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(1933-2003)
400 films
   
   
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histoire du cinéma : Pensée et cinéma

Ciné-poète lyrique et fécond (il a réalisé plus de 400 films) Stanley Brakhage vivait, pensait, œuvrait dans l'essentialité du mythe, c'est à dire de la poésie et tant qu'elle peut nous restituer les fondements du vrai.

Qu'est-ce que le vrai selon Stan Brakhage ? Un rapport plus exact, c'est à dire plus ample aux phénomènes. Pour lui, la ressemblance propre à l'enregistrement cinématographique normé n'est qu'une bande infime sur le spectre de l'exactitude : son travail de cinéaste consistant à explorer, à inventer, à révéler les autres fréquences d'images possibles. De l'abstraction simple à la critique visuelle des images communes, Brakhage a élargi le champ de la figurativité cinématographique comme aucun artiste ne l'a fait. Brakhage était d'abord un poète de son médium, un artiste attentif aux potentialités plastiques offertes par son outil. Il a rédigé des textes approfondis sur la collure, le format Super8 comme accomplissement idéal du cinéma, les différentes qualités de pellicule

Ses premiers films ont encore quelque chose de narratif (Interim, 1951) ; Desistfilm, 1954) et jusqu'en 1957, sont surtout des espèces de Sketches onirico-psychologiques assez sombres (The way to shadow garden, 1955). Reflections on black (1955) tout en manifestant la frustration sexuelle qui hante encore Flesh of morning (1957) annonce sa future manière : la recherche des métaphores de la vision. Alors qu'il avait la possibilité de trouver un emploi à Hollywood, une nuit de beuverie dépressive avec Charles Laughton (à qui un studio venait juste de refuser un nouveau projet après La nuit du chasseur) l'éloigne définitivement du cinéma narratif.

Employant systématiquement la couleur et le montage fluide (raccordant les plans dans les mouvements et les filés), il élabore ainsi The wonder ring (1955) filmé pour Joseph Cornell, Nightcats (1956) et Loving (1958) qui précède le remarquable Anticipation of Night (1958). Historique parce qu'il est à l'origine de la création par Mekas de la Film-Maker's Coopérative de New York, ce film l'est aussi parce qu'il marque une étape décisive dans l'histoire des formes du cinéma expérimental. Le propos de ce film subjectif (dont le je invisible et suicidaire tente vainement de recouvrer la vision sauvage de l'enfance) compte désormais moins que le flux de la matière visuelle, où les ciels bleu sombre, les arbres dans le crépuscule, les jeux de lumières ou de lune dans la nuit se suivent et se fondent sans hiatus avec l'apparition finale des grands flamants roses et des ours blancs du "rêve des enfants".

C'est à ce moment que Brakhage se marie, et cet événement, joint çà cette façon neuve de donner à voir, va colorer une œuvre plus que jamais personnelle et, désormais familiale : sa femme, ses enfants dont il filme la naissance (Window water baby moving, 1959 ; Thigh Line lyre Triangular 1961) et à partir de 1964 leur maison de Rolinsville dans le Colorado avec les paysages qui l'entourent vont servir de matériau de nombreux films d'un lyrisme presque abstrait.

C'est en effet au moment où il quitte New York au sommet du mouvement underground pour s'installer dans les montagnes du Colorado que l'on reconnaitra un style Brakhage, perceptible aussi bien dans les grandes fresques de Dog star man (1960-64)- qui deviennent, par un jeu de répétitions et de surimpressions, les 4 heures 30 de The art of vison (1965) que dans la diversité des trente Songs (1964-1969) tournées en 8mm où des haïkaï de 4 minutes (le premier et le huitième) côtoient telle longue méditation sur la guerre incorporant des chutes d'actualité (le premier et le huitième). 23rd Psalm Branch est également une méditation sur la nature de la guerre tourné à partir de 1966 quand Brakhage découvre des images du Vietnam diffusées par la télévision.

Parallèlement, il entreprend une autobiographie intérieure Scenes from under childhood (1967-1970), dont le début à dominante rouge, exceptionnellement accompagnés de sons rauques et douloureux (presque tous ses films sont muets) tente de reconstituer la vision d'un enfant qui va naître. Cette autobiographie se poursuit en 1970 avec la trilogie The wair falcon saga, The machine of Eden et The animals of Eden and after, suive de cinq méditations sexuelles (la quatrième Hotel, 1972) consacrée au voyeurisme qui transcendent la crudité de Lovemaking (1968). En 1971, avec sa grande trilogie "foucaldienne" de Pittsburgh, Eyes, Deus Ex et The Act of seeing with one's own Eyes, il filme les trois institutions du contrôle des corps : la police, l'hôpital et la morgue. Il ne s'agit pas d'un projet polémique mais de produire des documents : montrer au moins une fois comment un être humain peut regarder en face, de ses propres yeux, les lieux où nos expériences cruciales - la maladie, le crime, la mort, la loi -, sont cadrées, régulés, symbolisés. Ces films onté té rendus par une invitationde l'institut Carnegie à Pittsburgh : ce cinéaste de la nature, qui fit un film fameux en collant des ailes de mite ou des pétales de fleurs sur la pellicule (Mothlight 1963) est en effet obligé, pour vivre, de quitter souvent sa retraite de Rolinsville, soit pour des travaux commerciaux (il lui arrive aussi d'être l'opérateur de ses amis) soit pour de longues tournées de cours ou conférences. En résulte des textes sur son œuvre qui prolongent Metaphors of vision (1963, Paris Centre Pompidou, 1977) : "Imaginez un œil qui n'est pas gouverné par les lois artificielles de la perspective (…) mais doit reconnaître chaque objet dans la vie au travers d'une aventure de la perception".

