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Les quatre soeurs

2017

Genre : Documentaire
Thème : Shoah

Avec : Paula Biren, Ruth Elias, Ada Lichtman, Hanna Marton, Claude Lanzmann. 4h33.

L'œuvre est composée de quatre films, Le Serment d'Hippocrate (90') Baluty (64'), La Puce joyeuse (52'), L'Arche de Noé (68') constitué d'images tournées par Lanzmann pendant les onze ans de travail sur Shoah. Les deux premières femmes interviewées par Lanzmann, Ruth Elias et Paula Biren ont été brièvement vues dans Shoah. Les témoignages d'Ada Lichtman et Hanna Marton sont inédits..

Oeuvre monumentale Shoah (1985) apparut à sa sortie comme un bloc autonome, insécable et fini, ne pouvant donner lieu à aucun prolongement. Depuis le milieu des années 1990, Claude Lanzmann revisite pourtant ses trois cent cinquante heures de rushs tournées dans la seconde moitié des années 1970, pour en extraire des récits n’ayant pas trouvé place dans ce documentaire choral d’une dizaine d’heures, et proposer de loin en loin des films conçus autour de quelques témoignages. C’est le cas d’Un vivant qui passe (1997), de Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures (2001), du Rapport Karski (2010) du Dernier des injustes (2013), et ce ces Quatre Sœurs, inédit qu'Artee programme les mardis 23 et 30 janvier, et dont chaque volet s’attache au récit d’une survivante.

Ce nouvel opus se distingue notamment par le fait qu’il ne met en avant que des femmes alors que les témoignages féminins sont peu présents dans le film originel et leur rôle est plutôt négatif, comme ces Polonaises de Grabów que Lanzmann filme dans un dispositif de micro-trottoir. Ou Mme Michelsohn, épouse de l’instituteur nazi de Chelmno, qui ne voit pas de grande différence entre quarante mille et quatre cent mille morts.

Dans Le Serment d’Hippocrate le parcours de Ruth Elias qui sortit d’Auschwitz-Birkenau, puis y retourna avant d’en réchapper, est si rocambolesque et sa survie à ce point extraordinaire qu’« intégrer son récit dans Shoah aurait été aller à l’encontre de l’axe et du discours du film, qui selon Lanzmann porte sur la mort, non sur la survie » Filmée chez elle, en Israël, où elle dit se sentir en sécurité comme nulle part ailleurs, Ruth Elias apparaît dans un présent apaisé, assise dans son jardin que le soir obscurcit peu à peu, ayant près d’elle l’accordéon dont elle s’accompagne pour chanter les airs qui l’aidèrent à tenir en déportation.

Dans La Puce joyeuse le principe de mise en scène est tout aussi frappant. Les poupées entassées devant la Polonaise Ada Lichtman évoquent celles arrachées aux enfants juifs de Sobibor, qu’elle était chargée d’arranger pour permettre aux nazis de les offrir à leur progéniture. « Outre la référence à son activité, ces jouets font écho aux images d’amoncellements dont certaines sont devenues des représentations iconiques de la Shoah. On peut également voir dans ces poupées une évocation des enfants assassinés ou dans l’acte de réparer la fonction possiblement réparatrice du témoignage lui-même. »

En plus d’offrir des témoignages dans la longueur, Les Quatre Sœurs permet au cinéaste d’aborder des sujets que Shoah minimise ou écarte. Comme la question très délicate du rôle de la police juive, à laquelle participa Paula Biren dans le ghetto de Lodz, et qu’elle évoque dans Baluty « Question qui la hante et que Lanzman n’aborde pas sans précautions. Question liée à la participation contrainte de certains Juifs à l’entreprise de persécution, dont parle aussi Le Dernier des injustes et que le cinéaste résout en rappelant à Paula Biren qu’elle n’est en aucun cas responsable. Question qui peut être aujourd’hui appréhendée de manière plus paisible que dans les années 1980. »

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