Pan Jinlian, jeune femme d'une grande beauté, est contrainte d'épouser Wu Da, un homme peu attrayant. Elle le trompe avec un herboriste de la ville, Ximen Qing. Ensemble, ils décident d'empoisonner Wu Da. Le frère de celui ci, Wu Song, qui l'apprend, assassine les deux amants. Depuis cette époque, les femmes immorales sont surnommés Pan Jinlian. Le film s'ouvre sur ce récit accompagné de peintures traditionnelles de la période des Song.
Li Xuelian et son mari, Qin Yuhe simulent un divorce afin d'obtenir un second appartement dans le district de Guangming. Six mois plus tard, alors qu'ils vivent séparés l'un de l'autre, Li apprend le remariage de Qin.
Abandonnée et bafouée, Li se rend chez le juge Wang pour lui demander de prouver l'inexactitude du contrat de divorce mais sa tentative échoue. Animée d’un ardent désir de justice, la jeune femme interpelle Xun, l'Ancien président de la cour et le chef de la justice, les accusant d'avoir mené un mauvais procès. Les hommes de lois la repoussent une seconde fois. Ils refusent d'écouter ces plaintes qu'ils jugent arbitraires. Le chef de district, Shi, est la «victime» suivante de la vindicte de Li dont la liste des inculpés s'amplifie à mesure des insultes qu'elle subit. Prétextant n'être qu'un simple sous-fifre, Shi quitte les lieux. Ignorée de toutes parts, Li manifeste en pleine rue. Elle s'assoit sur les routes et perturbe le bon ordre de la ville. Cela n'échappe pas au Préfet, Cai, qui s'inquiète des conséquences qui pourraient en résulter. Li est emprisonnée pour atteinte à l'ordre public.
À sa sortie de prison, malgré la lassitude qui l'assaille, Li décide de rendre visité à Qin afin de clarifier la situation. Elle le retrouve entouré d'une bande d'amis. Seule face à tous ces hommes qui lui tournent le dos, elle se fait violemment insulter par son ex-mari qui l'affuble du surnom de Pan Jilian (manière de qualifier les femmes infidèles et immorales qui est remplacé dans les pays occidentaux par Madame Bovary dans une tentative d'équivalence quelque peu schématique). Ce nom résonne bientôt dans tout le pays et prend des proportions bien plus importantes que l'histoire du vrai ou faux divorce. Li, après s'être vu refuser par deux de ses amis le meurtre de Qin, se résout à accomplir sa vengeance seule.
Elle se rend à Pékin où elle retrouve l'un de ses amis d'enfance, désormais cuisinier : Zhao Datou, qui lui apprend la venue en ville d'un personnage officiel important lors de l'Assemblée Populaire. Après avoir laissé s'exprimer les huit délégués gouvernementaux, le dirigeant prend la parole sur ce qu'il appelle : « les imperfections ». Il informe l'auditoire de la plainte qui lui a été faite quelques heures plus tôt : Une jeune femme se serait jetée sur sa voiture et lui aurait fait part d'une simple histoire de divorce. Il porte cette plainte à titre d'exemple dans cette lutte qu'il mène contre la corruption et l'immoralité. Ceux ayant été impliqués dans cette affaire devront répondre de leurs actes et être sévèrement punis.
Dix ans plus tard, Li continue de porter ses accusations, son procès en divorce contre Qin et le blâme d'être comparée à Pan Jillian. En plus des procédures classiques, tous les ans, elle soumet son affaire à l'Assemblée Populaire. Le juge Wang, qui est devenu président de la cour, la retrouve et tente de la convaincre de cesser ces plaintes ; elle l'informe qu'elle ne fera rien cette année mais il souhaite des preuves manuscrites. Il fait alors alliance avec le chef de district, Zheng, puis avec le préfet, Ma. Les trois hommes s'invitent à dîner chez Li et tentent de comprendre la raison de son retrait. Celle-ci explique avoir écouté le conseil d'une vache ce qui provoque la colère des hommes qui quittent la table.
Li est mise sous la surveillance du gouvernement. Parallèlement, Zhao Datou, qui vit désormais en ménage avec Li, souhaite l'épouser et l'incite à abandonner son procès mais la jeune femme, se sentant acculée, revient sur sa décision et décide de relancer l'affaire à nouveau. Li et son amant parviennent à échapper à la vigilance de leurs surveillants en annonçant leur prochain mariage et en profitent pour quitter les lieux et retourner vers Pékin.
Alors qu'ils sont recherchés par la police, les deux amants s'enferment dans une chambre d'hôtel. Datou tente d'embrasser Li qui refuse et le repousse mais il persiste néanmoins ce qui, finalement, semble la satisfaire. Séduite, elle s'abandonne à des désirs d'escapades et oublie un temps son entreprise jusqu'à ce qu'elle découvre le double jeu de l'homme auquel elle avait donné sa confiance, lequel travail conjointement avec les services de police. De nouveau trahie, elle disparaît et provoque une nouvelle fois les craintes du préfet et du chef de district qui organisent une grande fouille afin de la retrouver.
