Le 31 mars 2016, place de la République à Paris naît le mouvement Nuit debout. Tout débute par un mouvement massif de protestation contre le projet de loi sur la réforme du travail soutenu par la ministre socialiste Myriam El Khomri.
Le 9 avril, le journaliste François Ruffin protège de son parapluie Monique Pinçon-Charlot pour son discours. L'économiste Frédéric Lordon, prévient que lorsque le plaisir de la parole sera épuisé, que lorsque viendra le retour des échéances électorales ou des examens, le mouvement risque de s'épuiser. Mais, on n'en est pas là dans la commission démocratie qui gère les prises de paroles lors des assemblées générales. un langage des signes hérité des mouvements Act-up, Occupy Wall Street et des Indignés est inventé et placardé sur la place. Lorsque les micros sont en panne, on porte la parole loin en répétant bien fort, aux premiers rangs, la parole de l'orateur pour que els derniers rangs puissent l'entendre. La commission réfléchit et faisant sanctionner les décisions des commissions de réflexion par un vote démocratique. Mais voter à quarante est-ce démocratique ? Faut-il que le vote soit représentatif ? Unanime ?
Pendant ce temps là, la répression policière s'organise. Les CRS bloquent les camionnettes afin d'empêcher l'installation des sonos pour les assemblées. Les gaz lacrymogènes sont utilisés, des manifestants sont menottés et embarqués. Pourtant, rien ne semble les décourager. Tous les matins, les tentes et les bâches sont montées et ce par n'importe quel temps (la météo est de droite s'amuse un participant)
Le 10 mai 2016, La majorité parlementaire nécessaire pour faire voter la Loi Travail n'étant pas assurée, le Premier Ministre Manuel Valls décide de la faire passer en utilisant l'article 49-3 de la Constitution. Dans l'après-midi, plusieurs centaines de manifestants viennent occuper le pont de la Concorde par un sit-in, le pont étant situé en face de l'Assemblée nationale. Des slogans fusent : "CRS retourne-toi, les voyous sont derrière toi". Les manifestants sont rapidement délogés par des CRS.
Fin mai, la baisse d'affluence aux assemblées est significative, les étudiants sont en partiels et la météo décidemment pluvieuse mais c'est surtout le recours systématique au 49.3 qui étouffe l'espoir.
Néanmoins tous ceux qui sont passés sur la place de la République à cette époque en ont été marqués. Ceux qui s'y sont investis ont fait l'expérience d'une autre forme de démocratie, plus active et plus joyeuse.
Comment parler ensemble sans parler d’une seule voix ? Et plus généralement, il semblait important à la réalisatrice de mettre face à face d’un côté la violence du gouvernement avec l’utilisation du « 49.3 » qui ôtait la parole à l’Assemblée Nationale et l’utilisation de la violence policière qui ôtait la parole aux manifestants, et de l’autre, un mouvement citoyen qui, à l’inverse, cherchait à réinventer une assemblée démocratique et citoyenne où la parole de chacun était prise en compte.
Pour Mariana Otero "Nuit debout aura marqué une génération et contribué à politiser toute une frange de la population qui s’était éloignée de la politique politicienne des partis. Ce qui a été réfléchi sur les places a irrigué la campagne de 2017 : des thèmes qui ont été travaillés à Nuit debout comme le salaire à vie, la 6ème république, le tirage au sort, la reconnaissance du vote blanc, se sont invités massivement dans la campagne de 2017 alors que les campagnes précédentes avaient été dominées par la sécurité".
Jean-Luc Lacuve, le 19 octobre 2017