"Dieu est la lumière du monde (Saint Jean, 9.5)". "... Lumière sur Lumière, Dieu donne Sa Lumière à qui il veut (Coran, 24:35)".
Sète, Août 1994. Amin, apprenti scénariste installé à Paris, retourne un été dans sa ville natale, pour retrouver famille et amis d’enfance. Devant la maison d'Ophélie, sa meilleure amie, Amin remarque le scooter de Tony, son cousin, et entend des halètements de plaisir provenant de la chambre dont la fenêtre est restée ouverte. Il n'a qu'à se hisser sur la pointe des pieds pour découvrir Ophélie et Tony en pleine action amoureuse. Laissant aux deux amants le temps de reprendre leur souffle et de prendre une douche, Amin se décide néanmoins à sonner, provoquant le départ précipité de Tony. Ophélie, lui ouvre et est à la fois surprise et soulagée de le voir. Elle est surprise car Amin était parti durant toute l'année faire des études de médecine à Paris sans donner signe de vie. Il lui apprend qu'il a renoncé à poursuivre sa deuxième année de médecine et se consacre à l'écriture de scénario et à la photographie. Il souhaiterait de nouveau prendre des photos d'elle. Ophélie est soulagée aussi : elle peut répondre en toute confiance aux questions ironiques de son ami Amin. Oui Tony est son amant, depuis quatre ans maintenant, ils cachent cette relation car Ophélie est fiancée à Clément, militaire parti pour des missions dangereuses à l'étranger. Toute leur petite bande apprécie Clément et redoute sa colère s'il apprenait la trahison de sa fiancée.
Sur la plage, deux jeunes filles niçoises en vacances ont remarqué avec excitation l'approche de deux garçons. Ce sont Tony et Amin. Tony séduit Charlotte en se vantant d'être le gérant de plusieurs restaurants de Sète et de Tunis et en imitant Aldo Maccione. Amin propose à Céline de lui faire découvrir Paris et de la prendre en photo puisqu'elle se destine à devenir danseuse.
Tony et Amin, accompagnés, respectivement, de Charlotte et Céline, se dirigent vers le restaurant de la mère de Tony quand ils sont abordés par Kamel, la cinquantaine heureuse et nonchalante. Il drague avec insistance mais gentiment Céline. Dans le restaurant, les quatre jeunes gens font la connaissance des mères de Tony et Amin qui font tourner la boutique. Tony se voit d'ailleurs reprocher son absence de l'après-midi. Alors qu'ils vont s'attabler, Joe vient entraîner les filles dans le bar voisin pour les faire danser. Entre lui et Céline le courant passe immédiatement. Amin n'a pu que constater que Céline lui a préféré Joe.
C'est vers midi qu'Amin est sorti du lit par sa mère qui lui reproche de voir un vieux film au magnétoscope. C’est Arsenal (Alexandre Dovjenko, 1928) où un soldat édenté est victime du gaz hilarant. Elle veut qu’il profite du soleil. Pendant qu’il mange ses pattes, elle lui recommande de retrouver Céline Charlotte et Tony sur la plage. Après son départ, Amin développe dans sa chambre noire des photos anciennes d'Ophélie avec ses moutons.
Dans les vagues, la bande chahute joyeusement : les filles sur les épaules des garçons cherchant à mettre les autres à l'eau. Amin sort rapidement de l'eau et tous savent que c'est parce que Céline a de nouveau choisi Joe. Ophélie accompagne Amin sur le sable. Elle est inquiète. Son amie, Mel, s'est montrée particulièrement inquisitrice pour lui faire avouer que Tony était son amant. Amin rassure son amie : personne n'est au courant qu'elle trompe son fiancé. Ils rentrent tard et le père d'Ophélie lui reproche de n'avoir pas rentré leur troupeau de chèvres. Il a dû faire appel aux jeunes cousines qui laissent bientôt Ophélie terminer le travail. Celle-ci déclare à Amin qu'elle n'est pas jalouse de Charlotte... même si elle la déteste.
Quelques jours ont passé. Céline accompagne Charlotte qui recherche Tony. Depuis quelque temps, il arrive toujours en retard à ses rendez-vous. Charlotte, au bord des larmes, doit cependant faire bonne figure auprès des mères de Tony et Amin. Tous doivent partir en boite, Mel, Céline et Ophélie se chamaillent sur la traduction du mot amour en arabe. Est-ce que seul le destin, le mektoub, peut décider... Même Tata Camélia n'en sait trop rien. Tous s'engouffrent dans les voitures pour aller danser. Kamel, déjà bien éméché, se laisse difficilement convaincre par Amin de lui laisser le volant.
