Un frère, Louis, deux sœurs, Martha et Lena, un père, Simon, et une grand-mère composent la troupe d'un spectacle de marionnettes alternant représentations fixes dans leur demeure de la banlieue parisienne et itinérantes. La plus grande harmonie règne entre eux, la grand-mère trouvant dans le combat de Lena auprès des Femen une étrange continuité avec ses combats de communiste et féministe. Mais Simon se sent faiblir et il lui importe que la petite entreprise familiale, perdure. Il embauche à cet effet un jeune homme, Peter, un ami de Louis, qui pourrait le remplacer dans la troupe et s’agréger à la famille aux côtés de ses trois enfants. Peter accepte et tombe amoureux de Laure qui travaille parfois pour la troupe. Lorsque Hélène sa compagne découvre le foulard qu'il a conservé de cette dernière, il lui avoue son amour et la quitte même si elle est enceinte de lui. Helene qui était venue une seule fois voir la troupe avait immédiatement attiré l'attention de Louis qui tombe amoureux d'elle
Le père meurt au cours d'une représentation. Puis c'est la grand-mère atteinte d'Elsheimer qui décède. Louis s'affranchit de l'héritage paternel et décide d'être acteur bientôt sur la voie du succès comme le prouve son interprétation saisissante de Le Jour des meurtres dans l'histoire d'Hamlet (Bernard-Marie Koltès, 1988). Lena se consacre à l'écriture. Seule Martha s'arqueboute à l'héritage paternel mais doit renoncer quand le théâtre est détruit par un orage
Peter parce qu'il s’enferme dans la voie d'une perfection illusoire refuse les offres d'achats. Laure est obligée de le quitter pour échapper à sa folie. Peter détruit ses œuvres qu’il n’arrive pas même à barder 50 euros dans le métro. Il est interné en hôpital psychiatrique où il subit des électrochocs. Louis, Martha et Lena, viennent lui rendre visite et le trouve toujours perdu. Peut-être se remettra-t-il : Laure vient luis rendre visite
Dans L'amant d'un jour (2017) Gilles, le père, professeur de philosophie reconnu au charme incontesté, refusait les avances d'une étudiante pour rester fidèle à Jeanne, une autre de ses étudiantes dont il finissait par se séparer après l'infidélité de celle-ci. Il restait seul mais transmettait à sa fille la nécessité de la fidélité en amour. Dans Le sel des larmes (2020), le père mourrait après avoir transmis à son fils sa passion pour l’ébénisterie et sa réprobation d’un ménage à trois.
Après ces deux leçons de morale, le cinéaste (moins faillible que l'homme pris dans des accusations d'agressions sexuelles) aborde une troisième fois le rôle des pères au sein de la famille. Il s'agit cette fois d'un père à la tête d'une entreprise familiale de marionnettistes. On y reconnait sans peine un double de lui-même rendant hommage à son propre père, l’acteur Maurice Garrel (1923-2011), qui fut jadis marionnettiste.
En mettant en scène ses propres enfants Louis (40 ans), Esther (32 ans) et Lena (22 ans), c'est toutefois l'effacement que met en scène Philippe Garrel, craignant que le père leur impose sa vision de l'art et du monde. Le fantôme du père vient ainsi inquiéter Martha pour qu'elle reprenne le flambeau familial alors que le temps des spectacles qu'elle met en scène, désormais trop désuets, est passé. Signe de cette crainte de Philippe Garrel, Esther Garrel qui joue le rôle de Martha, est la seule de ses enfants à ne pas porter son vrai prénom. Le grand chariot, qui évoque aussi bien les étoiles de la grande ourse que le chariot d'une troupe ou d'une famille soudée, à l’image de celle qui s'entasse dans Les raisins de la colère, sera détruit par l'orage.
Les enfants restent dans le domaine artistique où ils s'épanouissent. La vie d'artiste y est toutefois décrite comme éminemment dangereuse : Peter est interné en hôpital psychiatrique où il subit des électrochocs, signe moins anachronique que permanant chez Garrel du danger que la société fait peser sur les artistes.
Jean-Luc Lacuve, le 1er octobre 2023.