Kao, Bian et Patachou arrivent par le train dans une maison délabrée. Ils aident leur patron, Hsi à organiser une soirée de jeux clandestins s'occupant des mises (deux millions de yens) et des boissons. Une fois la soirée passée, Kao se moque de Bian lui rappelant le surnom qu'il déteste, du à sa tête allongée, tête d'obus. Bian se fâche envers Kao. Le matin tout est apaisé. Bian demande à Patachou, sa petite amie, de lui servir à manger sur la terrasse.
Un autre soir dans un hôtel de luxe où une chanteuse évoque Shanghai, Kao et Bian se chamaillent à nouveau. Un émigré qui échoué dans son commerce en Chine vient expliquer à Hsi qu'il ne peut lui rendre l'argent prêté. Hsi le menace. A ce moment, Kao apprend au téléphone que son amie Ying ramène Patachou en voiture. Il demande à Bian, s'il s'est disputé avec elle. Patachou a tenté de se suicider. Kao apprend qu'elle a dilapidé sans en avoir les moyens un million de yens dans des bars à gigolos. Kao s'en prend à Bian de ne pas savoir surveiller sa petite amie. Patachou vient le défendre. Profitant que la fenêtre de sa chambre donne sur la piscine de l'hôtel, elle y plonge, bientôt rejointe par Bian. Kao évoque avec Ying l'achat d'un restaurant à Shanghai où il serait aidé par Bian et Patachou. Il rêve de faire bouger la grande ville de Chine. Ying est sceptique et repousse les sollicitations de Kao, préférant ses projets en Amérique.
Kao vient aider les parents de Hsi à déménager pour une maison plus grande. Les déménageurs sont en retard. Une fois ceux-ci arrivés Kao discute avec l'un d'eux sur les mérites du tatouage artisanal.
Kao est cuisinier dans le restaurant de son père où servent Bian et Patachou. Hsi, son patron et cousin vient lui proposer une arnaque à tenter dans le sud du pays. Il s'agit de racheter des cochons à des paysans puis de les revendre comme "porcs reproducteurs" à une coopérative gouvernementale.
Dans le sud, Kao et Hsi tentent de convaincre les paysans de leur confier leurs cochons pour réaliser leur arnaque. La petite bande se retrouve le soir pour une fête bien arrosée. Au matin, Kao se reproche de faire le désespoir de son père. On lui a promis encore cinq épreuves avant de pouvoir réaliser son rêve.
Kao sur une moto, Bian et Patachou sur un scooter s'en vont dans la campagne proche de Taipeh voir la famille de Bian afin de récupérer l'héritage de ses grands-parents que Bian avait autrefois refusé. Son père et son frère lui font comprendre qu'il vient trop tard et que cet argent a été géré par un cousin. Lorsque Bian et Patachou s'en vont réclamer cet argent, le cousin a rassemblé ses amis policiers pour tabasser Bian.
De retour à Taipeh, Bian cherche à se venger. Il demande à Kao de lui procurer des armes que celui-ci tente de trouver auprès de Hsi. Au moment d'en prendre livraison, ils sont kidnappés par la bande du cousin qui les emmène dans la campagne en voiture au milieu de la nuit.
Dans un bar à Karaoké, un député chante une vieille chanson nostalgique. Il est venu régler le différent entre la bande de Hsi et celle du cousin policier de Bian. Si celui-ci renonce à définitivement à son héritage et à l'usage des armes, il sera libéré. Hsi ne peut faire autrement que d'accepter.
Patachou retrouve la bande du cousin sur une route déserte. Bian et Kao sont libérés mais doivent chercher dans le champ, la clé quia été jetée pour retarder leur départ. Au petit matin, Bian perd le contrôle de la voiture qui sort de la route et se perd dans un champ de blé. Bian cherche à savoir si personne n'est blessé.
Au tournant du siècle, Taïwan connait une période de transition politique avec la première élection présidentielle au suffrage universel direct en 1996 et en 2000 l'election du premier président du pays à ne pas appartenir au Kuomintang. Cette période de transition favorise l'émergence de petits malfrats en tout genre, à la fois retors et sympathiques qui vivent d'expédients et de petits coups sans envergure.. Tête d'Obus et Patachou obéissent ainsi à Kao qui fait partie de la bande de son cousin, Hsi. Tous ne rêvent que de sortir de ce pays aux petites combines pour une terre de plus grande envergure au nord : Shanghai pour Kao, l'Amérique pour Ying, le Canada pour Hsi. Ils sont entretenus dans ce rêve par ce qu'ils croient devoir à leurs parents. Kao dira ainsi faire le désespoir de son père pour qui le retour de son fils en Chine serait une preuve de réussite.
Hou Hsiao-hsien attaché à l'identité de son pays ne partage pas cette position et dénude de tout romantisme les aventures de ces petits gangsters. Il insiste d'une part sur la beauté des paysages de Taiwan, grands moments de respiration qui ponctuent chacune des séquences du film. Il s'évertue aussi à densifier le plan avec un cadre ou sont souvent juxtaposé deux niveaux d'histoire ou de réalité.
