Tel-Aviv. Le cinéaste Y prépare un film inspiré de l’événement subi par Ahed Tamimi. Le 15 décembre 2017, la jeune militante palestinienne, qui s’oppose à l’occupation des territoires, gifle l’un des deux soldats israéliens accoudés au mur d’enceinte de la maison familiale, à Nabi Saleh, près de Ramallah. La vidéo diffusée sur le Web, contribue à ériger la jeune fille en une pasionaria de la résistance à la colonisation. Elle est condamnée à huit mois de prison. C'est insuffisant pour le député israélien d’extrême droite, Bezalel Smotrich, qui aurait préféré que les soldats lui tirent dessus, "au moins dans le genou", de sorte que son assignation à résidence soit définitive.
Y a commencé le casting et examine les essais de l'actrice incarnant Ahed et de l'acteur incarnant Smotrich qui profère ses insanités en allemand. Y abandonne toutefois son film pour s'envoler pour le désert du Néguev, dans l’extrême sud du pays, où il doit présenter l’un de ses anciens films. Dans l'avion, il envoie des messages vidéo à sa mère, coscénariste de ses films dont il s’inquiète de l'absence alors qu'elle est atteinte d'un cancer des poumons. Il est midi lorsqu’il atterrit à Sapir, une bourgade de 3000 habitants située dans la vallée de l’Arava.
Devant la maison qui lui a été attribuée pour son court séjour, il rencontre Yahalom, directrice adjointe des bibliothèques au ministère de la culture. Y est étonné de rencontrer cette belle jeune femme brune dont les mails qui lui parvenait depuis Jérusalem, ainsi que la fonction, laissaient supposer qu'elle était nettement plus âgée. Il est aussi étonné qu'elle ait fait le voyage pour venir l'accueillir. Yahalom, rayonnante, lui explique alors qu'elle est native d'une bourgade proche et a fait toute ses études à Sapir. C'est grâce à un concours de circonstances qu'elle a obtenu ce poste haut placé dans l'administration. Une polémique sur une question de censure a conduit à la révocation de l'ancienne directrice. Le travail que Yahalom faisait ici comme bibliothécaire efficace et enthousiaste entrait dans les plans de promotion des initiatives locales. Y s'aperçoit que Yahalom a vu ses films et que son enthousiasme pour lui est sincère, autant que son envie de le séduire est franche et légère.
Y doit ainsi se rafraîchir le visage pour mieux l'écouter alors qu’il est encore préoccupé du financement de son film et de la maladie de sa mère. Yahalom qui constate son désarroi, lui indique un endroit de visite pittoresque près de la maison et lui donne rendez-vous pour le soir. Un ami viendra le chercher vers 17h00. Auparavant elle lui explique qu'il ne doit pas tarder à remplir le questionnaire qu'on lui a envoyé s'il veut être remboursé de ses frais. Y l'a oublié et Yahalom lui en explique qu'il s'agit d'indiquer le sujet du film et du débat au sein d'une liste. Celle-ci ne comporte que des sujets abstraits (la mer, la nature, l'amitié, l’amour) ou concernant la judéité (religion, armée, territoires occupés). Si, comme il le souhaite, il indique, sexe ou pire détestation de son pays et condamnation de l'abrutissement du peuple par servitude volontaire, il sera non seulement pas remboursé mais sera dénoncé afin de ne plus pouvoir tourner. Y qui bouillonne alors de colère mais lui dit de lui amener le questionnaire avant la projection.
Y, casque sur les oreilles, danse sur "Be My baby" en marchant dans le désert et atteint un lac naturel dans une faille argileuse, rempli l'hiver du fait des crues meurtrières. Il téléphone aussi à un ami et lui demande s'il est prêt à diffuser un témoignage audio lorsqu'il piégera la haute fonctionnaire de la culture lui exprimant le questionnaire avilissant auquel les créateurs israéliens doivent se soumettre. Son ami accepte bien volontiers cet acte courageux qui le mettra professionnellement aussi en péril que Y alors qu'il est déjà fragilisé par son divorce en cours.
Y, rafraîchi par le bain pris dans le lac, voit des adolescents en vélo sur la route. Il se remémore une balade enfant sur le siège vélo de sa mère. Il entend aussi plus loin deux jeunes répétant des reprises de rock. Rentré chez lui, Y s'endort. Alors qu'il fait quelques exercices physiques, le chauffeur du centre culturel vient le chercher. En route, il lui explique que l'économie de la région, basée sur la culture du poivron, s'est écroulée depuis que le réchauffement climatique a permis à l’Espagne de les concurrencer sur le marché russe. Y filme les serres désolées et pourrissantes pensant s'en servir pour son film.
