Kanzo Sensei

1998

Genre : Drame social

Avec : Akira Emoto (Dr. Akagi), Kumiko Aso (Sonoko), Juro Kara (Umemoto), Masanori Sera (Toriumi), Jacques Gamblin (Piet). 2h08.

À la veille de la reddition du Japon en 1945, à Okayama, petite ville du bord de mer. Le brave et dévoué docteur Akagi ne cesse de parcourir la campagne. Pourtant, à force de l'entendre diagnostiquer des maladies du foie, ses patients commencent à douter de ses compétences. Seuls ses pairs reconnaissent l'intérêt de ses travaux. Mais le docteur Akagi ne se sent véritablement soutenu que par Umemoto, un bonze débauché, et Toriumi, le chirurgien morphinomane. La jeune Sonoko, naïve prostituée occasionnelle, parvient à se faire embaucher comme assistante auprès du praticien, à la condition qu'elle cesse de se prostituer. Peu après, elle lui avoue son amour.

Toutefois, Akagi a bien d'autres soucis en tête. Ces malades du foie qu'il met au repos manquent de plus en plus à une armée japonaise dont les responsables commencent à être agacés. Son fils, médecin lui aussi, a été mobilisé. Il est aujourd'hui avec les troupes d'occupation en Chine.

Enfin, Akagi et ses amis ont pris le risque de soigner et d'héberger Piet, un soldat néerlandais, qui s'est évadé d'un camp de prisonniers. Cependant, les compétences de ce nouveau venu aident considérablement le docteur dans ses recherches sur l'hépatite. L'un de ses amis lui offre un microscope. Couplé à la lumière d'un puissant projecteur de cinéma, l'instrument permet au docteur de mener des études très poussées sur un foie humain, don d'un malade avant décès.

Les militaires sont de plus en plus soupçonneux à l'égard du docteur Akagi. Un soir, ils saccagent sa maison, puis arrêtent le médecin et Piet. Celui-ci est exécuté au sabre après un simulacre de duel, tandis que le docteur est relâché après avoir été battu. Akagi a repris son activité, mais pas ses recherches.

Accompagné de Sonoko, il se rend sur une île où il doit soigner un nouveau malade du foie. Au retour, une baleine manque de faire chavirer la barque où ils se trouvent. Sonoko la harponne et tombe à l'eau. Akagi la recueille. Au même moment, la bombe atomique explose à Hiroshima. Pour le docteur, le champignon nucléaire qui est en train de se dessiner dans l'air ne peut avoir que la forme d'un... foie !

Version solaire de la réflexion sur la bombe après la face sombre qu'était Pluie noire. Le film semble d'abord relever du plus pur burlesque : Agaki cours dans un costume blanc invraisemblable, tiré à quatre épingles avec ce qui ressemble à des guêtres. Il s'effondre dans un champ et mange un navet pour lui redonner du tonus avant de courir à nouveau.

Le médecin s'impose cette course comme un mouvement de la conscience. Sans cette course, la folie gagne la tête. Le corps résiste, la lettre déchirée en mille morceaux pour reprendre la lutte même si, en-dessous, il a peur peur que son fils se soit compromis dans les horribles expériences sur les limites humaines avec les médecins-soldats bourreaux. espace domestique détruit

La conscience est un équilibre entre l'immensément grand : la baleine, la bombe, la peinture et l'immensément petit : les bactéries vues au microscope. Le cinéma sauve le monde, les pères sauvent le monde, la science sauve le monde équilibre sans doute pas des contraires mais des poids face à l'identique. Il rassemble autour de lui une humanité de déclassés : une jeune prostituée, un bonze alcoolique, un chirurgien morphinomane et une tenancière de bar à geishas au grand cœur.

Sous cette course folle se met en place un tissu symbolique qui donne du poids à la psychologie des personnages. Un flash back explique la situation de la mère de Sonoko, obligée de travailler comme geisha pour subvenir aux besoins de la famille et imposant à sa fille un " pasdebaizegratis " qu'elle ne comprendra qu'un peu plus tard mais marquera durablement ses relations amoureuses sous le signe de l'argent. Subissant durement l'opprobre des villageois, elle décide d'arrêter ce métier mais doit se résoudre à le reprendre deux fois contre sa volonté pour rendre service à la tenancière du bar ou à la mère de son ami d'enfance, persuadée que si son fils reste puceau, il mourra au combat.

La mue de Sonoko, transfigurée par son amour pour Agaki sera donc lente et sa pêche sur le fleuve la nuit puis son bain dans la mer après avoir fait l'amour avec son ami d'enfance sont comme des étapes purificatrices.

Agaki d'abord vu au travers des yeux de ses patients semble un charlatan avant que sa visite à Tokyo auprès des éminences universitaires n'en révèle le talent et l'abnégation. Difficile de ne pas voir dans son triomphe lors de cette assemblée ce que Immamura a pu représenter lui-même dans le cinéma japonais. Dans les années soixante, il a été ce cinéaste mal élevé en opposition avec Ozu dont il a été l'assistant. Et si Oshima était un samouraï, disait-il, il se disait lui paysan.. Comme pour Agaki, pour lui, la sagesse c'est la mort d'où la nécessité de la course.

En creux de ce grand spectacle ressurgit l'intime. Agaki est peut-être parti en province pour fuir le lieu où son grand amour est mort. Treize ans après sa diparition, il est toujours veuf bien qu'ayant été un grand séducteur. Les applaudissements off de la vieille femme qu'il a délaissée pour la science viennent comme un contrepoint cruel à ce que l'on avait d'abord pris comme son triomphe.

Relèvent du burlesque, la répétition du même diagnostique, le mort qui se réveille pour s'assurer qu'Ogaki prendra soin de sa fille, l'œuf introduit dans le vagin de Sonoko par le client fou se coiffant de l'abat-jour… puis Sonoko refusant l'œuf au petit déjeuner du lendemain et enfin le cadavre déterré pour récupérer un foie. A ce grotesque, gage de vie, s'oppose la bagarre entre Piet et son bourreau, vus comme des insecte, du haut de la cheminée de l'usine.