1974. Un jeune homme sur un bateau approche de l'île de Lubang dans l'archipel des Philippines. C’est un touriste qui vient installer un camp rudimentaire et diffuser l’orée de la jungle un chant patriotique
Février 1945. Le jeune Hiroo Onoda abordait alors lui aussi cette île. En décembre de l'année précédente, il avait été recalé de la formation de pilote de chasse. On lui avait proposé d'être kamikaze. Trop attaché à la vie, il avait tout cassé dans une auberge s'attendant à être arrêté. Au lieu de cela, le major Taniguchi lui avait offert une seconde chance en rejoignant une école secrète. Avant d'être affecté, son père avait vu sa transformation : il ne buvait plus et refusait une affectation de complaisance.
C'est ainsi que jeune lieutenant, Onoda aborde lui aussi cette île juste avant le débarquement américain. Onoda doit d’abord faire face au fanatisme des officiers présents qui refusent de se replier en bon ordre. Ils sont décimés par le bombardement américain. Onoda se replie aux premières frappes américaines dans les hauteurs inhabitées de l’île, en pleine nature, avec des stocks de munitions et un petit détachement. Bientôt une partie préfère se rendre. Onoda ne garde que les plus motivés avec lui. Il propose de partir en exploration mais les pluies incessantes les contraignent à l'inaction et le moral de la petite troupe baisse. Trois d’entre eux font désertion. C’est alors que Shimada, le plus expérimenté, ramène de la nourriture : de gros fruits jaunes dont il ne faut pas manger la peau blanche empoisonnée et mortelle.
Onoda découvre bientôt les corps des trois déserteurs, morts empoisonnés avec les gros fruits jaunes mangés sans précaution. Ils ne sont ainsi plus que quatre : Onoda et Kozuka, son fidèle second, l’expérimenté Shimada et le jeune Akatsu. Ils décident de cartographier l’île et de provoquer des incendies dans les récoltes des paysans pour marquer leur domination sur l'île.
1946 : une escarmouche a lieu entre les quatre hommes et les paysans de l'île qui leur crient que la guerre est finie. Devant les doutes de ses camarades, Onoda raconte son entraînement pour sa mission secrète de la plus haute importance. Avec une vingtaine d’autres officiers ratés, l’instructeur le forme à la « guerre secrète » : une guérilla souterraine devant garantir aux Japonais des positions stratégiques dans le Pacifique. Galvanisés par Onoda ses trois compagnons acceptent de continuer à le suivre.
1949 : La vie dans la jungle est compliquée. Lorsqu’Akatsu est en larmes stressé à cause des fourmis qui remontent tout le long de son corps Shimada vient alors le réconforter et le coucher. Mais les disputes éclatent et ils décident d’aller en expédition tuer une vache. Mais les paysans les attendent et ils sont pris dans une embuscade. Shimada est mortellement blessé. En représailles, Onoda fait exécuter un malheureux paysan. Dégouté Akatsu quitte ses deux compagnons survivants pour se rendre.
1961 : Akatsu revient sur l’île avec le père et le frère d’Onoda, pour convaincre Onoda que la guerre est terminée et qu’il peut à présent rentrer au Japon. Et alors qu’il est muni de jumelles et qu’il reconnaît la voix des membres de sa famille, Onoda prend la décision de croire en une manipulation plutôt qu’en la réalité que lui offre son regard. De même pour lui les journaux laissés sont de la propagande. Avec une radio, ils peuvent dorénavant suivre les actualités mondiales qu’ils interprètent à leur façon.
1969. Lors de pluies diluviennes, une jeune paysanne trouve refuge dans leur cabane. Troublé, Kozuka se laisse dépouiller de son arme pendant la nuit. Au matin la jeune femme est effrayée de tenir en joue Kozuka et lui tire involontairement une balle dans la jambe. . Onoda exécute sans pitié la jeune femme. Onoda soigne la jambe de Kozuka qui peut bientôt marcher. Ils vont laver leurs vêtements près de la rivière et une dispute éclate entre eux quand Kozuka croit avoir perdu son revolver. Il remarque un tourbillon à contre-courant et la retrouve. Alors qu'ils se congratulent, Kozuka est transpercé par un harpon. Il est bientôt tué d'un deuxième harpon lancé par des pêcheurs, excédés de leur présence criminelle. Onoda est désormais seul.
1974 : Le touriste a la surprise de voir Onoda venir vers lui. Celui-ci lui dit accepter de se rendre si Taniguchi lui en donne l’ordre en personne. Quinze jours après, le touriste revient avec Taniguchi et Onoda rentrer au japon.
Basée sur l’histoire du sous-lieutenant Hiroo Onoda, retrouvé en 1974 sur l’île où il avait été envoyé en mission, celle de Lubang, dans l’archipel des Philippines, près de trente ans après la fin du conflit et la capitulation de son pays, le Japon. Cette expérience inouïe et vertigineuse ne fait pas l’objet d'une grande fresque sur la folie telle que l’aurait sans doute entreprise Werner Herzog s'il avait obtenu le financement pour un film dont il rêve toujours. Harari se base sur le livre 30 ans seul en guerre de Gérard Chenu et Bernard Cendron. Il choisit de montrer un soldat enfermé dans sa raison : un piège dont il est bien plus difficîle de venir à bout tant l’enseignement du major fut un endoctrinement efficace.
La structure narrative apparaît comme mystérieuse au premier abord. En voix off, Onoda revenu au Japon commentant l’approche de l'île de Lubang par le touriste en 1974 qui lui rappelle sa première arrivée. Le touriste s’approche, installe son camp et regarde la jungle, entamant ainsi un immense flash-back qui saisit Onoda fin 1944 qui, au bord du suicide et de la déchéance, va suivre un entrainement comme soldat de la guerre secrète. C'est ensuite un deuxième flash-back dans le premier qui va prendre en compte l'endoctrinement d'Onoda que celui-ci saura transmettre à ses trois compagnons pour souder leur volonté commune à poursuivre le combat. L'enchaînement est ainsi d'abord un peu complexe avec une prise en charge du récit par deux regards et deux flashes-back mais le film respectera ensuite le déroulement chronologique afin de mettre en valeur les grandes étapes du parcours d'Onoda qui continue son combat avec un bataillon, douze hommes, puis quatre, trois, deux et finalement seul.
Le film est en effet rythmé par de grandes ellipses précédées du soin que prend Harari à montrer comment le groupe fonctionne. Le bataillon, ce sont ceux qui acceptent la raison de battre en retraite face au fanatisme de certains, jusqu'aux malades qui préfèrent se faire sauter plutôt que de se rendre. Du bataillon, on passe aux hommes valides encore prêts à se battre mais les désertions menacent. Il faut le second flash-back pour comprendre ce qui lie enfin quatre hommes à continuer leur combat. La camaraderie qui les lie ne va cependant pas résister aux dures conditions de la jungle et il ne reste que Onoda et Kozuka, indissociables jusqu'à la mort du second.
Le touriste, que l'on redoute un peu naïf et fade, sait lâcher prise pour sortir Onoda de son sîlence. C’est en acceptant le risque de l'alcool qu’il parvient à faire se souvenir à Onoda de son refus de l'alcool imposé par Tanaguchi et l'engrenage qui a suivi. Par le rappel de ce même plan où il contemplant la même tasse d'alcool qu'en 1974 se produit la possibilité d'une bifurcation possible. Un rituel, celui de la confiance et de l'amitié, va en remplacer un autre, celui du fanatisme.
Jean-Luc Lacuve, le 15 septembre 2021.