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La salle des profs

2024

(Das Lehrerzimmer). Avec : Leonie Benesch (Carla Nowak) Anne-Kathrin Gummich ( Bettina Böhm, la directrice), Rafael Stachowiak (Milosz Dudek), Michael Klammer (Thomas Liebenwerda), Eva Löbau (Friederike Kuhn), Kathrin Wehlisch (Lore Semnik), Sarah Bauerett (Vanessa König), Canan Samadi (Mariam Irfan). 1h38.

Carla Nowak est une jeune enseignante de mathématiques et d'éducation physique récemment nommée dans un collège qui déclare appliquer une politique de "tolérance zéro". Elle se démarque parmi le personnel principalement par son idéalisme.

L'ambiance à l'école est assombrie par une série de vols non résolus. Un jour, Carla est témoin de la manière dont la direction de l'école fait pression sur les délégués de classe pour élucider ces vols. Ils doivent désigner de potentiels suspects. Carla leur dit qu'ils ne sont pas obligés de collaborer mais l'un d'eux finit par hocher la tête sur l'un des noms d'élèves que le CPE, Milosz Dudek, présente devant lui.

Les responsables de l'école interrompent ensuite un cours afin de vérifier le contenu des porte-monnaie des garçons de la classe de Carla. Cette opération jette la suspicion sur Ali, un adolescent d'origine turque parce qu'il a une grosse somme d'argent sur lui. Les parents d'Ali sont convoqués par la directrice Bettina Bohm, mais les soupçons s'avèrent infondés. Carla est mal à l'aise face à cette procédure qu'elle juge humiliante.

Après ces événements, que Carla trouve injustes, elle tente d'enquêter personnellement sur l'affaire à l'aide de la caméra de son ordinateur portable. Elle laisse ainsi son porte-monnaie dans sa veste sur sa chaise pendant qu'elle s'absente un long moment. Lorsqu'elle regarde l'enregistrement vidéo de la salle des professeurs, elle reconnaît la secrétaire du collège, une femme discrète, Friederike Kuhn, comme l'auteur présumé des faits - son chemisier à motifs est clairement identifiable dans les enregistrements. Friederike Kuhn nie avec véhémence le délit, d'abord face à Carla qui veut se faire discrète puis dans le bureau de la directrice arguant qu'elle n’est pas clairement visible sur la vidéo. Elle s'enfuit en pleurs avec son fils Oskar, le meilleur élève de Carla qui ne peut les rattraper. Après cela, Mme Kuhn est mise en congé forcé pour une enquête plus approfondie.

La découverte du délit place Carla face à un dilemme insoluble : Mme Kuhn est la mère du timide Oskar, son élève le plus doué en mathématiques. Résultat, Carla, coincée entre ses idéaux et le système scolaire ainsi que les conséquences de ses actes, menace de s'effondrer. Lors d'une soirée parentale au sujet du voyage scolaire de la classe qui se transforme pour elle en interrogatoire, elle est à la limite de la dépression nerveuse.

Elle est de plus en plus isolée parmi une partie du corps enseignant ainsi qu'entre ses élèves et leurs parents. En même temps, elle est responsable du stress psychologique d'Oskar, qui est désormais perçu et harcelé par certains camarades de classe comme le fils d'une "mère criminelle". Néanmoins, il clame avec véhémence l'innocence de sa mère et présente Carla comme une "menteuse". Lorsque les excuses publiques de Carla exigées par Oskar ne se concrétisent pas, un jour, il vole son ordinateur portable dans la salle de sport et, dans la bagarre qui suit, frappe Carla au visage. Elle le poursuit dans les rues jusqu'à ce qu’Oskar, acculé, jette l'ordinateur à la rivière. Néanmoins Carla continue de protéger Oskar lorsqu'un changement de classe ou d'école est discuté. Elle ment également au personnel au sujet de sa blessure à l'œil et propose elle-même de quitter l'école.

Oskar fédère toute la classe autour de lui en distillant quelques éléments de vérité qui incitent la classe à exiger de Carla qu'elle les informe davantage. Tom qui est le seul à vouloir participer se fait immédiatement accuser de trahison. Carla accepte à contrecœur de participer à une interview pour le  journal de l'école et exige un droit à la relecture avant publication. Mais les élèves, se sentant investis du devoir de débusquer la vérité publient l'histoire du point de vue de la mère d'Oskar qui s'indigne d'un procédé de vidéosurveillance qui ne prouve rien, ce que Carla, voulant s'en tenir au strict minimum, n'a pas démenti. La directrice fait alors interdire la vente du journal de l'école et Oskar est suspendu de la classe ; Il est également exclu du voyage scolaire prévu.

Oskar se présente avec défi en classe le lendemain avec un Rubik's cube résolu que Carla lui a prêté au préalable. Carla exprime ses regrets et tente de le persuader de quitter le bâtiment de l'école. Mais elle et ses autres collègues ne parviennent pas à joindre le garçon qui pleure en silence, et qui ne répond pas non plus aux appels téléphoniques de sa mère. Finalement, Oskar est emmené hors du bâtiment par des policiers trônant sur la chaise ou il s’était assis.

Le film est construit comme un thriller afin de savoir si Carla s'en sortira ou pas dans son rôle de justicière dans le collège. La musique omniprésente, chacune des scènes de "dialogues" construite comme des confrontations, tous les moments de recherche, de course-poursuite sont orientés vers ce but. On ne trouvera donc aucun aspect documentaire sur l'état du système éducatif en Allemagne au-delà des mêmes configurations et reconfiguration de solidarités, d'empathie de piques mesquines de rodomontades qui se font, se défont ou reviennent dans toute communauté. Carla, modèle d'intégrité, d'empathie et de lucidité ne peut faire justice toute seule face au mur de colère et de déni de Mme Kuhn, à l'intelligence et la dignité d'Oskar, à la malignité de ses élèves qui discréditent sans mal sa preuve mal ficelée.

Ce qui est plus gênant, c'est justement ce procédé peu reluisant auquel nous confronte le réalisateur qui semble faire le procès d'une institution en accumulant cas d'écoles et invraisemblances sans offrir à Carla la moindre porte de sortie. On est quand même bien loin du pesant mais psychologiquement fouillé Les herbes sèches (Nuri Bilge Ceylan, 2023) où les élèves mettaient en accusation leurs professeurs. Certes, ceux-ci étaient défaillants (présomptueux, lourds et rancuniers ou simplement incompétents) mais révélaient une densité humaine que l’on est bien loin de retrouver ici. Juste donc un thriller excellemment interprété, et notamment par les enfants, parfois pas loin d’évoquer ceux du Village des damnés (Wolf Rilla, 1960)

Jean-Luc Lacuve, le 9 mars 2024

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