Le lendemain sur la plage, Camélia raconte aux mères de Tony et Amin comment s'est passée la soirée. Tony n'est pas venu mais Amin a été dragué par une belle jeune fille russe. Camélia est convaincue qu'il existe une relation amoureuse forte entre Tony et Ophélie. Justement, celle-ci vient discuter avec elles. Ophélie réaffirme sa volonté d'épouser Clément au plus tôt, ce qui laisse incrédule Camélia. Ainsi, elle gâcherait sa jeunesse lui déclare-t-elle tout en insinuant qu'elle a une attirance pour Tony. La mère d'Amin surenchérit, le mariage n'est pas une solution au bonheur. La mère de Tony a divorcé après avoir subi les infidélités répétées de son mari et elle n'a jamais voulu se marier.
Amin, qui a observé la conversation de loin, vient tirer Ophélie d'une discussion qui la met mal à l'aise. Ophélie lui dit qu'il pourrait tout obtenir d’elle pour son silence. Amin hésite puis lui demande de poser nue pour lui. Ophélie, sans doute un peu déçue d'une demande qui se cantonne au plan artistique, refuse. C'est alors que survient Céline qui ne fait pas mystère de son attirance pour Ophélie qui n'y répond pas.
C’est à une séance de photographie de naissances de chevrettes qu 'Amin à été convié par Ophélie. dans la salle de traite. Elle est entourée de ses jeunes cousines dont l'une est amoureuse d'Amin. En le conduisant à l'enclos, Ophélie rappelle à Amin combien elles étaient toutes amoureuses de lui autrefois. Amin attend plusieurs heures pour photographier la naissance de deux chevrettes ; jusqu'au coucher du soleil.
Le soir, Amin rejoint la bande qui danse en boîte. Tony se montre moins discret qu'à l'accoutumée et tente plusieurs fois d'embrasser Ophélie tout en discutant avec la jeune mannequin russe. Ophélie et Céline vont s'exhiber sur les barres du pôle dance.
Amin vient dans la chambre d’hôtel de la jeune fille russe mais trouve porte close. C'est sa colocatrice qui arrive et lui déclare qu'elle peut être partie se promener sur la plage. Elle lui a beaucoup parlé de lui et comprend pourquoi lui dit-elle en tentant de l'embrasser. Amin s'écarte. Ce qui rend d'autant plus rêveuse la jeune fille.
Amin marche sur la plage et rencontre Charlotte par hasard. Elle n'habite plus avec Céline chez la grand-mère de celle-ci. Pour le restant des vacances, Charlotte s'est louée un petit appartement. Elle propose de lui faire à manger. Il accepte bien volontiers. Ils prendront le temps de faire cuire les pâtes.
Mektoub, My Love s'inspire du roman La Blessure, la vraie, (Verticales, 2011), où François Bégaudeau raconte des amours adolescentes dans la Vendée de 1986. Kechiche les transpose, à sa façon, aux plages de Sète en 1994. Les deux citations en exergue glorifient la lumière via Saint Jean et le Coran, c'est-à- dire en appelant à une concorde, loin des déchirements actuels.
L’amour et la séduction se jouent au présent dans de longues scènes où corps et esprits se frôlent, se regardent s'électrisent, ou non, pour un rapprochement possible. Si la jalousie trouve parfois sa place, elle s'efface après les pleurs puisque, privilège de l'adolescence, le désir peut se rallumer facilement de nouveau. La sensualité n'est jamais voyeuriste ou alors Auguste Renoir, dont Amin a dans sa chambre quelques reproductions, l'était. Si Kechiche insère quelques gros plans sur les poitrines ou les fesses féminines ce n'est pas au travers du regard concupiscent de tel ou tel personnage mais une façon de figurer le désir. Ces plans sont comme déterritorialisés, plus reliés au cosmos, à la lumière de l'été, qu'à telle ou telle jeune fille ou tel regard d'homme.
La saisie des regards est bien davantage consacrée à évaluer l'intensité de la relation qui redouble une dramaturgie basée sur le naturel du discours des personnages qui s’expriment longuement. Le film se clôt par le ciel gris d'une fin de soirée après le coucher du soleil. Les vacances se terminent. Charlotte et Amin resteront amis alors que l'on ignore encore le destin de Tony et Ophélie. Heureusement, Kechiche prevoit une suite à ce qui pourrait alors devenir un Boyhood (Richard Linklater, 2014) à la française. Cette fois, ce ne serait plus le suivi de personnages de l'enfance à l'adolescence mais de celle-ci à l'âge adulte.
Jean-Luc Lacuve, le 1er avril 2018