Entre journal intime et drame baroque, le film reconstitue par fragments un voyage fatal placé sous le signe du Caravage. Utrecht, Naples, Rome... trois villes et deux histoires d'amour guident l'itinéraire nocturne d'un homosexuel à la recherche de la beauté perdue.
"Les personnages ne sont pas réels. Jai changé les noms. Il ny a que Tadeusz qui soit assez proche de son personnage mais il nest pas séropositif. Je profite de ces corps receptacles pour y mélanger les histoires de personnes que jai connues. Comme souvent en littérature, ce sont des modèles. Ça nen est pas moins vrai, ou tout du moins vraisemblable. Mon personnage nest pas tout à fait moi non plus.
"Cest la voix off qui pousse vers la fiction. Elle ne raconte pas
la vérité. Elle a été écrite après.
Je ne crois pas du tout quon peut plaquer une voix préécrite
sur des images. Et plus que la voix off, je crois que ce sont les ambiances
sonores qui créent cette espèce dabstraction ; par exemple
quand on a une scène en Super 8 très intime et quon entend
derrière les voitures qui passent, ça crée quelque chose
qui nest pas naturaliste. Il ne faut jamais que limage et le son
soient redondants. Par exemple, jaime bien évoquer un tableau
et ne pas le faire apparaitre tout de suite. Cest presque une question
de dramaturgie.
De toute façon, on ne capte jamais le réel. Ça nexiste pas : à partir du moment où on monte, où on mixe, etc., on est déjà dans linterprétation subjective. Ces histoires de réel, de documentaire, dobjectivité, cest un débat du xixe siècle ! La littérature a réglé ça depuis longtemps. Le réel, lillusion, limaginaire sinterpénètrent en permanence. On nen sortira jamais. À cela sajoute la présence des médias dans la vie de tous les jours : la présence de la caméra dans un lieu fait advenir les événements. Il suffit de voir le crash du Concorde : les gens interviewés qui ont été vaguement témoins de quelque chose, adoptent en cinq minutes une terminologie et un vocabulaire journalistique ! Le réel dans tout ça, je me demande bien où il est Cest plutôt là où il nest pas quil faut peut-être creuser."
Source : entretien réalisé pendant les Etats généraux du documentaire en août 2000 (Lussas : Etats généraux du film documentaire, 2000)