrouver Diara, toute aussi étonnée de sa présence.
Sergio visite une rizière où les paysans renforcent la digue qui préserve les rizières de l'eau salée à grand amas de boue récupérée à grandes mains. Sergio participe à cet effort mais doit l'interrompre, son pied blessé par une coquille d'huître. Il accompagne ensuite une équipe d'une ONG humanitaire fière d'avoir installé des latrines dans des villages et ainsi contribué à un meilleur niveau d'hygiène. leur bonne conscience décomplexée met Sergio mal à l'aise
Dans une nouvelle fête Diara et Gui se mettent au défi d'être le premier à coucher avec Sergio. Pendant ce temps Sergio discute avec Ernesto qui lui a déconseillé de fréquenter ses amis. Sergio s'emporte et Ernesto lui sert le discours néocolonial: La Guinée-Bissau, comme l'ensemble de l'Afrique est partie trop en retard dans la course à l'accumulation du capital dont a su profiter l'Europe pour imposer ses diktat à l'Afrique. Seules les élites de ce continent peuvent rattraper le train de la modernisation en marche en collaborant avec elle ou avec la Chine. Sergio revient avec ses amis mais alors qu'il est séduit par Diara, celle-ci refuse qu'il la raccompagne en voiture.
Diara reçoit la visite d'un notable de la ville qui lui signifie qu'elle doit fermer son bar-resto. Le terrain qu'elle occupe appartient à la ville qui l'a concédé à un nouveau commerçant. Diara refuse de partir arguant que son grand-père avait planté le grand manguier qui s'y trouve et que jamais elle ne partira. Elle négocie quelques semaines de sursis.
Sergio est bientôt amené à étudier le tronçon le plus avancé de la route et à faire le relevé des animaux qui la traverse. Ses relations avec les européens venus travailler ici sont plutôt bonnes malgré sa tendance à compatir avec les ouvriers locaux souffrant de la soif. Lors d'une fête d'un ouvrier pour les dix-sept de sa fille restée au Portugal, leur relation s'envenime, Sergio ayant laissé les cadavres des animaux morts traversant la route dans une poche au sein du congélateur des ouvriers; le sien étant en panne. Pour se réconcilier, tous vont dans un bar tenu par une chinoise. Sur la route, ils parlent du prédécesseur de Sergio qui a mal fini du moins a t-il disparu, probablement après avoir enlevé une jeune femme noire dont il était tombé amoureux.La voiture des ouvriers roule sur les jambes d’un cycliste gisant à terre, refusant de s'arrêter de peur d'une embuscade. Sergio boit trop d'alcool de riz et finit par s'apercevoir qu'il est dans un bordel. Il tente de partir en voiture mais est trop saoul. Il est ramené dans la chambre d'une jolie prostituée avec laquelle il refuse de coucher; celle-ci lui crie son dégoût d'être obligée d'approcher des hommes biens comme lui.
Sergio revient à Bissau et découvre le bar-resto de Diara désert. Il va chez elle arguant qu'il a quelque chose à lui dire mais rien ne vient et Diara le met dehors prétextant qu'elle doit se reposer. Sergio rencontre Gui et tous deux croisent un marché aux chèvres qui vont être tuées pour une cérémonie rituelle. Sergio discute avec Gui pour savoir s'il pourrait en sauver une, la plus jeune, la noire, la moins chère. Quand Gui propose d'aller dans une boîte de nuit pour retrouver Diara, Sergio lui dit qu'elle se repose ce que ne croit pas Gui. il a raison et tous les trois se retrouvent pour danser.
Sergio est convoqué par Ernesto dans la salle de sport de sa luxueuse maison et qui lui propose 150 000 euros pour rendre un rapport positif.
Diara invite Sergio sans lui en donner la raison. Elle est outrée qui puisse se permettre la bonne conscience de refuser 150 000 euros. Elle l'invite dans sa famille où il est bien accueilli. Mais Dira refuse une nouvelle fois qu'il la raccompagne. Elle sidère Sergio quand elle lui dit qu'elle va faire l'amour avec un de ses amants et qu'elle souhaite qu'il les regarde sur une chaise.Sergio accepte et se retrouve bientôt impliqué dans un trio avec Diara et son amant, embrassant l'une et faisant l’amour avec le second dans un mélange d'amour et de sexe ainsi partagé avec Diara.
Sergio part interroger les populations qui habitent autour du futur tracé. Il prend en chemin deux villageois déguisés un peu inquiétant mais qui le conduisent à une nouvelle cérémonie rituelle puis il se rend en pirogue dans différents villages. Il est pris d'un violent mal au ventre qui va jusqu'à l'évanouissement et il est ramené en ville.
