Y a-t-il un Français dans la salle ?

1982

Genre : Drame social

D'après le roman éponyme de Frédéric Dard. Avec : Victor Lanoux (Horace Tumelat), Jacques Dutronc (Eric Plante), Jacqueline Maillan (Madame Fluck), Michel Galabru (Victor Réglisson), Dominique Lavanant (Ginette Alcazar), Andréa Ferréol (Georgette Réglisson), Jean-François Stévenin (Paul Pauley), Jean-Luc Bideau (Maurice Serruti), Emmanuelle Riva (Adélaïde Tumelat), Marion Peterson (Noëlle Réglisson), Jacques Dufilho (Jean-Marie, le maître-chanteur). 1h46.

Mars 1981. Chef d'un puissant parti politique de droite, le "R.A.S.", le président Horace Tumelat, la cinquantaine, est au faîte de sa carrière politique lorsqu'il apprend le suicide de son vieil oncle Eusèbe, qui l'avait élevé. Or, ce dernier détenait un secret : il avait séquestré chez lui un homme qui faisait "chanter" Tumelat, en menaçant de révéler son passé de "collabo". Tumelat reprend contact avec ce maître chanteur (toujours prisonnier dans la maison du vieil oncle), et apprend qu'Eusèbe a laissé une lettre avant de se donner la mort; mais cette lettre a disparu.

Tumelat se rend alors chez la femme de ménage de son oncle, Mme Réglisson, qui n'a pas la lettre, mais qui a une charmante fille de 17 ans - Noëlle - dont Tumelat va immédiatement tomber amoureux, malgré la grande différence d'âge. Parallèlement, les deux inspecteurs de police Serruti et Pauley enquêtent sur la mort d'Eusèbe, pensant que, vu la personnalité politique du neveu, il pourrait s'agir d'un meurtre. Pauley trouve en Mme Fluck - une voisine de l'oncle Eusèbe - une informatrice de choix; elle le met notamment sur la piste d'Eric Plante - photographe d'un journal à scandale - qui détient la lettre qu'avait laissé le vieil oncle. Plante va essayer de compromettre Horace Tumelat, d'autant plus qu'il a également photographié l'homme politique avec la jeune Noëlle. Mais Tumelat le prend à son propre piège en annonçant son mariage avec la jeune fille.

C'était compter, toutefois, sans la jalousie de Ginette Alcazar, fidèle secrétaire du "président Tumelat", qui aime ce dernier depuis toujours et va aller jusqu'à défigurer la jeune fiancée du président dans un incendie volontaire. Tumelat, qui voulait refaire sa vie, est brisé par le drame.

Adapté du roman éponyme de Frédéric Dard, signé du pseudonyme de San-Antonio et paru en 1979, le film est situé en mars 1981, à la veille de l'élection de François Mitterrand. Il fut l'un des succès commerciaux de 1982. La distribution est éblouissante. Autour de l'excellent Victor Lanoux en président d'un parti de droite où s'affiche la photographie de campagne de Valéry Giscard d'Estaing gravitent Michel Galabru en communiste ayant chez lui une photographie géante de Georges Marchais, Dominique Lavanant en secrétaire dévouée corps et âme à son patron; Jacques Dutronc en salaud cynique et ironique ; Jacqueline Maillan subissant le désir de Jean-François Stévenin amateur de transexuels et de rombières lui rappelant sa mère, détestant les chats au point de les passer au four ou Jacques Dufilho en maître-chanteur séquestré devenu inspirateur politique du "Président". Les bons mots de Frédéric Dard et le moindre second rôle (la dame au chariot de courses) sont tous excellents.

Jean-Pierre Mocky fait exprimer en voix off les pensées intimes de ses personnages, veules, cyniques et guidés par leur seul désir. Il inscrit la sienne propre pour marquer un peu de compassion avec eux (lors de la mort de Paul Pauley) ou pour souligner l'amour sincère de Noëlle et du Président que vient alors accompagner une musique romantique. C'est pourtant bien là que se situe la faiblesse politique du film qui croit que l'on pourrait sauver une société corrompue par l'innocence supposée de la chair fraîche et en appelant au courage des vrais français. C'est d'abord le bébé qui ouvre le film comme garant d'une vérité que l'on va révéler et Noëlle qui n'est digne d'être aimée que pour la beauté de ses 17 ans. Son visage brûlé à la fin marque le retour au cynisme du président. On voit mal comment il pourrait changer le monde (Votre bannière c'est la Sofres, votre patrie c'est la télévision) et Mocky se garde bien de faire apparaître la moindre allusion à Mitterrand et au programme commun de la gauche. Par ailleurs, belle séquence de l'assemblée générale du conseil d'Etat avec ses tableaux d'Henri Martin. 

Jean-Luc Lacuve, le 24 mars 2024

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