Don't Look Up, déni cosmique

2021

(Don't Look Up). Avec : Leonardo DiCaprio (Dr. Randall Mindy), Jennifer Lawrence (Kate Dibiasky), Meryl Streep (Présidente Orlean), Cate Blanchett (Brie Evantee), Rob Morgan (Dr. Teddy Oglethorpe), Jonah Hill (Jason Orlean), Mark Rylance (Peter Isherwell), Tyler Perry (Jack Bremmer), Timothée Chalamet (Yule), Ron Perlman (Benedict Drask), Ariana Grande (Riley Bina), Kid Cudi (DJ Chello), Himesh Patel (Phillip), Paul Guilfoyle (General Themes), Melanie Lynskey (June Mindy). 2h18.

 Kate Dibiasky, une étudiante diplômée en astronomie de la Michigan State University travaillant avec le télescope Subaru, découvre une comète jusqu'alors inconnue. Son professeur, le Dr Randall Mindy, calcule que la trajectoire de la comète croise celle de la Terre et qu'un impact se produira dans environ six mois, tuant toute vie sur terre. Accompagnés de l'universitaire Dr Teddy Oglethorpe, Kate et Randall présentent leurs découvertes à la Maison Blanche, mais rencontrent l'apathie de la présidente Janie Orlean et de son fils, le chef de cabinet Jason Orlean. Kate et Randall participent à un talk-show matinal pour avertir le public, mais leur temps de parole se termine quand Kate perd son sang-froid et commence à fulminer contre la télévision de divertissement à tout prix, ce qui est rapidement moqué en ligne. Les journaux qui avaient soutenus leur alerte, s'en détournent vu le peu de reprise que suscite l'événement

Quand Orléan est impliquée dans un scandale sexuel, elle annonce la menace de la comète pour détourner l'attention.

La nouvelle est enfin relayée par les médias, et le lancement d'un vaisseau spatial pouvant toucher et détourner la comète, sauvant la planète, est annoncé. Cependant, l'opération est annulée alors que les vaisseaux sont lancés quand Peter Isherwell, le milliardaire technologique PDG de BASH et l'un des principaux donateurs d'Orléan, découvre que la comète est composée de milliers de milliards de dollars de minéraux précieux devenus rares sur Terre. La Maison Blanche décide d'exploiter commercialement la comète en la divisant en fragments plus petits qui peuvent être récupérés dans l'océan à l'aide d'une technologie non testée fournie par BASH.

Kate et Teddy abandonnent immédiatement l'opération en signe de protestation. Dans un bar, Kate révèle l'inaction des politiques qui vont laisser la comète frapper la terre, incitant à des émeutes dans le monde entier. Elle est exfiltrée par le FBI et doit promettre d'abandonner toute communication publique. Randall devient au contraire une voix médiatique de premier plan dans la défense des opportunités commerciales de la comète. Il commence aussi une liaison avec l'animatrice de talk-show Brie Evantee. Le monde devient idéologiquement divisé entre ceux qui exigent la destruction totale de la comète, ceux qui dénoncent un alarmisme injustifié et croient que l'exploitation minière de la comète créerait des emplois, et ceux qui nient même qu'une comète existe.

Pendant ce temps, Kate rentre chez elle dans le Michigan et entame une relation avec un adolescent Yule qui l'admire. Après que sa femme, June, ait découvert son infidélité, Randall se met en colère et exprime ses frustrations à la télévision en direct, se lançant dans une diatribe critiquant l'administration d'Orléan pour avoir minimisé l'apocalypse imminente et remet en question l'indifférence de l'humanité, avant de quitter l'opération et de se réconcilier avec Kate alors que la comète entre en vue de la Terre. Alors que Randall, Kate et Teddy organisent une campagne de protestation contre Orlean et BASH disant aux gens de "Just Look Up" et appelant d'autres pays à lancer leurs propres déviations de la comète, l'administration d'Orlean lance une campagne d'opposition à l'appui de son plan appelé " Ne lève pas les yeux".

Après l'échec des plans d'Isherwell et de pays étrangers pour diviser la comète, Peter Isherwell, Orléan et un groupe de riches Américains fuient la Terre à bord d'un vaisseau spatial conçu pour trouver la planète habitable la plus proche, en gardant ses passagers cryogénisés. Cependant, ils oublient Jason derrière eux. Avant de partir, Orlean offre à Randall une place sur le navire, mais il la refuse, choisissant de passer ses derniers moments en compagnie de Kate, sa famille, Yule et Teddy. La comète frappe la planète, tuant la majorité de la population de la Terre.

