Conann

Dans un salon feutré des Enfers, Rainer, une créature hybride à tête de chien, reçoit Conann 80 ans qui au terme d'une longue vie n'a plus ni mémoire ni souvenirs. Il peut lui mordre un lambeau de peau : ici aux enfers, les souffrances ne sont pas physiques mais mentales. Elle va rencontrer Connan-reine-et morte, son double maléfique, qui la condamne à revivre les souffrances qu'elle a subi durant sa vie.

Connan-15 ans est encore protégée par sa mère qui la conduit voir les barbares avec la reine Sanja à leur tête. Sanja tue la mère de Conann et l’oblige si elle, veut survivre, à manger son cadavre. Conann veut vivre et mange le corps aimé jurant de se venger. Sanja l'enferme dans une petite cage alors qu’elle se rend au pays des esprits l'abreuver du sang de ses règles et rejoindre celle qu'elle aime. Pendant ce temps, Rainer délivre Conann et lui conseille d'utiliser une plante à sa portée que sa mère lui avait indiquée comme dangereuse. Conann la dilue dans de l'eau qu'elle porte aux guerrières de Sanja qui meurent empoisonnées puis décapitées par Conann. S'avance alors une guerrière armée d'une épée. C'est Conann-25 ans qui lui propose de grandir vite et pour cela l’exécute, lui  demandant de se réjouir de n'avoir pas eu une adolescence difficile.

Conann-25 ans, sous la conduite de Rainer, se dirige vers le monde des esprits où s'est réfugiée Sanja. Elle la voit enchainée se faire broyer le corps par une voiture de métal. En sort son amie toute de métal vêtue. Lorsqu’elle enlève son masque de fer, elle lui révèle être elle-même à 35 ans. Conann veut l’exécuter mais Rainer suspend son geste.  Connan-35 ans  vit le parfait amour avec Sanja ; pourquoi ne pas échanger la vengeance contre l’amour ? Conann a  envie de vivre cet amour et se laisse exécuter par Conann-35 ans. Rainer propose à Conann-35 ans un pacte valable jusqu'en 1998. D’ici là, ils pourront vivre cet amour parfait ne  se souvenant pas de leur vie passée dans le Bronx.

Sanja et Conann-35 ans sont des cascadeurs qui ont échappée mille fois à la mort. Une cascade de trop et Conann est grièvement blessée mais s'en sort miraculeusement, tête recousue. Elle rentre chez elle attendant impatiemment Sanja mais c’est Rainer qui surgit réclamant de coucher avec elle et lui rappelant petit à petit son passé. Conann accepte et Sanja découvre une infidélité qu'elle eut crue jamais possible.

Les deux femmes sont exécutées par Conan-45 ans, violente guerrier assoiffée de pouvoir et entourée d'une armée d'hommes et de tanks. Conann-45 ans exécute la vielle Europe, une femme dansant le French-Cancan

C’est Conann-55 ans qui prend la relève, amateure d’art elle offre son corps à manger aux artistes  les plus prometteurs qu’elle contaminera ainsi de l’intérieur si elles veulent devenir riche.

Il n'y a pas eu plus cruelle que Conann, double de la Reine-morte.

inspiré de la nouvelle d’heroic fantasy Conan le Barbare (1932), de Robert E. Howard (1906-1936), Conann est l'inverse de version de John Milius, emblème de la virilité. Ici Conann, frêle et androgyne va vivre des mues successives de la guerrière féroce, depuis ses 15 ans jusqu’à son dernier jour, à travers six actrices imprimant leur marque. Chaque étape de la vie de Conann ressemble à une mort. « Tuer sa propre jeunesse, tel est le comble de la barbarie. »

Film tourné au Luxembourg dans une ancienne usine de sidérurgie qui était en train d’être démantelée. La morte est confrontée à son doppelgänger, la reine barbare, sur son trône. Et si l’introduction peut évoquer le théâtre, elle renvoie surtout à tout un pan oublié du cinéma français, où le pacte faustien, la diablerie étaient représentés de façon omniprésente, que ce soit avec La Beauté du diable de René Clair, Les Visiteurs du soir de Marcel Carné ou bien sûr Orphée de Jean Cocteau.

Mandico n'a pas adapté les livres mais gardé le trauma originel de la mère tuée et l’idée de vengeance du barbare es clave. Au fur et à mesure de ses recherches, il a pu remonter jusqu’au Conann originel, celui de la mythologie celte, qui s’écrit avec deux NN, l’orthographe conservée pour le film. C’est un per sonnage de conquérant qui côtoyait des créatures fantastiques qu’on appelait des Fomoires, décrits comme des démons, ou plutôt des demi-dieux cynocéphales, à têtes de chiens ou de hyènes. Conann est ici multiple, polymorphe traversant les temps. La réinscription des deux NN à ce nom iconique, s’inscrit aussi dans l’idée de féminité et de multiples.

Rainer, le personnage à tête de chien sert de fil rouge à chaque épisode. C'est le Monsieur Loyal du Lola Montès de Max Ophuls. Lola Montès qui se raconte dans un cirque devenu son enfer, revivant toute sa vie depuis son trapèze, avant le grand saut. Le monsieur Loyal joué par Peter Ustinov est à la fois le plus touchant, l’amoureux éconduit, mais aussi celui qui tire les ficelles du déclin, le plus cruel. Rainer à quelques différences, c’est un démon qui photographie la mort et les corps, mi Helmut Newton, mi Gerda Taro. Mais la référence première, gravée dans son cuir, c’est Fassbinder et son romantisme noir. Rainer renifle dans les coins pour corrompre les personnages, parle comme un héros shakespearien, ses phrases résonnent tels des oracles ironiques. Il est un morceau du malin, le bras de la mort, mais il est surtout celui qui s’humanise au fur et à mesure que Conann se déshumanise.

Source : dossier de presse.