Une chanson s'élève pour conter l'atroce viol d'autrefois, celui d'une femme enceinte auprès de son mari assassiné. C'est une veille femme qui la chante et bientôt sa fille vient la réconforter. Elle constate quelques minutes plus tard le décès de sa mère. Dehors, sa cousine se plaint auprès de son père de sa traîne de robe de mariée trop courte. Fausta vient annoncer la mort de sa mère à la famille de son oncle qui les hébergeait. Elle saigne du nez et s'évanouit.
A l'hôpital, le médecin annonce à l'oncle que si les saignements de nez sont sans gravité, Fausta a, à l'intérieur de l'utérus, une excroissance provoquée par une pomme de terre enfouie là depuis des années. L'oncle ne comprend pas très bien et attribue la maladie de sa nièce au "lait de la douleur" transmise par les mères, ayant subi dans leur chair la violence des terribles années de terrorisme et de répression policière, aux enfants qu'elles allaitaient alors. Voilà pourquoi Fausta est terrifiée par la vie et par les hommes. Le médecin n'entend rien à cette croyance de paysans et conseille une opération pour laquelle il donne une ordonnance.
L'oncle creuse la tombe de la mère de Fausta dans un terrain vague proche de là où ils habitent mais Fausta refuse, préférant, selon la tradition, ramener le corps de la défunte dans son village natal. L'oncle, désolé de ne pouvoir donner à Fausta l'argent pour des funérailles décentes, exige de sa nièce qu'elle emporte le corps de sa mère avant la fête du mariage de sa fille. Les femmes s'emploient alors à un rite de conservation du corps de la grand-mère qu'elles finissent par enrubanner comme une momie.
Il est cependant impossible à Fausta de réunir l'argent permettant l'achat du cercueil et le transport du corps. Sa tante, qui confectionne des gâteaux de mariage lui trouve, par ses relations, un remplacement d'employée de maison chez Aída, une riche bourgeoise concertiste.
Fausta, qui a accepté ce travail pour obtenir une avance pour enterrer au plus vite sa mère, est sur le point de démissionner sur le champ lorsqu'elle lui est refusée. Elle manque de s'évanouir lorsqu'elle pénètre dans la chambre de Aida et voit des photographies de son mari militaire. Elle n'est toutefois pas renvoyée car la concertiste, en mal d'inspiration, retrouve celle-ci par les chansons que Fausta invente pour cacher sa douleur. Elle lui propose une perle de son riche collier pour chaque chanson qu'elle voudra bien lui chanter. Fausta, réticente, sait que c'est là son unique moyen de trouver rapidement de l'argent et finit par accepter. De plus, elle n'est pas insensible au charme du jardinier, Noé, homme sage et philosophe. Elle accepte sa protection pour la ramener chaque soir chez elle.
Alors que la petite industrie des fêtes de mariages ne fonctionne pas trop mal chez l'oncle, Fausta se sent de plus en plus marginale, écurée par la grossièreté des hommes comme par ses saignements incessants.
Aida triomphe à Lima sur un thème composé à partir des chansons de Fausta qui l'a accompagnée. Au retour, elle se permet de complimenter sa patronne. Celle-ci, la trouvant soudainement encombrante, la débarque de sa voiture en pleine ville. Elle lui signifie ainsi cruellement son renvoi sachant la terreur de Fausta à se retrouver sans protection au milieu des autres.
Plus seule que jamais, Fausta assiste au mariage de sa cousine. S'en rendant compte, son oncle, un peu ivre en fin de soirée, vient emprisonner sa bouche de ses mains et lui prouve, qu'en se débattant, elle manifeste son envie de vivre. Fausta file en effet chez sa patronne et récupère les perles qui lui sont dues. Alors qu'elle va sortir, elle s'évanouit. Au matin, le jardinier la trouve étendue sans connaissance. Dans ses bras, elle lui avoue ne plus supporter cette pomme de terre enfouie en elle. Il la conduit à l'hôpital.
L'opération faite. Fausta a assez d'argent avec ses perles pour louer un camion. Toute la famille y embarque pour assister à l'enterrement. Avant que celui-ci n'ait lieu, Fausta s'arrête pour montrer la mer à sa mère.
Plus tard, deux enfants jouent et viennent annoncer une visite à Fausta. Il n'y a personne à la porte si ce n'est le gage d'amour du jardinier : deux pommes de terre dont les fleurs sont enlacées.
Fausta raconte un processus de libération d'une aliénation subie depuis la toute petite enfance voir même avant la naissance. En ce sens le titre français qui place la jeune femme au centre de l'histoire convient tout aussi bien que le péruvien : La Teta asustada, littéralement : la mamelle effrayée qui renvoie au passé, à ces femmes indiennes violées durant les violences qui opposèrent le gouvernement péruvien aux révolutionnaires du Sentier lumineux. Les exactions perpétrées de part et d'autre, de 1980 à 2000, firent 70 000 morts au Pérou, touchant principalement les indigènes.
Cette croyance des paysans en cette maladie, transmise par des mères ayant subi dans leur chair la violence de ces terribles années aux enfants qu'elles allaitaient alors, appartient à la nature sauvage et primitive de Fausta. Il en est de même de la langue queicha des indiens dans laquelle elle chante et surtout de la pomme de terre qu'elle porte dans son utérus et qui germe en des excroissances qu'elle coupe régulièrement.
Une poésie douce et baroque pour sortir de l'aliénation.
Ces éléments primitifs sont la partie baroque du film, celle qui renvoie à l'innée de Fausta et dont on trouve un écho dans la colombe blessée donnée au chien. Une esthétique tout aussi baroque mais plus ancrée dans le quotidien des habitants des quartiers pauvre de la banlieue de Lima se retrouve dans les cercueils décorés (patriotiques, érotiques, écologiques..), les escaliers construits sur des collines arides et les fêtes de mariages où se mêlent gâteaux et colombes et où tout est faux sauf les chips.
Une poésie plus douce et réconciliatrice est symbolisée
par la soudaine découverte du village de la banlieue de Lima au travers
de la fenêtre où la mère meure, la main du jardinier,
la tombe transformée en piscine, le corps de la mère face à
la mer et la poésie des fleurs qui fait dire au jardinier "qui
cueille des marguerites a besoin de réconfort " et conduit au
cadeau des fleurs de pomme de terre.
Film d'une grande douceur où les plans durent longtemps pour capter
les entrées de personnages dans le champ, il n'en est pas moins, à
l'image de son actrice, têtu et sous-tendu d'une dimension politique
: la libération est aussi acquise par la lutte, celle avec les classes
dirigeantes.
(La teta asustada). Avec : Magaly Solier (Fausta), Marino Ballón (l'oncle), Susi Sánchez (Aída), Efraín Solís (Noé), Antolín Prieto (le fils de Aída). 1h34.