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Le deuxième souffle

1966

D'après le roman de José Giovanni. Avec : Lino Ventura (Gustave Minda, dit Gu), Christine Fabrega (Manouche), Michel Constantin (Alban), Raymond Pellegrin (Paul Ricci), Marcel Bozzuffi (Jo Ricci), Paul Meurisse (le commissaire Blot), Paul Frankeur (le commissaire Fardiano), Pierre Zimmer (Orloff), Louis Bugette (Théo, le passeur), Denis Manuel (Antoine Ripa), Pierre Grasset (Pascal Leonetti), Raymond Loyer (Jacques, le notaire), Albert Dagnant (Jeannot Franchi), Jacques Léonard (Henri Tourneur), Sylvain Levignac (Louis Bartel), Jean-Claude Bercq (Inspecteur Godefroy). 2h30.

20 novembre 5h58. Gu et deux hommes s'évadent de la prison de Castres. L'un d'eux meure en tombant du mur d'enceinte. Gu et son compagnon récupèrent des vêtements civils et courent dans les sous-bois avant de prendre en marche un train de marchandise. Le jeune compagnon de Gu, qui l'a beaucoup aidé, quitte bientôt le train laissant Gu seul monter ainsi vers Paris.

Marseille, 20 novembre, 23h... Dans La boite de jazz de Paul Ricci. Un informateur lui précise que "ce sera pour le 28 décembre". Paul regagne son bureau et tente en vain de retenir Jeannot Franchi qui se prépare à partir pour Paris. Jeannot en veut à Jacques le Notaire dans une affaire de trafic de cigarettes et se sent obligé de faire ce voyage. Paul aurait aimé qu'il y renonce, pressentant un risque inutile au regard de l'enjeu du coup du 28 décembre.

Paris, 21 novembre... Dans son restaurant sur les Champs-Élysées, Jacques le notaire apprend par deux de ses hommes que Gu s'est évadé et en informe sa compagne, Simone, dit Manouche, la sœur de Gu qui est venue aidée pour tenir là caisse. Manouche est étonnée, il y a dix ans, elle lu avait en vain proposée de l'aider à s'évader et avait craint qu'il se laisse mourir en prison. Alban, qui fait office de barman et soutien de toujours, est mis dans la confidence. Tout trois n'ont pas le temps de penser à comment aider Gu que Jeannot Franchi surgit à la port et abat Jacques le notaire ; Alban réplique et blesse grièvement Franchi qui fuit difficilement, soutenu par ses deux hommes de main. Alban prend els choses en main et renvoi. Juste après le balourd commissaire de quartier surgit le commissaire Blot de la sureté qui décrit le comportement prévisible de chacun avec ironie. Il connait chacun et plus particulièrement Alban et Manouche ; il leur laisse le journal où on annonce l'évasion de Gu rappelant que dix ans auparavant il avait signé l'attaque du train d'or.

Marseille 22 novembre. Paul Ricci est informé que Jeannot est dans le coma. Il décide de monter à Paris

Paris 23 novembre ,0h25. Alban et Manouche quittent le restaurant des Champs-Élysées. Alban reconduit Manouche chez elle mais dans le garage, il est pris à parti par deux hommes qui l'assomment avant de menacer Manouche. Gu, qui venait se refugier chez sa sœur, entend leur propos : Sans désormais la protection de Jacques le notaire, elle devra verser 10 millions. Gu les maitrise facilement d'autant qu'Alban désormais remis tabasse les deux hommes. Ils avouent, c'est Joe Ricci qui les a envoyés. Au petit matin, Gu les abat dans la voiture volée conduite par Alban près de Ville-d'Avray où Manouche est venue les chercher. Alban conduit Gu dans une planque à Montrouge, une vieil immeuble délabré, près de la voix ferrée

Ce même 23 novembre, dans un autre banlieue parisienne, Paul est venu constater le décès de Jeannot Francis. Il rend visite à son frère Joe dan son bar le Ricci's pour une visite éclair. De retour à Marseille, il déclare à ses deux complices, Antoine Ripa et Pascal Leonetti que Jo, en lequel il n'a jamais eu confiance, ne pourra être le quatrième homme dont ils ont besoin pour leur braquage depuis que Jeannot est mort. Ila une autre idée Orloff. Le soir celui-ci vient els rejoindre et Paul lui explique l'affaire. L'attaque d'un fourgon escorté de deux motards. A l'intérieur 500 kilo de platine soit un milliard de francs à se partager en cinq : les quatre braqueurs et l'informateur. Vu la somme, 200 millions, Orloff demande une semaine pour réfléchir

Paris 24 novembre, Blot a retrouvé l'identité des deux morts de Ville-d'Avray, Henri Tourneur et Louis Bartel. Leur assassinat par balles dans une voiture fonçant en ligne droite, lui rappelle celui de Francis le bancal, 15 ans plus tôt. Son auteur : Gu

Gu se rend à Marseille, d'où il compte gagner l'étranger avec Manouche, mais il lui faut de l'argent. Paul Ricci, dont l'un des hommes a été tué, le contacte sur les conseils d'Orloff, et malgré les réticences de son associé Antoine, qui considère Gu comme un homme fini.

