1988

Alors que Hermance, dont il retape le pavillon de banlieue, lui propose d'être son assistant pour le festival de musique dont elle s'occupe en province, Christian est renvoyé de la pièce qu'il répète pour sa conception trop triste du rôle d'Arlequin. Il rompt avec Françoise à qui il conseille de trouver quelqu'un qui lui convienne mieux.

Il passe quelques jours chez une amie, Nathalie, dans les Corbières. La jeune femme se plaint du manque d'appétit sexuel de son nouvel amant, Hippolyte, directeur de la Musique au ministère.

Christian s'installe à la Campagne de Cicéron, la propriété d'Hermance, que Nathalie qualifie de "mondaine, comploteuse, qui ne connaît rien à la musique". Hermance y travaille avec le critique musical Charles-Henry à la préparation du festival.

Françoise vient en vain relancer Christian. Par obligation, Hippolyte et Nathalie arrivent à leur tour. Bavardages de vacances et de travail alternent, interrompus par les problèmes de WC à déboucher. Un soir, Hermance invite son ex-amant Simon, qui refuse de revenir vivre avec elle. Après avoir annoncé son départ pour Paris, il revient passer la nuit avec Françoise. Nathalie part à son tour, refusant de participer au festival. En découvrant une perle de bouton de manchette appartenant à Simon dans le lit de Françoise, Hermance se précipite chez lui revolver au poing : croyant tirer sur Françoise, elle vide son chargeur sur Christian qui l'avait suivie.

La campagne de Cicéron, mas provençal isolé entouré de vignes, qui donne son nom au film, est une sorte de bulle en plein été où viennent se retrouver sept personnages voulant tous faire bonne figure et pourtant étrangement décalés.

La campagne de Cicéron est un film singulier, tout à la fois discret et sophistiqué mais aussi souvent brusquement très crû où l'on s'extasie devant des merdes d'animaux avant d'être confronté à des toilettes bouchées, à ses problèmes d'excréments ou de pets odorants. C'est un film où l'on parle de France-Culture, d'orgasme, de longueur de prépuce, de bahut qui louche où l'on se fait mordre les fesses, où l'on chante l'opérette.

Dans La campagne de Cicéron se croisent, choucas, chouette, libellule, grenouille et mulot et l'on y parle de vipères, d'espadon de rhinocéros de renard et de sangliers. Ce bestiaire inattendu contribue à ce que les personnages ne rentrent jamais dans un cadre établi au départ, chaque rencontre peut être le lieu d'un coup de foudre ou d'une chute traduisant l'inadéquation du personnage à l'instant présent.

Ce décalage constant des personnages permet une poésie réaliste, jamais proposée directement par le metteur en scène mais toujours amenée par l'attitude d'un personnage : le marcheur sous l'eau, l'habit vert de Nathalie et Christian, la pierre jetée sur le reflet de la lune dans l'eau par Hippolyte, la marche nue dans la nuit de Françoise...

L'intrigue est guidée par le trajet de Christian, personnage en creux, tout le temps là mais le moins visible. Il révèle des situations aux autres personnages. Davila pourrait choisir le ton du drame pour ses personnages dont certains trouveront l'amour et d'autre le meurtre ou la mort mais il préfère largement le ton burlesque pour une mise en scène aussi discrète que terriblement efficace.

Ainsi de cette utilisation du hors champ pour révéler au spectateur une situation après coup. Christian s'étonne d'une tache humide dans la salle de bain. "C'est Martine qui a fait pipi par terre" se plaint Hermance, qui sort alors de la salle de bain et s'en vient parler à Martine, son chien qui lèche une prise. Plus tard, dans la campagne de Cicéron alors qu'Hermance sort de la pièce où elle parlait avec Charles Henry, un curieux son se fait entendre. "Tu m'as parlé" demande-t-elle, "non non" répond Charles Henry qui semble agacé. Le chien entre dans la pièce et est chassé par Charles Henry vexé de savoir qu'Hermance à due être persuadé qu'il était à l'origine du borborygme du chien. Plus tard encore, le même Charles Henry parle de son rêve de la nuit avec Françoise et lui explique que quelqu'un y avait une tête horrible. Entre alors dans le champ, Hermance. Charles Henry marque une hésitation puis finit par lâcher le morceau, ce personnage horrible avait la tête d'Hermance. Ces exemples montrent comment Davila fait surgir du hors champs la chute que l'on pressent et qui tire sa force comique du retard dans sa résolution.

Plus généralement, la mise en scène privilégie le plan large et le cadre fixe pour faire surgir des mouvements signifiants dans le cadre tout autant que des entrées et sorties de champs burlesques.


Des dialogues toujours très écrits, presque littéraires, on pourra retenir les quelques échantillons suivants :

 

Jean-Luc Lacuve le 24/03/2010

 

critique du DVD
Carlotta-Films, Mars 2010.
Film restauré par la cinémathèque de Toulouse. 20€
critique du DVD

Suppléments : Un vaudeville qui finit mal ? (48 mn) par Pierre-Henri Gibert. La restauration (14 mn). Comment un film aussi récent peut-il disparaître ? Pourquoi devait-on le restaurer ? La Cinémathèque de Toulouse mène l’enquête.

 

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La campagne de Cicéron
Avec : Tonie Marshall (Nathalie), Michel Gautier (Christian), Sabine Haudepin (Françoise), Jacques Bonnaffé (Hippolyte), Judith Magre (Hermance), Carlo Brandt (Simon), Jean Roquel (Charles-Henry), Antoinette Moya (Simone). 1h50.
Genre : Comédie burlesque
DVD France télévision