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Wet season

2019

Avec : Yann Yann Yeo (Ling), Christopher Ming-Shun Lee (Andrew), Koh Jia Ler (Wei Lun), Yang Shi Bin (Le beau-père). 1h43.

Des trombes d’eau s’abattent sur Singapour. C’est la mousson. Les nuages s’amoncellent aussi dans le cœur de Ling. Elle est professeure de chinois dans un lycée de garçons où elle est très peu considérée. Elle vient de Malaisie car le chinois est si peu parlé à Singapour, qu'à peine un professeur sur deux est originaire de la métropole. Les étudiants ne manifestent que désintérêt pour cette langue totalement remplacée par l'anglais pour la communication quotidienne, les documents officiels ou les affaires. Elle tente néanmoins vaillamment de faire progresser ses étudiants pour le bac mais n'est jamais interrogée en commission de professeurs tant la matière est négligeable pour l'obtention du diplôme

A sa vie professionnelle peu épanouissante, se rajoutent des liens qui se distendent avec son mari. Depuis huit ans, le couple tente vainement d’avoir un enfant et Andrew ne vient plus même assister aux séances chez la gynécologue qui tente régulièrement des inséminations artificielles. Ling remarque aussi qu'il s'absente le soir ou le week-end pour des prétendus rendez-vous avec des clients. Elle doit se rendre sans lui dans sa famille où, là aussi, on la méprise pour ne pas avoir d'enfants.

Pourtant Ling s'occupe de son beau-père, lourdement handicapé qu'elle lave, soigne et fait manger avec douceur.

De son côté, Wei Lun est délaissée par ses parents et n'est pas insensible à la douce détresse de sa professeure. Comme il est le seul à suivre ses cours de rattrapage, plusieurs fois, Ling le ramène chez lui. Lorsqu'elle doit rentrer précipitamment soigner son beau-père, il l'accompagne chez elle et c'est alors un peu comme une famille qui se constitue entre ses trois personnes qu'aucun lien du sang ne réunit pourtant. Ling et le beau-père assistent à une compétition d'arts martiaux remportée par Wei lun.

Un accessoire dans la voiture de son mari convainc Ling qu'il a une maitresse mais elle comprend que la séparation est inévitable quand elle constate qu'il l'impose dans sa famille avec son petit garçon.

Du coup elle n'a plus la force suffisant pour s'opposer au désir de Ling qui la viole chez lui. Il voudrait continuer leur relation mais il se fait voler son téléphone par des camardes et le directeur oblige Ling à démissionner. C'est avec une triste ironie qu'elle constate alors qu'elle est enceinte. Elle rentre seule en Malaise chez sa mère et espère que le soleil qui brille désormais est le signe d'un nouveau départ.

La vie simple de Ling se déroule dans les mêmes lieux monotones car elle reste enfermée dans ses obligations. Entre la salle de classe, le domicile où elle prend soin de son beau-père et les visites chez gynécologue, Ling, obstinée et courageuse, s'obstine à se conformer à l'image de la famille idéale à laquelle elle aspire. Le drame est qu'elle est seule à maintenir cette fiction de vie idéale. C'est l'histoire d'amour à laquelle aspire Wei Lung, son jeune élève, qui va briser cette carapace (au sens propre : accident de voiture puis viol à demi consenti) et la libérer par un retour au pays natal où le retour du soleil après la mousson annonce des jours meilleurs.

Peu bavard, le film est rythmé par une succession d'ellipses, plus ou moins longues, qui marquent le changement des sentiments entre les personnages, rendant le film dynamique et sensible : l'attente de Ling à la sortie de l'hôpital est non pour prendre elle-même un taxi mais pour attendre son élève et le reconduire chez lui. Wei Lun observe le durian, ce fruit pointu ramené du marché par Ling et on les retrouve bientôt le dégustant tous les deux dans la famille

La vision d'un Singapour mercantile et sans solidarité est annoncée dès la scène d’ouverture : deux élèves doivent hisser le drapeau national. Loin de se dresser flottant fièrement au vent, le drapeau de Singapour pend, trempé et sans vie. L’effet de la pluie enfermant le personnage principal est renforcé par l'emploi de l'écran large. La pluie est le seul environnement sonore du film. Une musique l’aurait rendu trop sentimental.

Jean-Luc Lacuve, le 29 février 2020

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