Yoel est un historien juif orthodoxe. Très religieux, il occupe un modeste emploi dans l’institution mémorielle que dirige la très laïque Rina. Depuis des années, il enquête sur un massacre qui aurait eu lieu dans le village de Lendsdorf en Autriche, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Jusqu’ici patientes ses recherches s’accélèrent lorsqu’il se voit assigner un ultimatum : faute de preuves tangibles des faits, le site sera bétonné sous quinzaine. Du coup, Rina lui offre la possibilité d'un accès aux archives classifiées où s’accumulent les récits dont les auteurs ne veulent pas qu’ils soient rendus publics.
Au détour d’un des témoignages, Yoel découvre que sa mère, survivante des camps, s'était faite passer pour juive en 1939. En effet, orpheline, elle ne voulait pas abandonner la famille qui l'avait élevée. Elle avait ensuite usurpé l'identité d'une juive, et s'était mariée dans le camp alors qu'elle croyait mourir le lendemain. Sous le coup de cette révélation qui fait de lui un non juif, Yoel en avertit sa sœur Miriam qui refuse d'envisager cette possibilité et le renvoie à ses échecs de père, de mari, de religieux. S'il n'est pas juif orthodoxe, il n'est plus rien.
Apres un voyage infructueux en Autriche où il se défait de ses attributs extérieurs de juif, il revient en Israël où il bluffe les politiciens autrichiens avec lesquels il est en visioconférence et obtient une semaine de délais. Grace à la perspicacité de Micky, son assistant qu'il méprisait jusque là sournoisement, il comprend que l'église originale ayant été détruite, la fosse commune se trouve à un autre endroit que celui désigné par l'autrichien, Burm, rescapé du camp et qui refuse de se montrer.
Un second retour en Autriche prouve qu'il avait raison.
Le contexte historique du film est inspiré du massacre de Rechnitz, en Autriche. Les recherches d’une fosse commune ont débuté juste après la guerre. Il y avait deux témoins : un juif et un non juif. Quand le témoin juif est retourné là-bas, il a été assassiné. Le témoin non juif était celui qui avait amené les armes pour tuer les juifs - lui aussi a été assassiné alors qu’il s’apprêtait à indiquer la localisation de la fosse dans la forêt. Les recherches ont repris dans les années 80 mais se sont à nouveau arrêtées.
La plupart des dates et des noms dans le film sont exacts. Les témoignages des Autrichiens montrés dans le film sont ceux de vrais villageois dont j’ai changé le nom. Ces témoignages avaient été recueillis pour le documentaire Totschweigen (A Wall of Silence, 1994) réalisé par Eduard Erne et Margareta Heinrich.
Avec ces extraits, le réalisateur voulait montrer jusqu’où vont le déni et le refoulement de gens qui peuvent être très émus, très sympathiques et qui pourtant ne disent pas la vérité. Dans ce petit village et il est très peu probable que ces gens qui vivent là depuis toujours ne sachent pas où se trouve cette fosse commune. La grande différence entre Lendsdorf, village de fiction et la vraie ville de Rechnitz, est que dans celle-ci, la fosse commune n’a pas été retrouvée.
En faisant de l’histoire de Yoel une pure fiction, Amichai Greenberg perd la force de la volonté de vérité absolue que revendique son personnage principal qui devient une sorte de justicier juif. Les ressorts mélodramatiques sur sa vie personnelle et la révélation de la non judéité de sa mère sont complètement hors sujet. Le plus intéressant étant la mise en espace, la mise en rapport du hall lumineux du centre de recherche qui proclame sa transparence à la face du monde et le bureau grillagé au sous-sol de Yoel, kafkaïen, de celui qui s'accroche pour faire apparaitre une vérité forcement difficile à mettre à jour.
Jean-Luc Lacuve, le 17 mars 2019