Lampedusa, une île perdue au Sud de la Sicile, belle et aride, avec sa mer d'un bleu parfait, sa communauté de pêcheurs, ses bandes d'enfants bagarreurs, ses familles solidaires mais jalouses. La vie y est immuable : aussi rassurante qu'étouffante, aussi charmante que cruelle. Grazia est la jeune mère de deux adolescents et d'une jeune fille. Fantasque, affectueuse et éprise de liberté, sa personnalité s'accommode mal des conventions villageoises...
Drame social, Respiro renouvelle la tradition du néoréalisme. Cette île au large de la Sicile pourrait faire penser à celle de Stromboli où chaque homme ne peut être que pêcheur et chaque femme, femme de marin et ouvrière à la conserverie. De même l'affrontement entre les bandes rivales de gamins, inconscient du danger (combat dans la piscine, lance-pierres) ou les connotations un peu misérabilistes pourrait faire penser à Pasolini : le plus beau jouet dont peut rêver un enfant reste un train électrique, les fortifications maritimes transformées en chenil, où grouillent des milliers de bâtards promis à on ne sait quel destin.
La dimension religieuse, mesure de l'espoir dans l'avenir, porteur d'une régénération sociale est également très présente même si elle est calquée sur une légende grecque : Grazia devient une figure mythique autour de laquelle le village met en jeu sa cohésion et son identité. Quant à la stupeur devant ce monde étrange elle se manifeste par l'arrivée d'un jeune carabinier qui ne parle pas le patois du village et qui restera sans voix en pénétrant dans la cour de Grazia.
Faute de cerner suffisamment son personnage féminin, le film n'arrive pas à dépasser les connotations sociales pour activer un vrai drame humain. A la différence des femmes de Rossellini, Grazia n'est pas une figure épique. Jeune femme vulnérable d'une beauté excessive, elle marche perpétuellement à la frontière entre raison et folie, entre l'acceptation et la révolte. Mère et épouse aimante, elle professe un mépris radical pour les tâches ménagères et pour la pudeur qui est de mise chez ses contemporaines. Elle voudrait partir, aller à Paris. La dévotion de son mari, l'amour étouffant et exclusif de ses fils la protègent jusqu'à un certain point. Lorsqu'elle bouleverse une fois de trop l'ordre villageois, on ordonne sa déportation vers l'hôpital au nord du pays.
Mais il faut le concours de Pasquale, l'aîné des garçons, pour que le drame se déclenche. On se demande d'ailleurs un peu s'il ne souhaite pas enfermer sa mère dans la grotte pour enfin être libéré du rôle trop grand pour lui de tuteur (Son père se sert de lui pour maîtriser la chienne ou pour surveiller sa mère). Alors, Respiro bascule dans un fantastique où la tradition anglo-saxonne du miracle (Voyage en Italie) rejoint la mythologie marine grecque.