Affaiblie et malade suite à la trahison de Datou, Li arpente les villes jusqu'à l'Assemblée Populaire mais elle est rattrapée par les dirigeants du district qui l'informent de la mort de Qin.
Profondément bouleversée, perdant alors le sens qu'elle avait donné à sa vie, elle tente de mettre fin à ces jours. Elle en est dissuadé par le propriétaire du verger dans lequel elle allait se pendre. Celui-ci lui demande un service ; si elle souhaite vraiment mourir : aller dans le champ voisin afin de fragiliser la concurrence. "Ne te pend pas à n'importe quel arbre, tu as tout le temps d'en changer". Un rayon de soleil éclaire le visage de Li, elle sourit.
Quelques années ont passées. Li a ouvert un restaurant. Alors qu'elle se consacre au service des clients, elle rencontre l'ancien chef du district qui lui explique avoir perdu son poste à cause d'elle. Il n'a ni remords ni rancoeur. Ensemble, ils se remémorent les actions de Lin. Celle-ci confesse avoir simulé le divorce non pas pour un second appartement mais pour un second enfant. Enceinte lorsqu'elle apprend que son mari la trompe elle fait une fausse couche et décide ensuite de se battre pour cet enfant perdu.
Après cela, les gens racontèrent l'histoire de Li comme s'il s'agissait d'une blague. Au début dans son dos, puis ouvertement devant elle. Cela la fit rire également si bien qu'elle finit par raconter cette histoire, elle aussi, comme si elle n'était plus la sienne.
Après Back to 1942 (2012), film rendant compte de la Chine pendant la guerre et Tremblement de terre à Tangshan (2010), retraçant l'histoire d'une famille subissant les tremblements de terre de Tangshan, Feng Xiaogang traite une une nouvelle fois l'histoire de son pays. Il le fait à travers une figure fictive et symbolique, Pan Jinlian (remplacé dans les pays occidentaux par Madame Bovary dans une tentative d'équivalence quelque peu schématique) dont Li est l'équivalent moderne. Le réalisateur trace ainsi un récit circulaire qui trouve un équivalent surprenant dans un cadre resseré dans un cercle. Il témoigne ainsi d'une suite ou plutôt d'une continuité entre la structure narrative du conte de Pan Jinlian et celle de Lin tout en interrogeant une sortie possible de cet enfermement dans la Chine d'aujourd'hui.
Un cercle diabolique
Ce rapprochement entre les deux femmes est exprimé par Qin, lors d'une confrontation durant laquelle, il lui attribut ce surnom. Alors qu'aujourd'hui, le nom de Pan Jinlian se voit associer à la lutte, à la révolte des opprimés, Li n'entend qu'une chose, l'insulte qui lui est adressée, elle refuse catégoriquement ce nom. « I'm not Pan Jinlian ».
Pourtant, ce sera l'élément déclencheur d'une successions d'actions vengeresses qui la rapprocheront inexorablement de cette figure contre laquelle elle livre bataille. Après sa confrontation avec Qin, Lin retrouve ses anciens amants et leur demande de l'assassiner. Ainsi, c'est dans le refus et la dénégation que le mythe prend forme et s'incarne dans le personnage de Li. Conjointement à ce modèle « diabolique », la jeune femme construit dans un mouvement qui la dépasse, son propre mythe, circulaire et latent. Elle semble ériger un espace dans lequel les événements se fixent. Pendant une décénie, elle impose un ordre, une plainte qui menace les dirigeants du district de Guangming. Elle est décrite comme une figure monstrueuse et dévastatrice pour ces détracteurs : « (…) Elle est triple maintenant. Pour nous c'est une peste obstinée, pour son mari c'est une Pan Jinlian, pour elle, elle est victime d'injustice. Trois femmes. Les trois sont ingérables. »
Sortir de ce cercle dans la Chine contemporaine
L'aspect éminemment fictionnel du récit (la voix off présente qui rappelle le conte) permet à Feng Xiogang d'utiliser des personnages stéréotypés et caricaturaux afin de dresser une critique de la Chine moderne statique et rigide. Chaque personnage incarne un élément du système politique et malgré les différences hiérarchiques, chacun semble animé par un désir commun individualiste, celui de garder son travail. Le président de la cour, le chef de district, le chef de la police, le préfet des postes qui voient leurs représentants se succéder dans un perpétuel retour au même, une boucle qui tend à répéter des dessins homologues. Il s'en suit une certaine fatigue, un épuisement qui émane à mesure que les plaintes et les refus se succèdent. Tout, dans le district de Guangming semble figé.
Le voyage à Pékin bouleverse le cadre qui, de la forme circulaire passe au format 4:3. La composition des plans change, s'adapte à cette forme nouvelle. La ville de Pékin renvoie à la fois à la modernité de la société urbaine et à l'ordre imposé par le pouvoir central. Le changement de format témoigne d'une volonté d'émancipation... Est-ce illusoire ?
Caroline Adam, le 18 novembre 2017.
Editeur : Blaq out. Novembre 2017. Durée du film : 2h14. Prix de vente public conseillé : 18.90 €. |
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Supplément : Entretien avec le réalisateur et Fan Bingbing au Festival de San Sebastian. |