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Une histoire d'eau

1958

Voir : photogrammes

Avec : Jean-Claude Brialy, Caroline Dim. 0h20.

C'est l'inondation à Villeneuve saint Georges. L'étudiante aimerait se rendre à Paris. Le père Franju lui ayant hurlé qu'il n'y avait pas d'autobus, elle fait de l'auto-stop et monte à bord de la Ford Taunus du séducteur. Ils essaient de rejoindre la nationale. De routes coupées en routes coupées, ils reviennent à Villeneuve saint Georges.

L'étudiante et le séducteur essaient de rejoindre la nationale à pied et la première se laisse embrasser par le second qui lui raconte des histoires drôles.

Ils rejoignent finalement la voiture. L'étudiante se souvient des bons moments de cette ballade. En rejoignant Paris, elle sait qu'elle passera la nuit chez ce mirliflore dont elle est tombée amoureuse.

"Sachez que c'est un film de François Truffaut et de Jean-Luc Godard" conclut l'étudiante narratrice lors de la dernière scène. L'idée du film vient de Truffaut qui le réalise. La bande-son disparut et Godard s'occupa de la reconstituer… à sa façon. C'est donc plutôt un film de François Truffaut puis de Jean-Luc Godard... qui au final appartient bien plus au style du second que du premier.

Cette histoire d'amour à travers l'île de France inondée fait la part belle au hasard, et au libertinage ce qui pourrait relever de la thématique commune des deux jeunes auteurs. Mais le goût de la citation d'une part et le ton constamment espiègle, trépidant, moderne et sportif contredit le romanesque potentiel du film. Un examen rapide des photogrammes de la partie à pied et surtout le refus de l'utilisation romanesque du flash-back final montre bien la volonté de Godard de se réapproprier ces péripéties amoureuses d'un séducteur et d'une étudiante.

Celle-ci dira d'ailleurs "D'habitude je me fiche de l'image, c'est le texte qui est important" puis, en guise d'adoucissement du propos ... "mais cette fois j'ai tort parce qu'ici tout est beau"... avec un long silence sur la bande-son.

Les percussions musicales qui accompagnent les prises de vues des inondations vues du ciel et le retour en voiture embarquent le film dans une direction principale sur laquelle Godard tisse des citations en formes de digressions. Celles-ci sont revendiquées en invoquant le patronage d'Aragon, cité à propos d'une conférence sur Pétrarque.

"Ici j'ouvre une parenthèse dit l'étudiante : Aragon tout le monde le méprise, moi je l'aime et je ferme la parenthèse". Puis elle parle de cette conférence sur Pétrarque où Aragon parle longuement de Matisse. "Lorsqu'un étudiant intervint pour rappeler Aragon à son sujet celui-ci répondit, superbe et magistral, que tout l'art de Patraque, justement, consiste dans la digression. Et l'étudiante, voix de Godard, de conclure "Moi c'est idem, je ne m'écarte pas de mon propos ou alors c'est que c'est mon sujet profond. Exactement comme une auto que les inondations écarte de son trajet normal et force à rouler à travers champs pour gagner la grande route de Paris."

C'est grâce aux méandres et sans oublier son sujet que l'on construit un film. Et les méandres des citations sont nombreuses Blondin, Franju Raymond Chandler, Arthur Gordon Pym, Baudelaire mais aussi Crysler et Masserati avec Holderlin et Wagner, La duchesse Langeais de Balzac, "Le tableau était impressionnant pas impressionniste, je parle des dégâts et pas de Degas", "Les pieds nickelés sont baths.. Valéry Larbeau est mort, Paul Eluard est mort, Jean Giroudoux est mort. Le film serait aussi est-il dit à la fin un hommage à Max Sennett.

Je dis "adieu mes jolis" en pensant à Raymond Chandler

Et l'émotion cueille le spectateur à la fin :" J'étais heureuse. Ce type à qui je disais salle type quand il m'embrassait ; ce Mirliflore, j'allais probablement dormir chez lui ce soir. Car si l'eau inondait la France, moi c'était le bonheur. Voilà mesdames messieurs, c'est la fin."

Jean-Luc Lacuve le 03/11/2009

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