Sergio remet son rapport au secrétariat de l'ONG et s'en retourne voyager en quête de nouvelles découvertes
Le film est magnifique aussi bien par sa bande-son que par ses images de l'Afrique et des Africains, sublimées par un ratio d'image de 2.675, soit plus large encore que le Scope historique, 2.55. Il l'est surtout parce qu'il s'attache à un personnage en recherche de lui-même au travers des rencontres qu'il fait. Le film est ainsi nettoyé d'un idéalisme ou d'un scénario trop dense, rendant nécessaire sa durée de 3h30. Le titre du film renvoie à une chanson du brésilien Tom Zé. Elle est fredonnée par Gui, Diara et Sergio quand ils vont se baigner sur une plage où des vaches se tiennent immobiles près de l'eau. La chanson évoque le rire qui permet aujourd'hui de soulager par moment les blessures qui firent mal.
Un montage flottant
Le montage est parfois assez inhabituel. Il met ainsi en scène des personnages secondaires avant qu'ils ne soient intégrés dans la ligne fictionnelle directrice. Ainsi Gui et Marcelina apparaissent dans le marché avant qu'ils ne soient vus par les yeux de Sergio, le jour suivant. Pareillement, le discours des femmes âgées sur la dureté de la colonisation est développé avant que Sergio ne s'approche d'elles et les écoute. Cette polyphonie, cette disponibilité à l'événement parcourt tout le scénario qui évacue toute dramatisation. On ne saura pas grand-chose du prédécesseur de Sergio dont on apprend par l'un des ouvriers qu'il a disparu dans des circonstances peut-être dramatiques seulement dans le dernier tiers du film sans que cela n'influence Sergio au-delà de la fausse menace des passagers déguisés qu'il prend un peu plus tard en stop. De même, le rapport qui est censé être l'enjeu dramatique du film est remis sans que nous en connaissions les conclusions. L'enjeu sexuel et amoureux est soudainement et brillamment résolu avant d'être évacué, Sergio s'en allant interroger divers peuples autochtones. C'est aussi la grâce de Sergio qui ne s'attache pas, ne cherche pas à accumuler, toujours libre de partir. C'est de cette liberté dont rendent compte les 3h31 du film. Il n'est pas certain que la version de 5h20 soit meilleure.
Des "modèles " de développement interrogés.
Sergio ne s'opposera probablement pas au tracé de la route. La Guinée Bissau a droit au développement et les efforts ponctuels des ONG sont montrées comme dérisoires : les pompes à eaux sont peu utilisées fautes d'entretien ou d'installation dans des clans qui les ferment aux autres; les latrines pour améliorer l'hygiène sont humiliantes et inutiles tant qu'elles ne sont pas compris dans un projet environnemental et économique plus vaste. L'ONG de Sergio a d'abord protège les hippopotames avant de se rendre compte d'un impact probable sur les habitants. Elle se trouve maintenant dans la nécessité d'aller vite pour utiliser des fonds européen qui seront d'ailleurs accaparés par l'entreprise chinoise qui mène les travaux. Face à toutes ces incohérences, les habitants ne disent pas non au progrès mais en reviennent souvent aux anciennes habitudes; quitte à les améliorer : la canalisation en plastique est plus facile à construire que celle obtenue en creusant un tronc d'arbre.
Par ailleurs, la cohérence globale du modèle économique européen trouve parfois ses limites comme le note avec une malice incrédule la femme qui demande si c'est vrai qu'on utilise de l'eau potable pour les toilettes en Europe.
Flotter plutôt que d'être assigné
Même avec la mauvaise conscience de l'ancien colonisateur, Sergio se révèle peut être plus libre que Gui. Celui-ci, Brésilien, est revenu pour retrouver ses racines africaines et pourtant on lui repproche de ne pas être assez noir... et donc blanc. Gui conseille à Segio, le portugais de soigner la blessure coloniale après l'avoir causée; c'est aussi le message de Diara qui aimerait qu'il utilise les 150000 euros proposés par Ernesto à un projet constructif. En refusant l'argent et en acceptant probablement la nouvelle route, Sergio échappe au cynisme qui aurait fait de lui un participant à l'ordre mondial. Ernesto explique que le retard d’Afrique dans la course à l'accumulation du capital justifie la croyance que seules les élites des pays anciennement colonisés peuvent se mettre sur les rang de la compétition mondiale.
Jamais assigné, politiquement et sexuellement, Sergio choisit, comme il était venu, marchant dans le désert, la voie de la liberté et de l'aventure de la connaissance de soi.
Jean-Luc Lacuve, le 3 août 2025