L'avenir

2015

Avec : Isabelle Huppert (Nathalie), André Marcon (Heinz), Roman Kolinka (Fabien), Edith Scob (Yvette), Sarah Le Picard (Chloé), Solal Forte (Johann), Elise Lhomeau (Elsa). 1h40.

Sur  un bateau en direction de saint Malo, Nathalie contemple son mari et ses deux enfants. Ils sont venus visiter la presqu'île de grand Bé où est enterré Chateaubriand dans un sobre mausolée face à la mer.

Des années plus tard. Nathalie est professeur de philosophie dans un lycée parisien. Passionnée par son travail, elle aime par-dessus tout transmettre son goût de la pensée.  Elle est l'auteur d'un manuel de référence et dirige une petite collection prestigieuse de philosophie. En octobre 2010, les lycéens ulcérés par la reforme des retraites imposée par Nicolas Sarkozy bloquent le lycée. Elle continue de faire cours. Son mari,  Heinz, lui aussi professeur de philosophie a adopté la même attitude.

Nathalie est heureuse de la visite de Fabien, bientôt la trentaine, son ancien élève qui lui voue reconnaissance et admiration. Après normale-sup, il a quitté l'éducation nationale, écrit dans sa collection et s'intéresse aux mouvements gauchistes. Nathalie est sans cesse appelée au téléphone par sa mère qui souffre de crises d'angoisse, d'un sentiment d'abandon et ne peut rester seule. A bout, Nathalie est obligée de la confier à la garde d'une maison de retraite de grand luxe.

Au printemps 2011, Chloé somme son père, dont elle a découvert qu'il avait une liaison avec une femme, de choisir entre celle-ci et Nathalie. Celle-ci aurait bien aimé qu'on ne lui dise rien. Le plus dur pour elle est de quitter la maison de Bretagne de son mari où elle a vu grandir ses enfants et dont elle a créé et soigné le jardin.

On lui apprend soudain la mort de sa mère. Après l'enterrement elle est aussi confrontée aux responsables commerciaux de sa maison d'édition qui, tout sourire, lui annoncent la fin de leur collaboration : Nathalie ne fait décidemment pas assez de ventes.

Pour l'été, Nathalie s'en va rejoindre Fabien  dans le Vercors. Celui-ci l'accueille avec chaleur mais lui reproche de ne pas sortir du cadre sa vie bourgeoise en dépit de sa volonté de penser différemment. Elle réplique que la liberté c'est d'abord celle qu'elle enseigne à ses étudiants pour penser par eux-mêmes. Vexée néanmoins, elle quitte le groupe.

Un an plus tard. Chloé vient d'avoir un enfant. Au cœur de l'hiver, Nathalie vient donner Pandora à Fabien, Elsa et ses amis du Vercors. Avant de s'endormir Nathalie lit La mort de Jankélévitch. Au matin elle repart. Quand elle arrive chez elle, Heinz est là venu chercher son livre de Schopenhauer. Elle ne le retient pas pour le repas de Noël où elle a invité ses enfants. Alors que ceux-ci discutent, Nathalie berce son petit fils.

Mia Hansen-love décrit un milieu qu'elle connait bien puisque ses parents sont professeurs de philo. Elle semble ainsi poursuivre la veine de l'étude familiale après Eden, inspiré de la vie de son frère.

Le préambule sur la tombe de Châteaubriant semble indiquer que la vie est là tant que l'on est capable de se désirer un avenir. Tous les personnages ont une attitude responsable, ce qui en les rend ni particulièrement heureux ni malheureux. Chacun d'eux se cherche un avenir alors, qu'autour d'eux, tout se délite. Nathalie est quittée par son mari, perd sa mère et ses deux enfants n'habitent plus la maison. La prestigieuse maison d'édition qui l'employait met fin à leur collaboration pour des ventes insuffisante et elle n'aura bientôt plus que le blog que promettent ses étudiants pour s'exprimer.

Fabien se cherche dans l'écriture d'une philosophie qui sortirait des lieux communs du "penser après le désastre" et Nathalie se satisfait de la confiance qu'elle a que chacun puisse penser par soi-même grâce à son enseignement. Heinz fait l'expérience d'une autre vie lui qui semblait avoir une philosophie à l'abri des vicissitudes du temps.

La beauté du Vercors ou de parcs parisiens distrait un peu des états d'âmes bourgeois des protagonistes... et puis il y a un extrait de Copie conforme, le plus beau film de 2010 !

Jean-Luc Lacuve le 12/04/2016