Un film de gangsters sans romantisme
La succussion des séquences est difficile à comprendre car les personnages sont nommés tardivement, et ne sont pas pris dans des scènes d'action qui révéleraient leur rapport. Sont ainsi refusées par une ellipse toutes les scènes qui constituent habituellement le cur d'un film de gangsters : la soirée consacrée aux jeux d'argents, la correction de celui qui n'a pas pu rendre l'argent qui se perd dans une panne d'électricité, la transaction avec la coopérative à propos des cochons reproducteurs, le tabassage de Bian au commissariat, le kidnapping de Bian et Kao lorsqu'ils sont emmenés en voiture au cur de la nuit. Les téléphones portables n'arrêtent pas de sonner pour dire que l'on arrive où annoncer une action déjà passée.
Le romantisme de la caméra
Excepté le trajet vers la campagne au sud de l'île pour l'arnaque des cochons reproducteurs, on ne sait jamais de prime abord par quoi est motivé le déplacement des personnages. Le but, la projection dans l'avenir dirigé vers le nord, a moins d'importance que la vitalité du présent, l'action qui s'y déroule et dont on comprend petit à petit les motifs. On comprend alors pourquoi Hou Hsiao-hsien a déclaré s'être inspiré du film de Godard A bout de souffle quand il a tourné Goodbye south, goodbye. Dans l'un et l'autre cas, la vie du moment est dégagée des impératifs de la fiction. Le cinéaste taïwanais ne dispose cependant pas d'un Belmondo ou d'une Jean Seberg pour faire passer d'intenses moments d émotions. Ceux ci viennent alors des trajets de la caméra qui magnifie les paysages auxquels sont trop peu sensibles les jeunes héros du film.
Dès avant le générique le travelling arrière qui s'éloigne du train dans lequel Kao Bian et Patachou s'en vont préparer la soirée de jeux donne le ton. C'est ensuite en s'appuyant sur un train qui s'arrête devant la maison que Hou Hsiao-hsien génère un trajet subjectif en train, de jour, avant que ne démarre, cut, la séquence dans l'hôtel de luxe. Apres le coup de fil reçu de Kao dans l'hôtel annonçant, sans que le spectateur le sache, l'arrivée de Yin et Patachou, vient un long plan de voiture sous la pluie avec la musique de l'autoradio. La séquence entre l'hôtel et le déménagement des parents de Shi est ponctuée par une virée en voiture. Celle-ci, sans personnages identifiables est filmée avec filtre vert. Le départ vers le sud, en train de nouveau, est filmé avec un filtre rose orangé. Le déplacement vers la campagne en moto et scooter fait l'objet d'une longue séquence de ballade sur fond musical. La recherche des armes à Taipeh est l'occasion de montrer la vile de nuit avec ses néons.
Ainsi déplacements en train, voiture ou moto sont-ils magnifiés comme des pointes de présent qu'ignorent nos héros qui se projettent dans un rêve d'action au-dessus de leurs moyens.
La densité du cadre comme une ode à la densité du présent
Sil ne partage pas leur rêve, Hou observe ses héros avec attention et chaleur leur ménageant toujours une porte de sortie dans la profondeur de champ. Le cadre recueille en effet aussi bien le présent le plus trivial que l'arrière fond symbolique qui le motive. On pourrait presque dire qu'entre les deux, c'est l'action qui a disparue. Ainsi lorsque Kao reproche à Bian de ne pas surveiller suffisamment Patachou, il ne le met pas en demeure de trouver le million de yens nécessaire au remboursement. C'est Patachou qui se lève, manifestement peu meurtrie de son petit suicide et, défendant au passage Bian s'enfuit dans la piscine par la fenêtre du fond, bientôt rejointe par Bian. L'action s'est ici évanouie dans la piscine.
Lorsque Hsi vient exposer dans le restaurant son plan à Kao pour les cochons reproducteurs, il ignore que celui-ci avait dans la scène précédente parlé avec son père au sujet de son projet de Shanghai qu'il mène en partie pour qu'il soit fier de lui. Lors de la discussion qui va ramener Kao vers le sud, le père s'écroule victime d'un malaise à l'arrière-plan. Ce malaise symboliquement lié à l'absence d'ambition de son fils dit mieux que de monter ensuite la fin de la transaction que celle-ci est, de toutes façons, un échec.
Lorsque Kao accompagne Bian et Patachou récupérer l'héritage, il joue avec un chien au premier plan tandis qu'à l'arrière- plan, Bian et son frère discutent. Kao croit pour uen fois et à tort que
La séquence finale de la voiture au premier plan stoppée par le champ alors que s'étale au fond la campagne au petit jour dit aussi que le voyage vers le sud a définitivement pris fin. Reste à espérer que Bian saura se détourner pour, comme le spectateur, contempler le paysage et non chercher à savoir si les occupants sans doute seulement endormis sont ou non blessés.
Jean-Luc Lacuve le 16/12/2010
Bibliographie: