Gare de Vaslui à l'est de la Roumanie. Voichita vient chercher son amie Alina qui revient d'Allemagne. Voichita habite désormais le monastère de Tanacu dirigé par un prêtre que tous appellent "papa" et une mère supérieure appelée "maman" qui veillent à la répartition équilibrée de la petite dizaine de surs qu'ils ont pris sous leur protection. Voichita est ainsi chargée de puiser l'eau du puits et de réparer le poêle à bois dont les fuites de fumées pourraient indisposer les pensionnaires. Alina qui déplore le manque d'électricité et la toute petite chambre de Voichita, presse celle-ci de faire ses affaires. Comme elle l'avait promis, elle est revenue chercher son amie pour l'amener gagner sa vie avec elle en Allemagne. Mais Voichita a changé. Au monastère, elle a rencontré l'amour de Dieu et elle pante là son amie interloquée pour discuter avec "papa".
A celui-ci, elle explique qu'Alina était sa seule amie durant ses longues années à l'orphelinat et qu'elle souhaite accompagner son amie en Allemagne durant un bref séjour où elle la rassurera sur la nouvelle orientation, religieuse, qu'elle a donné à sa vie. Papa la met en garde, elle peut partir mais "celui qui revient n'est pas le même que celui qui est parti" et, à son retour, elle ne devra pas s'étonner que sa place soit prise par une autre. Il s'étonne qu'Alina ne se soit pas confessée depuis longtemps et lui conseille d'inciter son amie à se libérer de ses péchés grâce à lui. Alina le soir à table n'a qu'un seul but, s'assurer qu'elle pourra accompagner Voichita le lendemain en ville pour récupérer un diplôme qui lui fait défaut en Allemagne et préparer leur départ pour le lundi suivant.
Le soir dans la chambre, Alina demande à Voichita de la frictionner à l'alcool. Elle se déshabille et voudrait entrainer son amie à dormir dans le même lit mais Voichita lui déclare que son amour pour elle a changé de nature et qu'elles ne peuvent dormir ensemble.
Le lendemain matin, Monsieur Valerica, un vieil homme qui admire l'engagement du prête de Tanacu, a mis, comme d'habitude sa voiture à disposition des surs pour descendre en ville. Alina est malade et ne peut accompagner Voichita qui lui promet de ramener son diplôme et lui conseille de se confesser. Maman emporte toutes les victuailles que les surs ont pu récolter et préparer pour l'orphelinat de Vaslui. La vie y est dure et une pensionnaire qui va bientôt atteindre la limite d'âge implore maman de la prendre au monastère. Maman lui demande d'attendre qu'une place se libère car ils n'ont pas les ressources suffisantes.
De retour au monastère, Voichita apprend à Alina qu'elle n'a pu obtenir son diplôme et que son départ lundi est compromis. Elle prépare sa confession et la litanie des péchés. Alina en revient meurtrie et Voichita accepte de dormir avec elle, lui chantant une chanson. Le lendemain, Alina perd toute raison en voyant ses espoirs de départ repoussés et c'est hystérique que maman et les surs l'amènent à l'hôpital. Le docteur Solovastru diagnostique une infection pulmonaire en plus du dérèglement hystérique d'Alina. Il ne peut garder Alina plus longtemps et la remet aux soins des surs. Le prêtre lui demande de retourner dans sa famille d'accueil. Alina refuse et préfère donner ses économies pour rester avec Voichita. Elle ne tarde pas à faire scandale de nouveau et pour l'éloigner du regard des fideles venus assister à la messe, maman et les surs l'attache sur un brancard qu'elles confectionnent à la hâte.
Il la force à jeuner trois jours puis décident d'une cérémonie d'exorcisme dont Voichita est exclue. Celle-ci pense appeler à l'aide en voyant une voiture qui passe mais laisse faire. Le soir cependant elle libère de ses chaines Alina et lui demande de partir. Elle regagne sa chambre, entend des pas dans la neige et s'endort.
Le matin l'une des surs vient lui dire qu'Alina est souriante et comme
libérée de ses démons. Alina adresse alors un sourire
et un regard illuminé à Voichita avant de s'écrouler.
