Roulette chinoise

Invoquant un voyage d'affaires à Oslo, Gerhard Christ se dirige vers l'aéroport accueillir Irène, sa maîtresse. Tout deux se rendent dans un château, la seconde résidence de la famille Christ, tenu par Mme Kast. Ils ont la surprise de découvrir Ariane, l'épouse de Gerhard, en compagnie de son amant, Kolbe. Remis de leur étonnement, les deux couples décident pourtant de séjourner ensemble.

Ils sont bientôt rejoints par Angela, la fille d'Ariane et de Gerhard, accompagnée de sa confidente, la muette Traunitz. C'est elle qui a manigancé la rencontre de ses deux parents avec leurs amants respectifs. Handicapée depuis sa tendre enfance, Angela se confie un soir à Gabriel, domestique et fils de Mme Kast. Elle se sent coupable : elle estime que l'infidélité réciproque de ses parents remonte à onze années; à cette époque, la certitude de l'incurabilité de sa maladie mit un terme à leur bonheur.

Réunis dans l'une des salles, les habitants du château participent à la "Roulette Chinoise". Un jeu de questions qu'orchestre Angela, et par lequel l'un des deux groupes en présence doit découvrir le personnage auquel pense l'autre. Tour à tour, Irène et Mme Kast sont mises en accusation. Mais c'est en fin de compte Ariane qui est désignée par sa fille ! Tandis qu'Angela quitte la pièce, sa mère la fixe du canon d'un revolver, puis braque l'arme sur Traunitz, et tire, la blesse... Acte libérateur ? Gerhard et Ariane s'enlacent en s'avouant leur amour, et alors que les autres participants quittent la pièce, retentit un second coup de feu

Fassbinder réunit ici des bourgeois tels qu'en a croqués Claude Chabrol : cyniques mais faibles, grotesques mais inquiétants. Gerhard invite sa maîtresse dans sa propriété à la campagne et y tombe sur sa femme Ariane, venue avec son amant.

Ce théatre de boulevard apparait d'emblée rongé par un malaise qui annonce la tragédie. Les retrouvailles des infidèles ont en effet eté orchestrées par la fille de Gerhard et d'Ariane, une adolescente handicapée par une maladie incurable, décidée à jouer le rôle que ses parents lui ont toujours donné : celui d'un monstre. La soirée qu'elle a organisée pour eux est un réglement de comptes dont Fassbinder accentue la cruauté par une mise en scène tranchante : zooms accusateurs, cades qui captivent comme des pièges.

L'horreur tapie au fond de chacun finira par éclater en pleine lumière. cette vision de l'humanité et de l'Allemagne a une noirceur un peu grandiloquente, mais elle impressionne.