Paris. Dorcy, jeune Noir chrétien, veut épouser Sabrina, une jeune Maghrébine. Slimane, son grand frère, gardien des traditions, l'apprend et décide sur le champ que cela ne se fera pas. Slimane a quarante frères et cherche à se renseigner auprès de chacun d'eux s'ils pourraient l'aider à retrouver Dorcy. Il y a le frère chauffeur de taxi, boxeur, joueur de oud, garagiste, policier Tous cherchent plus ou moins à le dissuader de s'emporter trop violemment contre ce tabou encore bien ancré dans les mentalités : pas de mariage entre Noirs et Arabes.
Dorcy de son côté collectionne les castings sauvages pour gagner sa vie : jouer Cinna déguisé en ours sous une tête de loup, se couvrir le corps de texture blanche pour ter photographié contre un mur, et accepter de "tout donner" à une jeune réalisatrice violente et allumée
Slimane a retrouvé sa sur qui lui affirme avec force son désir de se marier avec l'homme qu'elle aime et d'avoir des enfants. Slimane est d'autant plus gêné de ses paroles qu'il a lui-même pour maitresse une juive qui lui réclame d'être présentée à sa famille. Rien cependant ne semble devoir le faire changer d'avis et il s'armer d'un revolver.
La nuit dans une rue obscure, Dorcy est enlevé et trainé dans une camionnette. Il se retrouve ballonné et ligoté dans une cave obscure. Des fils électriques lui parcourent le corps et un tortionnaire masqué active un transformateur qui lui envoie du courant qui le fait hurler de douleur . Ce n'était que le tournage du film, la chaise métaphysique, de la réalisatrice allumée. La prise est bonne, mais inexistante : les opérateurs inexpérimentés ont oublié de mettre uen cassette dans la caméra. Dorcy est furieux et quitte le plateau.
Dorcy, malheureux de ses échecs répétés, doit aussi subir le refus de sa mère, qui tient un salon de coiffure, de le voir épouser uen algérienne blanche musulmane. Dorcy qui est confronté aux opinions racistes de ses amis expose son découragement à Sabrina. Celle-ci rencontre alors un homme dans un café quelle remercie.
Slimane a fini par retrouver la trace de Dorcy grâce à son frère chauffeur de taxi qui a pris la réalisatrice en taxi et cherche par tous les moyens à retrouver son acteur. Slimane voit auparavant l'homme mystérieux rencontré auparavant par Sabrina. Il s'agit de son grand frère, homosexuel, que la famille a rejeté pour cela depuis trente ans. Slimane qui l'a rencontré probablement dans le sous-sol du cabaret où il travaille, menace de l'abattre et ce d'autant plus que son frère lui a révélé être au courant de sa relation cachée avec sa maitresse juive. Son frère le met au défi de tirer. Slimane y renonce sachant qu'il résoudrait ainsi trop lâchement ses propres conflits.
Effondré, Slimane marche dans la nuit jusqu'à proximité du domicile de Dorcy qu'il croise dans la rue. Il s'enquiert de son identité et lui demande pardon.
Si le film traite d'un grand sujet, les racismes réciproques de deux communautés, il le fait avec un humour permanant et une forme qui relève tout à la fois du conte et du désir de bouleverser les rapports trop sages et convenus des images.
Les exposés du racisme ordinaire et décomplexé sont en deça des généralités et piègent concrètement les réactions ordinaires, viscérales, bêtes et méchante de ceux qui ne sont pas confrontés à ce qui excède leur communauté ou leur a priori. C'est le dialogue hilarant du frère qui déclare de toute bonne foi à son ami noir qu'il ne peut accepter le mariage de sa sur avec un noir ce qui, après que son ami l'ai mis face à ses contradictions, se retrouve seul dans la nuit. La communauté sera ensuite prise au piège du regard des sondeurs, tout aussi décomplexés, qui trouvent normal d'associer jeunes algériens et délinquants miséreux.
La forme du conte, affirmée dès le générique, et développée ensuite avec ses quarante voleurs offre un panorama vivant de Paris avec ses divers métiers (chauffeur de taxi, garagiste, policer...) mais où dominent les artistes (le frère qui ne supporte pas un regard insistant de Dorcy alors qu'il est au téléphone avec sa sur, le joueur de oud qui chante son accord avec sa sur et laisse repartir sans un mot Slimane, et, probablement, le grand frère homosexuel)
Ce patchwork sans cesse agité de scenettes et d'images tire son énergie de ses deux grandes scènes souterraines : la séquence du film de torture ou le dialogue tendu entre Slimane et son grand frère homosexuel, sans doute dans le sous-sol du cabaret ou du café où ce dernier gagne sa vie.
Excédant son sujet, Rengaine montre la difficulté d'être pour des jeunes gens qui ont décidé de vivre au plus près de leurs sentiments (scène sur le pont aux cadenas) et de leur désir de création (les castings ahurissants de drôlerie cruelle). Rachid Djaïdani adopte une forme non convenue pour filmer ses acteurs souvent au plus près de leur visage dès que le sentiment affleure... et il affleure souvent.
Jean-Luc Lacuve le 28/11/2011