Bien que le hold-up doive s'accompagner de la mort de deux motards, Gu accepte. Le coup réussit parfaitement. Mais quelques jours plus tard, un gardien de prison le reconnaît alors qu'il assiste à une partie de pétanque. Le commissaire Blot va alors monter une formidable mise en scène qui va complètement l'abuser. La presse relatera son arrestation, en précisant que, selon les dires de Fardiano, commissaire de police à Marseille, Gu a donné Ricci.

Déshonoré, Gu est tabassé par le commissaire Fardiano mais réussi à s'évader et à faire rédiger au commissaire Fardiano une confession avant de l'exécuter.

Ses anciens complices, manoeuvrés par Jo, lui tendent une embuscade. Blessé à mort, il tire sur la police avant d'être abattu. Blot ne révélera pas à Manouche qu'il a prononcé son nom avant de mourir mais laissera tomber le carnet contenant la confession de Fardiano devant les journalistes.

Pour avoir un peu d'empathie avec Gu, il faut compter sur la capacité de Melville à faire entrer le genre du film noir dans le cadre plus grand de la tragédie.

Un film noir élevé jusqu'à la tragédie

Le premier carton introductif prévient "L'auteur de ce film ne prétend pas assimiler la "morale" de Gustave Minda à la morale." celle ci est développée dans le carton suivant. "A sa naissance, il n'est donné à l'homme qu'un seul droit : le choix de sa mort. Mais si ce choix est commandé par le dégoût de sa vie, alors son existence n'aura été que pure dérision".

Le thème tragique est ainsi annoncé dès l'ouverture : la dignité est le signe véritable de la grandeur de l'homme condamné de toute façon à mourir. La fatalité, le destin sont implacables : la date et l'heure ne cessent de s'inscrire sur l'écran.

Il n'y a certes pas unité de temps ou de lieu mais épure de l'action, réduite à quelques scènes mais surtout personnages vus en grand. Gu n'a rien d'un tueur (il a tué une fois il y a quinze ans) mais, aux abois, il est contraint d'accepter un projet ou il devra tuer un homme. Orloff, son alter ego, a bien compris que ce marché ne peut convenir à quiconque et s'est désisté, même s'il a hésité sur l'instant vu la somme allouée mais en comprenant ensuite la conséquence meurtrière. Ce dépassement tragique dans le meurtre est l'objet de l'unique séquence de solidarité entre Gu et Antoine Ripa : "les flics c'est nous deux et personne d'autre" Ainsi Orloff Alban et Manouche sont-ils vus en grand. Plus le monde décrit est ténébreux plus la noblesse de l'homme y brille.

La relation entre Gu et Manouche est ambigüe. Théo, le passeur, présente Manouche à Orloff comme étant la sœur de Gu. Vu la sincérité entre eux, il n'y a pas de raison de penser qu'il ment. C'est le terme "sœur" qui peut être questionné. Manouche, lors du diner aux chandelles, rappelle à Gu qu'ils s'entraident depuis l'enfance. C'est ainsi une relation essentiellement fraternelle qui s'est créée entre eux, comme entre eux et Alban, sans qu'ils soient génétiquement frères et sœur. Manouche comme la sœur de Gu a des fonctions protectrices (elle soigne, range la planque de Montrouge et prépare la maison de Marseille), ce qui n'exclut sans doute pas toute relation sexuelle. Lors de ce fameux diner aux chandelles, il y a sans doute baiser (même si filmé de dos) et Gu s'est préparé (rasage) et habillé comme on reçoit une amoureuse. Qui plus est, Manouche, sans doute troublée ou pressée a oublié ses gants qu'Alban ne se fera pas faute de prendre le matin pour lui ramener.

Le commissaire Blot saura de son côté faire éclater la vérité, en particulier sur les méthodes de son collègue Fardiano

Un style entre Bresson et Huston

Le style du film oscille entre l'épure à la Bresson et l'ironie du destin chère à John Huston. La séquence initiale de l'évasion, sans parole, est très formaliste. Fascination pour les héros taciturnes (Alban au risque de sa vie refuse d'interpeller Manouche qui tomberait dans le piège des deux maitres chanteurs), humour très discret réduit à la remarque de Simone : "ça vous fatigue pas ces arbalètes"), cadrés en plan rapproché épaule, les truands à la grande silhouette efflanquée style gangster, les voitures étrangères américaines surtout.

Quelques décharges de violence (la mort du jeune évadé, de Jacques le notaire, des deux truands dans la voiture, des deux motards, de Fardiano, le règlement de compte final) entourées de beaucoup d'attentes. Très peu de dialogues (très littéraires), le cass est précédé de 15 minutes sans paroles avec très peu de musique.

La bande originale de Bernard Gérard reste très discrète. Les danseuses du cabaret de Paul interviennent sur une musique de Jazz qui rythme aussi els moments d'attente, celui d'avant la venue d'Orloff, celui d'avant l'arrivée du fourgon dans la montagne.

Jean-Luc Lacuve, le 31 mars 2020.

 

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