Arrivé au centre culturel, Y est accueilli par Yahalom qui se désole du peu de monde qui s'est déplacé et ce malgré ses efforts pour rameuter sa famille. Y s'empiffre grossièrement des gâteaux confectionnés pour la convivialité de la soirée. Narkis, la jeune sœur de Yahalom, le remarque agir ainsi, se séparant déjà de la communauté bienveillante qui l’accueille.
Y annonce son film à l'assemblée et pendant la projection demande à Yahalom de l'accompagner dans le désert proche. La séduction mutuelle imprègne leurs propos. Y raconte par ailleurs un souvenir traumatisant de sons service militaire durant l'occupation du Liban et la tension d’alors avec la Syrie. Y demande ensuite à Yahalom d'aller chercher le fameux questionnaire. Durant sa courte absence Y prépare son téléphone pour enregistrer leurs propos. Yahalom va se monter alors aussi désespérée que lui de l'avilissement que ce questionnaire traduit et la traque du pouvoir face à des propos qui dérangent. Y montre tout son d’espoir que Yahalom, qui l’entoure de ses bras aimerait dissiper.
Y et Yahalom rentrent assister à la fin de la projection : un bébé qui rit aux éclats. Avant que Y monte sur scène, Yahalom l'interroge sur son souvenir traumatisant: as-t-il été le soldat intelligent mais témoin passif comme il s'est décrit ? Ou bien est-ce celui qui a fuit le suicide qu'on lui a fait croire uinélctable ? Y répond qu'il aurait aussi bien pu être le sergent qui avait organisé ce bizutage cruel car il est Lucifer. Il monte sur scène et s'enquiert de questions qui ne viennent pas. Courageusement, la tante de Yahalom s'enquiert naivement de savoir s'il est le bébe du film, ce qu'elle aimerait puisqu'elle aime tant els enfants. Y explose de colère et dit détester la famille en particulier et la famille israelinen encore pire puisque c'est un peuple de lâches. Pour preuve, il pose le micro sur le téléphone qui a enregistré les propos de Yahalom disant tout le mal qu'elle pense de son ministère, lâche et délateur. Yahalom, incrédule devant cette trahison, pleure sur son avenir professionnel qui s'effondre puisque Y dit avoir envoyé cet enregistrement aux journalistes. Elle s'enfuit et la foule s'acharne à coups de poings et de pieds sur Y. Celui-ci se relève et se défend en menaçant d'envoyer le message si on s'approche de lui. Il court à la poursuite de Yahalom qui est partie au bord de la falaise où elle discutait une heure auparavant avec lui. Il est bientot rejoint par tous les amies de la juen femme qui se dit pret àse jeter en bas d ela falaise. Y lui demande aussi de ne pas sauter même si tweeter relaie déjà son message. Narkis sort alors de la foule et vient lui demander de la prendre plutôt que sa sœur. Elle s'avance vers lui et lui caresse la joue lui repentant qu'elle sait que c'est un homme bon. Y, à son tour sans espoir, pleure et renonce à envoyer le message.
Le lendemain matin Y, apaisé, prend l'avion et, contemplant de haut le paysage, dit à sa mère que la projection s'est bien passée.
Film aussi magnifique que désespéré qui conseille, in fine, la fuite d'un pays quand on est y condamné à l'avilissement. La révolte de Y, pensée aussi rageusement que froidement et comme une ultime tentative de salut dans son histoire personnelle, ne peut que conduire à la damnation si une sorte de miracle de bonté, ne lui permettait au tout dernier moment de suivre un autre chemin. L'ambition d'un tel propos, révolte, damnation, rédemption, est soutenu par une mise en scène, constamment novatrice.
Y pourrait être une nouvelle incarnation de Joseph K. dans Le procès de Kafka qui ne voudrait pas mourir comme un chien.
Les plans-séquences du film sont parfois virevoltants mais ce sont surtout les enchaînements des plans qui surprennent toujours. Si la porte se referme sur Y et Yahalom, c'est pour mieux voir la fenêtre dont le rideau, tiré de l’intérieur, va dégager par son reflet le contre-champ sur le désert. Plans de plus en plus serrés sur le couple vu dans l'arrière-plan du mur ocre de la maison. Vision apaisée de lui enfant sur le porte-vélo de sa mère puis passage de nouveau de celle-ci dans le fond du plan où il écoute les musiciens amateurs. Surimpression rouge du générique de son film quand Y a annoncé pouvoir être Lucifer.
Jean-Luc Lacuve, le 19 septembre 2021.