Aymeric retrouve Florence, une ancienne collègue de travail, au hasard d’une soirée à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Quand Jim nait, Aymeric est là. Ils passent de belles années ensemble, jusqu'au jour où Christophe, le père naturel de Jim, débarque...
La voix off omniprésente d’Aymeric, couplée au défilé des cartons indiquant le déroulement du temps donnent l'impression d'illustrer le roman. Le roman permettait d’imaginer le parcours attachant de ce jeune homme sans qualité, sans ambition, sans projet, se laissant glisser au fil de l'eau ou des montagnes de son pays, sauvé par la paternité puis dépossédé de celle-ci avant de triompher quinze ans plus tard. L’image aurait au moins dû rendre compte de ces multiples transformations : neutralité, émotions vécues avec l’enfant, trahison, fulgurance des retrouvailles.
Mais aucune scène ou aucune image n’est travaillée en ce sens : les clichés montrés en négatif (non développés donc) dans la première partie ne sont jamais repris par la suite et les quelques photos que l’on voit ensuite numérisées ne renvoient à aucune séquence forte dans le passé. Il faut dire qu'elles sont quasi inexistantes (le tir à l'arc dans la montagne, la langue bleue) et donc peu sujettes à inscrire dans la mémoire du spectateur pour être source de déchirement par la suite. D’ailleurs Jim à 23 ans n’éprouve aucune émotion vis à vis de ces clichés. Quant à Aymeric, l’acmé de l’émotion qu’il éprouve est représentée par un piqué de tête dans les croissants à l'annonce du report des vacances d'été au Canada.
Le sujet central porteur d’émotion, la relation père-fils n’est ainsi pas traité par la mise en scène : le calvaire du père se perpétuant en solo par son abandon au sommet d'une montagne par son fils. On regrettera là aussi l'absence de renvoi à une image préalable qui aurait pu être celle, aussi en haut d'une montagne, de la révélation qu'Aymeric n'est pas le géniteur de Jim.
On pourra appeler pudeur la façon des Larrieu de repousser l’émotion mais celle-ci annihile le mélodrame qui dérive en opposition caricaturale peu crédible entre le bien et le mal. Lorsque le scénario du drame du retour du géniteur s'enclenche, on aurait besoin de croire ou de ressentir un peu du drame qui ravage Christophe. L'interprétation de Bertrand Belin comateux et titubant, le fait apparaître dès le début comme antipathique. Ainsi se met en place une opposition caricaturale entre un gentil garçon dépossédé de sa paternité et un couple de salauds égoïstes. Le film dérive ensuite sur un tout autre sujet, se perdant ainsi en route, avec l'influence du bien beau Jura sur l'histoire d'amour entre Aymeric et Olivia.
Le retour du fils aurait permis de déclencher enfin l'émotion. La première rencontre tant attendue y participe un peu. Mais la scène se délaye : les photos numérisées sont montrées plus comme une performance que comme une source d'émotion faute, on s'en rend compte a posteriori, d'avoir vraiment émues dans la première partie.
Le fils est encore moins dessiné que le père, transparent. Et la réconciliation, le soir du concert, se conclut dans une simple phrase : il suffit d’une déclaration "Samantha n’a jamais existé" pour que le père et le fils s’enlacent, réconciliés. Il faut convier la sœur et la compagne du fils pour enfin conclure par un évanouissement au petit matin et encore une déclaration orale : "Il fait ses premiers pas". La mise en scène ne les a jamais esquissés.
Jean-Luc Lacuve, le 7 septembre 2024.