Prix suisse remerciements mort ou vif

Vous vous souvenez ? Ballabio ! Ballabio ! Entre Denges et Denezy un soldat rentre au pays a marché, a beaucoup marché. On le félicite à l’arrivée on donne des écus dorés. Il se dépêche de partager chiens perdus sans collier chats rejetés oiseaux blessés et d’autres encore venez victimes disait Ferkiel. Mais la partie n’est pas gagnée : il faut encore remercier. Il est très étrange de donner un prix du cinéma suisse, puisqu’il n’y a pas de cinéma suisse. Oh il y a des films suisses, il y a des films bulgares aussi, des films finlandais, des films africains, mais le cinéma c’est autre chose. Les grecs avaient quatre éléments, la physique moderne pareil, les quatre murs de la maison du monde: la gravité, les forces faibles, et les forces fortes, les forces électro-magnétiques, quatre murs en Occident pour soutenir encore un peu le XXIème siècle. Mais pas de toit, pas de toi et moi, et des peuples entiers sans protection de l’imaginaire. Alors qu’il y a cent ans les quatre grandes cinématographies : la russe, l’allemande, la française et l’américaine, assuraient la foi des nations en elles-mêmes.

Le temps passe, le temps passe, et les USA, à force de Guerre Froide avec Staline, les Américains découvrent qu’à force de quantité, on peut faire s’en aller la qualité. On dit Hollywood n’est-ce pas, et on respire à l’abri des guerres civiles.

Ppardonnez-moi, mais il y a encore autre chose : comment est-ce qu’un Conseil fédéral peut légiférer au nom d’une Confédération ? Oui, sans doute que le monde va mal n’est-ce pas. Alors je préfère penser que tous ces écus dorés viendront de l’héritage d’anciens confédérés, quatre suffiront là aussi : celui du Jura et d’Humbert-Droz, celui d’une toute jeune Ève dont Michel Servet fit circuler le sang, et encore, le sang du major Abraham Davel, et j’ajoute le pauvre Winkelried, On dit qu’il faut se faire une raison alors je rentre à la maison avec Les Cendres de Gramsci un poème de Pasolini ça parle de l’humble corruption.

Godard rentre chez lui, pose sa canne, s’effondre sur le tapis, disserte sur le cinéma passé et se relève pour mettre un point final à sa lettre de remerciements.

Vidéo que Jean-Luc Godard adresse le vendredi 13 mars 2015 à l’Académie du cinéma suisse qui lui délivrait un prix d'honneur à l'occasion de sa remise des prix annuels.