Carol

2015

Genre : Mélodrame

Prix d'interprétation féminine pour Rooney MaraAvec : Cate Blanchett (Carol Aird), Rooney Mara (Therese Belivet), Kyle Chandler (Harge Aird), Sarah Paulson (Abby), Carrie Brownstein (Genevieve Cantrell), Jake Lacy (Richard), Cory Michael Smith (Tommy Tucker), John Magaro (Dannie). 1h58.

New York, 1952, des passants s'affairent dans la rue. A la table d’un restaurant d’un hôtel de luxe, deux femmes, Carol et Thérèse discutent. Un homme, ami de Thérèse, vient interrompre cette entrevue pour inviter celle-ci à une soirée avec d’autres amis. Carol s’en va. Thérèse, les yeux rivés sur la surface de la vitre du taxi qui l’amène à la soirée, se souvient de l’histoire qu’elle a vécue avec Carol.

Elles se sont rencontrées dans le grand magasin Frankenberg à Manhattan, quelques jours avant Noël. Thérèse jeune employée d’extraction modeste, vendeuse dans le rayon jouets remarque Carol Aird une riche bourgeoise quadragénaire, séduisante du haut de son port altier, drapée dans ses élégantes toilettes, à la recherche d’un cadeau pour sa fillette de cinq ans, Rindy. Therese suggère l'achat d'un train électrique; Carol, surprise et troublée oublie ses gants que Therese s'empresse de lui faire parvenir par la poste.

Carol la remercie et l'invite à diner puis à passer Noel avec elle. Richard, le petit ami de Thérèse qui voudrait partir en voyage à Paris avec elle et l'épouser s'en inquiète et claque la porte. Carol, prisonnière d'un mariage malheureux, est en phase de divorce avec son mari Harge Aird. Celui-ci, riche homme d'affaire, l'oblige à faire bonne figure dans les réceptions où il la force à apparaitre. En contrepartie, il accepte de faire chambre à part et tolère les amours de sa femme avec Abby. Le soir de Noel, Carol vient chercher Therese et celle-ci la prend en photo achetant un sapin de noël. Mais Harge interrompt la douce conversation de sa femme et Therese  et exige d'emmener Randy chez ses grands-parents tout  en se montrant grossier vis à vis de Therese. Carol raccompagne alors Thérèse chez elle pour lui proposer bientôt de partir en voyage à Chicago. Harge, qui a demandé une injonction au juge pour que sa femme ne puisse plus voir Rindy en vertu d’une clause de moralité, la fait suivre. A Waterloo, le 1er janvier 1953, les deux femmes deviennent amantes. Mais le détective a tout enregistré de leurs conversations et étreintes amoureuses.  Carol se sachant sans autre choix quitte Therese,  laissant le soin  à Abby de la ramener vers New-York.

Dévastée, Therese accepte la proposition de Danny, jeune écrivain journaliste au New York Times qui, discrètement amoureux d'elle, lui offre la possibilité d’embrasser la carrière de photographe auprès du journal. Bientôt Carol, acculée à des conditions de divorce très dures qui lui ôtent jusqu'à la possibilité de voir sa fille, accepte un traitement psychologique et de nouvelles invitations chez sa belle-mère. Elle réussit alors in extremis à faire entendre raison à son mari pour le bien de leur enfant et obtient un droit de visite. Désormais libre, elle demande à Thérèse de la retrouver dans un restaurant d'un grand hôtel de la 5e avenue. Elle lui demande alors de vivre avec elle, ce que Therese refuse avant d'être interrompue par Jack, sorti de la bouche du métro. Therese va donc à sa soirée. S'apercevant de son attirance pour l'une des femmes de la soirée, elle  s'en va et rejoindre Carol au restaurant où elle dine avec des amis. Sure désormais de son amour, Therese s'avance lentement vers la femme qu'elle aime. Carol, la voyant ainsi, comprend alors le bonheur qui s'offre à elle.

Le premier plan sophistiqué sur lequel s'inscrit le générique part de grilles verticales de ce qui se révèlent être, quand la caméra bascule pour la prendre à l'horizontal, une bouche d'aération piétinée par les pas des New-yorkais sortant du métro. Le plan-séquence suit alors un personnage marchant dans la rue et franchissant la porte du restaurant d'un grand hôtel de la 5e avenue. Cet espace hors du tumulte de la ville est celui de Therese et Carol, que cet homme, Jack, va briser en interpellant Therese et la rendre incapable de revenir sur ce qui est, on l'apprendra par la suite, un refus à la proposition de Carol de vivre avec elle.

Cette introduction, avant le long flash-back du film, met déjà en place le principe général de la mise en scène : l'opposition entre l'espace intime, fragile et privé des deux femmes et celui bruyant, agressif et public des hommes. Pour les femmes ce seront les vitrines du rayon des jouets, l'appareil Canon offert à Therese vu d'abord dans le reflet d'une glace, les vitres de la voiture où s'amorce le flash-back, le cadrage exigé par les photographies, le miroir dans lequel est filmé le premier baiser. Pour les hommes, c'est le discours vibrant d'optimisme d'Eisenhower à la télévision, c'est Richard hélant sans cesse Therese, ce sont les portes qui se ferment au nez de Herge cherchant à entrer chez sa femme ou chez Abby ou qu'on claque derrière soi (Richard s'en allant de chez Therese).

Le grand flash-back lui-même permet, lorsqu'il s'amorce, d'iriser l'image de vert ou de lumière au travers de la pluie et des larmes. Thérèse, qui prend  en charge ce flash-back, assume aussi son destin. De jeune fille aux joues roses, choisie par la belle blonde de vingt ans son ainée comme un ange descendu du ciel, elle est devenue une photographe dont le regard s’est aiguisé (elle voit mieux les hommes et les femmes). Le travail et l'amour émancipent d'où, sur la splendide partition musicale de Carter Burwell, un final frissonnant d'émotion de deux femmes désormais sur un pied d'égalité.

Jean-Luc Lacuve le 17/01/2016

Ressource internet : Fiche pédagogique du Café des Images