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 "Le 
    point de départ est une histoire d’amour : Dieutre a aimé un homme quelques 
    mois, a passé de nombreuses soirées chez lui et a posé sa caméra derrière 
    la fenêtre donnant vue sur le canal près de la station Jaurès à Paris. Là 
    se trouvait un campement de migrants. Ces images de l’extérieur, accompagnés 
    des sons de l’intérieur de l’appartement, forment le matériau de base.
"Le 
    point de départ est une histoire d’amour : Dieutre a aimé un homme quelques 
    mois, a passé de nombreuses soirées chez lui et a posé sa caméra derrière 
    la fenêtre donnant vue sur le canal près de la station Jaurès à Paris. Là 
    se trouvait un campement de migrants. Ces images de l’extérieur, accompagnés 
    des sons de l’intérieur de l’appartement, forment le matériau de base. 
Une autre série d’images les englobe : Dieutre est dans un studio en compagnie d’Eva Truffaut, ils regardent ensemble ces rushes, elle questionne, il raconte, l’histoire d’amour, l’histoire des ces hommes dehors desquels il est séparé par une vitre et qui sont nécessairement vus depuis une position de surplomb. Telles sont les entorses figuratives : le mélange de l’intime, du relatif confort sentimental et de ces vies mutilées ; le point de vue qui pourrait être une image de police, de caméra de surveillance ; le fait que ces hommes ont une image sans parole et sur laquelle on parle, quand l’amoureux endosse à l’inverse le rôle de l’infigurable.
Dieutre ne sort qu’une fois de l’appartement pour aller filmer ces gens de plus près, et là encore il ne s’en approche pas, continuant à les montrer de dos, sans visages aux contours définis. Plutôt qu’une distance esthète, il faut y voir l’acceptation de l’impossibilité d’un accès à ces vies incommensurables". Gabriel Bortzmeyer pour Independencia
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 "La 
    vitre est la figure d’une séparation irrémédiable. Dieutre insiste sur ce 
    point en usant d’un dispositif qui en choquera plus d’un un : les images du 
    dehors sont parfois recouvertes de micro-animations, dispersées en différents 
    points, venant déréaliser un réel effroyable. Elles signalent justement l’écart 
    entre les deux mondes, le fait que la vitre intensifie la distance. Jaurès, 
    à sa façon, radicalise plus encore que tous les autres films l’altérité que 
    représentent les migrants, et son dispositif allégorise la position du filmeur. 
    Mais le film ne s’arrête pas sur la constatation de ce simple échec. Il fonctionne 
    sur un système d’intercesseurs. D’abord, le relais représenté par Eva Truffaut 
    qui permet au film de ne pas être un simple monologue sûr de lui se déroulant 
    sur un défilé d’images. Ensuite, paradoxalement, l’amant lui-même : Simon 
    travaille dans une association d’aide aux migrants. Dieutre raconte les récits 
    de Simon, à qui est dévolue une fonction de connaissance qui n’est pas tant 
    un savoir sur ces êtres qui restent lointains, que sur la situations des migrants 
    en France. Les images ne sont alors pas immédiatement enfermées dans du discursif, 
    elles continuent de défiler, rebelles à toute saisie, tandis qu’un savoir 
    plus général, qui ne s’y rattache jamais directement, est assuré et maintient 
    la possibilité d’une connaissance."
"La 
    vitre est la figure d’une séparation irrémédiable. Dieutre insiste sur ce 
    point en usant d’un dispositif qui en choquera plus d’un un : les images du 
    dehors sont parfois recouvertes de micro-animations, dispersées en différents 
    points, venant déréaliser un réel effroyable. Elles signalent justement l’écart 
    entre les deux mondes, le fait que la vitre intensifie la distance. Jaurès, 
    à sa façon, radicalise plus encore que tous les autres films l’altérité que 
    représentent les migrants, et son dispositif allégorise la position du filmeur. 
    Mais le film ne s’arrête pas sur la constatation de ce simple échec. Il fonctionne 
    sur un système d’intercesseurs. D’abord, le relais représenté par Eva Truffaut 
    qui permet au film de ne pas être un simple monologue sûr de lui se déroulant 
    sur un défilé d’images. Ensuite, paradoxalement, l’amant lui-même : Simon 
    travaille dans une association d’aide aux migrants. Dieutre raconte les récits 
    de Simon, à qui est dévolue une fonction de connaissance qui n’est pas tant 
    un savoir sur ces êtres qui restent lointains, que sur la situations des migrants 
    en France. Les images ne sont alors pas immédiatement enfermées dans du discursif, 
    elles continuent de défiler, rebelles à toute saisie, tandis qu’un savoir 
    plus général, qui ne s’y rattache jamais directement, est assuré et maintient 
    la possibilité d’une connaissance." 
Gabriel Bortzmeyer pour Independencia