Les surs appellent l'ambulance mais Alina est morte en arrivant à
l'hôpital. Une enquête de police est ouverte. Le prêtre
et les surs ayant attaché Alina sont conduites dans une camionnette
de police. Vaslui sous la neige fondant sous les marteau-piqueurs. Un car
éclabousse la vitre de boue que l'essuie-glace dégage en partie.
Inspiré d’un fait divers survenu en 2005 à Tanacu près de Vaslui , Au-delà des collines est une fiction fondée sur l’histoire d’une jeune femme venue visiter une des sœurs d’un couvent orthodoxe, décédée quelques temps plus tard à l’issue d’un supposé exorcisme.
Mungiu part de ce fait-divers pour ausculter les plaies purulentes de l'après Ceausescu mais travaille son panorama social (parfois un peu long) d'une confrontation entre deux idéaux amoureux qui ont chacun leur hors-champ.
Un film social
Mungiu prend le temps d'installer son histoire, les plaies de l'après Ceausescu et la vie terriblement difficile subie par des habitants vivant en quasi autarcie. L'hôpital est sans moyen et oscille entre bonhomie non dénuée d'efficacité (le docteur Solovastru diagnostique une infection pulmonaire en plus du dérèglement hystérique d'Alina) et hargne froide (le docteur Neagu qui constate la mort d'Alina). La famille d'adoption d'Alina est gentille et honnête mais demande sans doute beaucoup de travail aux orphelins qu'elle adopte. L'orphelinat laisse le viol impuni entre pensionnaires et couvre la pédophilie d'un photographe. Face à ces plaies, le monastère et son prêtre fier apparaissent incontestablement comme séduisants, équilibrée et chaleureux. Ce que tous les plans démontrent parfois avec instance : de la première montée au-dessus de la ville jusqu'aux différents paysages herbeux ou neigeux. Le prêtre se bat contre sa hiérarchie qui voit d'un mauvais il sa petite communauté harmonieuse. Ce n'est que contraint par l'intransigeance d'Alina et la confiance exagérée de ses protégées qu'il se résout à la séance d'exorcisme. Lui-même fuit comme la peste les désordres de la superstition et se montre sans indulgence pour qui croirait trop dans le pouvoir des icones ou la survenue du malin (l'épisode de la buche marquée d'une croix noire).
Le film est explicite dans son discours social et ce jusqu'à l'image finale qui voit la boue du quotidien ternir la vitre de la camionnette de police. Un coup d'essuie glace parvient néanmoins à évacuer en partie cette boue. Ainsi ce conclut le film alors que dans la réalité le prêtre a été condamné à sept ans de prison.
Alina se tue par amour
Mungiu semble en effet se détacher assez nettement de la réalité pour décrire des personnages certainement plus hautement spirituels que dans la réalité et bien moins cruels. C'est déjà le cas probablement pour la cérémonie d'exorcisme. Il ne s'agit effectivement pas d'une croix comme les journaux l'ont relaté sur laquelle est attachée Alina mais d'un brancard constitué à la hâte pour transporter Alina loin des regards des fidèles venus assister à la messe. La cérémonie d'exorcisme n'est pas montrée mais aucune trace de violence autre que celles constatées pour l'attacher n'est révélée. Il faut donc bien trouver une autre cause à la mort d'Alina.
Peut-être la mystérieuse séance qui suit la libération d'Alina par Voichita en donne-elle la clé. Dans sa chambre, Voichita s'assoit et entend du bruit mais s'allonge et s'endort. Le matin les surs retrouvent Alina souriante et libérée. Elle adresse alors un sourire et un regard illuminé à Voichita avant de s'écrouler. Ce n'est évidemment pas un sourire mystique lié à l'exorcisme qu'Alina adresse à Voichita mais un sourire de don amoureux total. En restant dans le froid derrière la porte de Voichita une fois libérée, elle sait qu'elle se condamne à mort mais préfère en finir ainsi que de vivre sans son amie. Voichita le comprend en partie inconsciemment en abandonnant sa tenue noire de nonne pour revêtir le pull beige de son amie, comme habillée, entourée par le sourire que celle-ci vient de lui délivrer. Mungiu fait ainsi répondre au hors champ de la cérémonie d'exorcisme, le hors champs du sacrifice d'Alina laissant au spectateur le soin de choisir entre l'une ou l'autre des causes de la mort d'Alina. On se gardera pour notre part de trancher avec la hargne du médecin qui constate le décès.
Jean-Luc Lacuve le 25/11/2012