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J'aime regarder les filles

Frédéric Louf
2011

Avec : Pierre Niney (Primo), Audrey Bastien (Delphine), Lou De Laâge (Gabrielle), Ali Marhyar (Malik), Victor Bessière (Paul), Michel Vuillermoz (Pierre Bramsi), Catherine Chevallier (Françoise Bramsi), Hervé Pierre (Le père de Delphine), Johan Libéreau (Nino Bramsi), Thomas Chabrol (Le prof de maths). 1h32.

Primo répare une vieille chaussure à la colle et esquisse quelques pas de danse pour en vérifier la solidité, ce qui fait s'écrouler une pile de livres. Quittant sa chambre de bonne sous les toits de Paris, il croise Malick, son nouveau voisin qui lui conseille de voter Mitterrand en cette veille du 10 mai 1981.

Primo rentre en effet chez lui en province pour retrouver ses parents et son frère qui travaillent dans l'entreprise familiale de fleuriste. Mais les retrouvailles se passent mal. Sa mère l'aime encore aveuglement mais son père et son frère le méprisent d'être un intellectuel au petit pied qui risque bien d'échouer une deuxième fois pour son bac.

Humilié, Primo rentre à Paris avant même d'avoir pu voter et assiste, par hasard, une porte s'ouvrant devant lui, à une fête de jeunes gens bien comme il faut. Primo est immédiatement séduit par Gabrielle, une jolie blonde, que drague aussi Paul. Celui-ci balance par le balcon la chaussure maladroitement réparée à la colle de Primo. Mais c'est ce dernier qui retourne l'assemblée en sa faveur en sautant par le balcon... avant d'y réapparait car il était resté accroché par un bras. Gabrielle lui laisse son numéro de téléphone puis l'invite avec sa bande de copains dans un restaurent chic. Ebloui par le charme de Gabrielle et des filles qui l'entourent, Primo bluffe. Il s'invente un nouveau pedigree, ment beaucoup, et compense le vide de ses poches à coup d'audace et d'imagination. Il parvient ainsi jusque dans la chambre de Gabrielle... qui l'invite à Ramatuelle pour l'été.

Pour gagner sa vie, aller aux spectacles, Primo travaille, notamment à Locauto 2000 où un chauffeur irascible lui casse la gueule. Devant sa figure bouffie de "raton-laveur", Gabrielle, écœurée, rompt. Ce dont essaie de profiter l'intelligente Delphine....

Enfin une comédie sentimentale qui prépare et articule ses gags, qui les situe dans un contexte précis non par nostalgie mais probablement pour retrouver les accents de vérité liés au contexte autobiographique dont elle a besoin, qui s'amuse de ses têtes de turc, joyeusement caricaturées, tout en laissant ses trois personnages principaux, Primo, Delphine et Malick émouvoir, parfois aux larmes.

Un intellectuel drôle parce que confus.

La chambre de Primo encombrée de livres, l'affiche d'En attendant Godot laissent d'abord croire au parcours difficile d'un intellectuel décalé, entre L'impossible monsieur bébé et Changement d'adresse. Mais, des éléments mis en place dans la séquence d'ouverture, c'est bien plus de la danse dont va se servir Primo que de ses qualités sans cesse remises en question d'intellectuel. Chaussure et danse se retrouvent en effet au cœur de la séquence de la fête qui lui permet de draguer Gabrielle. Cette reprise constante d'éléments préparés en amont est à l'origine des meilleurs gags du film.

Ainsi de la phrase "Je ne vais pas y aller avec cette tête de raton laveur", pas drôle en soi mais qui prépare celle de la séquence suivante "Oh, un raton laveur" sur la figure en gros plan de Primo, consterné. Ainsi de l'utilisation de "j''ai un pied' d'abord dit par Delphine puis par Primo. Ainsi de la séquence avec le prof de math qui avait prévu le champagne dans la glacière ou des Japonaises prennent soin des blessures de Primo ou du père idéal ("le dimanche matin je fais des tartes pour ma fille, c'est ça ou rien foutre" et "Qui a reçu une gifle ?").

Une mention spéciale est à réserver à On ne badine pas avec l'amour, livre pris par Primo dans la chambre de Delphine et dont ils retrouveront ensemble la tirade suivante :

"Adieu Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu'on te fera de ces récits hideux qui t'on empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de ces deux êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelques fois : mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. "

Cette tirade de Perdican à Camille dans On ne badine pas avec l'amour (acte 2 scène V), soufflée à Musset dit-on par George Sand, est devenue célèbre grâce à L'étudiante (Claude Pinoteau, 1998) où Sophie Marceau la récitait mais dans un tout autre contexte, lors de son oral d'agrégation. Elle est ici bien plus subtilement mise en scène et, partant, de façon bien plus émouvante.

Les têtes de turc de droite, jeunes gens riches, friqués, à l'idéologie simplette et aux soirées grands crûs-fromage sont détestables à souhait alors que les séquences de Primo et Malick (ouverture de la bouteille de vin à 1800 francs, sur les toits de Paris, contre les militants d'extrême droite, dans la boite de Locauto 2000) achèvent de convaincre.

Jean-Luc Lacuve, le 07/08/2011.

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