Insiang

1976

Genre : Mélodrame

Avec : Hilda Koronal (Insiang), Mona Lisa (Tonya), Ruel Vernal (Dado) Rez Cortez (Bebot), Marlon Ramirez (Nanding), Nina Lorenzo (Ludy), Carpi Asturias (Karyas), Mely Mallari (La belle-soeur). 1h37.

Insiang habite un bidonville de Manille avec sa mère, la tyrannique Tonya. Elle se démène corps et âme pour survivre dans ce quartier où chômage et alcoolisme font partie intégrante du quotidien. Un jour, Tonya ramène chez elles son nouvel amant, Dado, le caïd du quartier, en âge d’être son fils. Ce dernier tombe rapidement sous le charme de sa nouvelle « belle-fille »…

Insiang est l'histoire d'une aliénation. Insiang, la jeune fille la plus belle du quartier, croit pouvoir mener son chemin en acceptant d'abord les diktats de sa mère puis en espérant que Bebot, son petit ami, la prendra en charge une fois qu'elle n'a pu convaincre sa mère de son innocence face au viol imposé par Dado. Par la suite, elle manipule sa mère pour se venger de lui comme elle avait utilisé Dado pour la venger de son inconstant petit ami. Mais rien n'est réglé du problème central : le manque d'amour qu'elle subit de sa mère. Elle n'aurait pu échapper à ce traumatisme qu'en suivant Nanding, le seul qui envisage de faire des études et de partir des bas-fonds de Manille. Piégée, Insiang se transforme, faute d'une autre porte de sortie, en héroïne perverse. Sa dernière tentative de se faire pardonner par sa mère échoue et elle repart seule. La tragédie amorcée par le massacre des cochons du générique se termine par une image toute aussi terrible d'Insiang partant seule.

Il suffit de quelques plans de rue à Lino Brocka pour installer son héroïne dans un milieu dont elle n'a rien attendre, monde misérable tout autant que carcéral que viennent renforcer les nombreux plans cernés de barreaux. Lorsque la manipulation se met en place, ce sont les plans de reflets dans des glaces ou d'une observation des autres dans la profondeur de champ, qui préviennent du piège. Ces quelques rares effets de mise en scène viennent ponctuer un mélodrame servi par une bande sonore inexorable. Elle mêle aux bruits des pleurs, des radios et des cris, la mélodie triste de la flûte.

Insiang est financé par une riche investisseuse Ruby Tiong Tan que Lino Brocka réussit à convaincre de produire son film. Deux jours après qu’elle a accepté le tournage commence. Le tournage dure onze jours. Dix-sept jours après la fin du tournage le film est dans les salles ! Le ratio entre la longueur du film terminé et le matériel tourné est de 1,17 ! Le film est un échec total aux Philippines et coule définitivement la société de production de Lino Brocka, Cinemanila, déjà au bord du gouffre.

Insiang (1976) est le premier film philippin montré à Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs. Ensuite Jaguar (1979) et Bayan Ko  (1984) seront sélectionnés en compétition.

Source : Propos de Pierre Rissient recueillis à Cannes le 13 mai 2015 par Olivier Père.