Jeanne du Barry

2023

Genre : Biopic

Festival de Cannes 2023 :film d'ouverture Avec : Maïwenn (Jeanne du Barry), Johnny Depp (Louis XV), Benjamin Lavernhe (La Borde), Pierre Richard (Le Duc de Richelieu), Melvil Poupaud (Le Comte du Barry), Pascal Greggory (Le Duc d’Aiguillon), India Hair (Adélaïde de France), Suzanne de Baecque (Victoire), Marianne Basler (Anne, la mère de Jeanne), Diego Le Fur (Le Dauphin), Pauline Pollmann (Marie-Antoinette), Noémie Lvovsky (La Comtesse de Noaille), Thibault Bonenfant (Adolphe). 1h56.

Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour.

Le film n'a pas l'ampleur historique et mélodramatique du Madame du Barry (1919) d'Ernst Lubitsch ni la modernité de Marie-Antoinette (Sofia Coppola, 2006) qui faisait de l'attente le sentiment frustrant d'une reine pleine de vitalité. Ici celle-ci est assumée : Maïwenn tente de se montrer à la hauteur de l'audace de Jeanne du Barry.

Maïwenn est Jeanne du Barry

Jeanne est cultivée, aime la littérature, et revendique sa liberté aussi bien dans le refus des petits pas en marche arrière que dans le choix de ses toilettes : son "style rideau" remplacera les excès de fanfreluches de La Pompadour. Maïwenn n'hésite pas au lâcher de colombes, façon John Woo, lors de la présentation officielle, lance son héroïne grimper jusqu’en haut le grand escalier quand la parole que lui adresse Marie-Antoinette lui assure son maintien à la cour. La chasse à courre en habit d'homme dit son indépendance. Les plans de drone sur le château de Versailles sont aussi en adéquation avec l’immense changement de vie que Jeanne, surprise d'abord, accepte sans hésitation. On notera aussi son respect pour la grandeur, le buste en or du roi enfant dont elle sait retrouver les traits dans l'homme vieilli qui ne pense alors qu'à en faire le corps d'un soir ou sa patience pour échapper à Adélaïde de France qui ne rêve que d'expulser "la créature" du palais.

Une complicité qui résiste au malheur.

Jeanne sait qu'elle ne doit son amour qu'à sa capacité à rester mystérieuse, c'est- à-dire être elle-même et non un être plié aux cérémoniaux de la cour. C'est ce respect de soi qui la fait survivre à la mort d'Adolphe, son beau-fils ou à la tristesse de Louis XV qui la trompe suite à l'éloignement de "la dernière". Celle qui avec Polisse fut la cinéaste de la caméra à l'épaule et l’accumulation de scénettes s’affirme comme étant capable du plan composé et d’une vision très personnelle, peut-être à contre-courant de MeeToo. Il est en effet possible de lui reprocher la vision de la pauvre bergère ne devant sa réussite qu'à sa beauté dont s'entiche un roi. Entre être cuisinière, comme sa mère, ou la galanterie, elle préfère la galanterie fut-elle souvent traitée avec brusquerie comme s'empresse de le faire le duc de Richelieu après cette explication. Celle qui résiste à la torture de l'examen gynécologique a droit à une fin un peu terne, tant la tragédie de la mort du roi et le repli au couvent conviennent aussi peu à Jeanne qu'à Maïwenn.

Jean-Luc Lacuve, le 3 juin 2023