Au milieu du générique final, les riches survivants de l'humanité, 22 740 ans plus tard, atterrissent sur une planète extraterrestre luxuriante. Orléan, toujours niaise, est mangée par une créature extraterrestre, un "Bronteroc", selon l'algorithme d'Isherwell qui avait prédit cette mort mais pas la sienne propre alors que d'autres Brontérocs commencent à manger les survivants. A la fin du générique, Jason, ayant survécu à l'impact de la comète dans le bunker présidentiel, se demande toujours si sa mère va revenir. Il documente les conséquences de la catastrophe sur son téléphone, avant de publier sur ses réseaux sociaux qu'il est "le dernier homme sur Terre".

 Adam McKay use d'un humour burlesque continu dans toutes les situations et pour tous les personnages de la sphère capitalo-politico-médiatique, entre le temps perdu à décider d'agir et le temps qui se perd en agitation aussi instantanée que vaine ou mal préparée. A ces deux flux de temps, brocardés avec maestria, Adam McKay oppose la lucidité et la réflexivité de ses héros scientifiques, Randall Mindy, Kate Dibiasky, Teddy Oglethorpe ainsi que Yule et June Mindy qui, non dénués de ridicules, agissent au nom de la raison et des sentiments sincères. Insuffisant pour sauver le monde mais largement suffisant pour nous permettre de rire (et de se révolter ?) de la cynique mécanique des autres.

Satire totale et drolatique de la société américaine.

Les politiciens narcissiques et égocentriques s'intéressent exclusivement à leurs obsessions. Ce qui est drôle c'est qu'elles sont de différents ordres, plus ou moins futiles, (fumer, rester au pouvoir, éviter les scandales) mais déployées en continue, toutes mises sur le même plan pour éviter in fine d'écouter la réalité scientifique. La drôlerie va jusqu'au déni total : "-La collision est certaine à 100%, disons 99,8%" précise Mindy, "-Alors disons, sûre à 70%" reprend la présidente Janie Orlean qui, du coup, s'en lave les mains.

La grossièreté des politiques qui font attendre est redoublée par l'obsession du pouvoir discrétionnaire de la part du général Themes. Il fait payer à ceux qui poireautent avec lui les produits gratuits de La Maison Blanche sachant, qu'en découvrant inévitablement son arnaque, ses victimes seront conscientes du pouvoir exercé sur elles. C'est ce que finit par comprendre Kate Dibiasky, après maintes hypothèses relevant du comique de répétition, déstabilisée dans sa rationalité scientifique.

Plus apocalyptique encore, le rôle des grands patrons milliardaires prétendument charismatiques que l'on écoute, béats, imposer leur discours au peuple comme aux politiques. Peter Isherwell, le patron de BASH, a la voix et l'allure aussi douces qu'il est cruel. Ses smartphones avec biocapteurs des humeurs sont enlevés illico des mains des enfants qui en avaient fait innocemment la promotion. Il impose sans preuve à la présidente sa technique de destruction-accaparement de la comète ou la fin prétendument solitaire de Mindy. Mais, là encore, l'humour est bien présent avec la prédiction abracadabrantesque de la fin de la présidente qui se révèle exacte au milieu du générique de fin. L'arrogance puérile de Jason Orlean trouve également une fin à la mesure de son complexe d'Oedipe à la toute fin du générique.

Le monde médiatique est dévasté par l'obsession des réactions sur les réseaux sociaux. La colère de Kate Dibiasky fait l'objet de mèmes plus ou moins drôles. Les stars Riley Bina et DJ Chello mettent en scène leurs ruptures et retrouvailles pour monopoliser le temps de parole qui réduit celui des scientifiques et, plus grave, éteint les réactions de ceux-ci sur les réseaux sociaux, conduisant alors les journaux sérieux à abandonner leurs investigations. Dès lors, tout ce vaut et Mindy doit aseptiser son discours pour rester en veille jusqu'à ce que l'inutilité de cette posture le conduise à reprendre contact avec Kate et sa femme quand tout est perdu.

Le peuple lui-même est divisé, une partie est conduite à refuser de regarder le ciel pour rester enfermée dans ses certitudes d'un avenir radieux. Le déni cosmique dont est affublé le titre français du film renvoie plus explicitement encore que dans le film au refus de voir le changement climatique à l'œuvre mais aussi à quel point politiques et médias occupent l'espace social pour ne rien faire du tout.

 

Jean-Luc Lacuve, le 29 décembre 2021

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