Marseille 1930. À l'époque des années folles et des hold-up au soleil, François Capella et Roch Siffredi, deux jeunes truands aux dents longues se lancent à la conquête de la ville. D'abord ennemis (sortant de prison, Siffredi retrouve son amie Lola chez Capella), les deux hommes entament une amitié basée sur l'estime et la confiance réciproques.
Leurs premiers "coups" ressemblent à des plaisanteries, mais Capella et Siffredi s'attaquent vite aux gros bonnets qui contrôlent tout à Marseille la mairie, la police, la justice, les entreprises, les jeux, les bars et la prostitution et vont les éliminer les uns après les autres.
Poli, d’abord, qui tient le racket de la viande. Rinaldi, ensuite, l’avocat véreux de la pègre. Marello, enfin, propriétaire de salles de jeu clandestines, que Roch se charge d’exécuter lui-même.
Devenus à leur tour les caïds de Marseille, Roch et François se retrouvent terriblements seul et exposés. Ils comprennent que leur destin sera celui de leurs prédécesseurs, les Poli et autres Marello. Capella décide alors d’abandonner et de partir en Italie avec Lola. Il annonce son départ à Siffredi ; le soir même, il est abattu par une rafale de mitraillette. Bouleversé par la mort de son ami, Siffredi décide de disparaître...
Film de gangsters lourd et pesant où Delon et Belmondo tentent de tirer la couverture à eux en surenchérissant dans le cabotinage. Deray, totalement dépassé, se contente de faire longuement marcher côte à côte, les deux stars du cinéma français, ne sachant ni assumer le second degré de Belmondo ni le sérieux compassé de Delon.
Les scènes d'actions sont très lentes. Seule celle dans l'entrepôt de la boucherie est un peu construite. Pour le reste l'action se limite descendre des adversaires qui roulent des yeux. La fin est comique tellement Belmondo, cabotin à souhait, met du temps à mourir en grimaçant.
Notes sur la genèse et la reception du film : Pendant l’été 1968, Alain Delon tourne La piscine à Saint-Tropez avec Romy Schneider. Il découvre un livre publié aux éditions Julliard, Bandits à Marseille d’Eugène Saccomano. L’acteur se passionne en particulier pour le chapitre relatant l’ascension de Paul Carbone et François Spirito, deux truands devenus amis avant de conquérir la pègre marseillaise dans les années 1930. Par le biais de sa société Adel Productions, il décide d’acquérir les droits du livre pour monter un film inspiré de cette histoire vraie. Il souhaite surtout frapper un grand coup avec ce long métrage dans lequel il rêve de partager pour la première fois la vedette avec Jean-Paul Delon.
Delon rebaptise le nom des gangsters (ils s’appelleront désormais François Capella et Roch Siffredi – le célèbre acteur porno en tirera son pseudonyme). Et trouve le titre du film : Borsalino, du nom de cette marque italienne de chapeaux en feutres, à bords larges. Il engage aussi Jacques Deray, son réalisateur de La piscine.
L’annonce de la première rencontre à l’écran constitue un énorme événement. Mais il faut ménager les égos. Par contrat, Delon et Belmondo exigent d’avoir exactement le même temps de présence à l’écran (et, selon une rumeur, le même nombre de gros plans). Car chacun tient à son statut. Du coup, les scénaristes ont taillé les costumes des deux personnages aux dimensions des deux superstars (Belmondo porte d’ailleurs un complet trois pièces Nino Cerruti). Pas question que l’un prenne l’ascendant sur l’autre ou lui fasse de l’ombre.
Delon a en effet vu les choses en grand. Cette coproduction franco-italienne au budget de quatorze millions de francs est une grosse machine, en partie financée par de l’argent américain, celui de la Paramount, qui distribue le film (Adel Productions a investi, pour sa part, six millions de francs. Et les deux stars ont touché des cachets importants). Malheureusement, à trois semaines du début du tournage, le dollar est dévalué de 17 % ! Du coup, on réduit considérablement le budget du long métrage (qui nécessite une minutieuse reconstitution des Années folles).
Le clash entre Belmondo et Delon survient juste avant la sortie du film. Jean-Paul estime en effet qu’une clause du contrat n’a pas été respectée : si le nom de Belmondo figure bien devant celui de Delon comme l’impose l’ordre alphabétique, la mention “Adel Productions présente…ˮ a été remplacée par “Alain Delon présente…ˮ Du coup, le nom de Delon figure deux fois au générique et sur l’affiche ! Belmondo refuse d’assurer la promotion du film et boycotte le soir de la première. Il porte plainte au tribunal de Paris, en demandant la saisie immédiate des affiches. “On m’a montré le matériel publicitaire au dernier momentˮ déclare l’acteur d’À bout de souffle. “Les affiches étaient déjà imprimées. J’ai donc été mis devant le fait accompli, ce qui n’était pas très fair-play.ˮ
Ce conflit juridique n’affecte pas la sortie de Borsalino le 20 mars 1970 : ce film noir ensoleillé obtient un succès considérable en France avec plus de 4,7 millions d’entrées. Après ce gros désaccord, Belmondo va créer avec son frère Alain sa propre société de production en 1971, Cerito Films (qui porte le nom de sa grand-mère paternelle et sicilienne, Rosine Cerrito). Et le 16 juin 1972, le tribunal de commerce donnera raison à Bébel, qui sortira vainqueur de ce round… même s’il meurt dans les bras de Delon à la fin du film.
Évidemment, leur désaccord sur Borsalino s’est estompé avec le temps. Réconciliés, les deux sexagénaires se sont retrouvés vingt-huit ans plus tard dans la comédie de Patrice Leconte, Une chance sur deux (1998) où ils partageaient la vedette avec Vanessa Paradis.