A la fin des années 80, il se remarie et reprend sur des formats plus amples (70 mm et Imax) en la rephotographiant en 16 ou 35 mm la peinture semi-abstraite sur la pellicule (The Dante Quartet, 1987). En 1991 il réalise A child's garden and the serious sea, un long métrage, éblouissant poème visuel sur le paysage.

Son cancer fut diagnostiqué au niveau de la vessie en 1996. Alors qu'il se réveillait de cette première opération, il trouva le moyen de filmer, avec sa caméra de chevet, la paume de sa main pendant quelques secondes. Cette prise de vues allait donner plus tard naissance à un film (Self song/death song). C'est pourquoi aux derniers instants de sa vie, il s'était à nouveau donné la possibilité de filmer s'il en avait ressenti l'urgence alors que le cancer attaquait sa jambe le faisant terriblement souffrir jusqu'à sa mort le 9 mars 2003 à Victoria au Canada.

Il avait pourtant déjà réalisé un film d'adieu ; Panels for the walls of heaven, un film peint à la main de 40 minutes. Il fit ensuite deux autres films Stan's window , autoportrait cinématographique et méditation sur la chambre où il s'éteignait et The Chenise series. Ce film qui l'occupa jusqu'à la fin, fut réalisé en adoucissant de la pellicule 35mm avec de la salive et en l'égratignant avec les ongles. Peu de temps avant sa mort, il précisa à sa femme Marilyn que le film devrait être considéré comme achevé quel que soit l'état d'avancement dans lequel il se trouverait au moment de sa mort.


Sources :

 

Filmographie (source IMDB) :

1952 : Interim
1953 : Unglassed Windows Cast a Terrible Reflection, The Boy and the Sea
1954 : The Way to Shadow Garden, The Extraordinary Child, Desistfilm
1955 : The Wonder Ring, In Between, Reflections on Black, Centuries of June
1956 : Nightcats, Flesh of Morning
1957 : Whiteye, Loving, Daybreak

Filmographie sélective:

1958 Anticipation of the night

42 mn

Sur le mur, le reflet d'une porte qui s'ouvre; sur le sol l'ombre d'un homme. Panoramique rapide sur un appartement. Une rose éclose dans un vase, délicatement posée à la surface de l’eau . Un parcourt de nuit rapide filmé d'une voiture sous les lampadaires allumés. La porte s'ouvre, il fait jour, l'homme sort dans la forêt; trajet rapide en voiture; des arbres plantés le long d’une route. Retour à la vision depuis la fenêtre tournante de la maison. Tournoiement rapide de la caméra sous els arbres. Nuages du soir et du crépuscule. Retour à la maison et aux arbres de jour, panoramiques de nuit, de jour. Retour à la maison. Tuyau d'arrosage, diffraction en arc en ciel. Splendeur de la nature et lumières de la ville...

   
1959 Window water baby moving
 

16mm,12 mn

Window water baby moving est une sorte de chant - l'un des plus beaux de Brakhage-, où le ventre énorme de sa femme dans l'eau d'une baignoire, les gouttelettes perlant sur ce ventre, les reflets lumineux qui l'éclairent et sa main qui le caresse, donnent une vision fervente de la maternité. On reverra ces plans souriants dans la partie même de la naissance, que précède un long passage noir : entre les plans du visage de Jane criant de douleur ou de la main gantée de caoutchouc du médecin accoucheur aidant la tête de l'enfant à sortir, reparaît l'image de ce ventre rayonnant, comme pour rétablir l'équilibre, estomper ce que les images d'enfantement ont d'insupportable et rappeler ce qu'elles représentent aussi d'attente et de joie.

   
1960 The dead
 

16mm, 11mn

The dead fut tourné pendant le mois et demi où je restais éloigné de Jane et fut monté pendant la période où elle m'évitait la plus grande partie de la journée, pour ne pas reconnaître la force destructive qu'il y avait en moi. Je devais trouver, comprendre avec The Dead que d'une certaine manière toutes les images de la mort et tous les concepts qui s'y réfèrent passent à travers la vie. De longs travellings de gauche à droite ou de droite à gauche superposant des images de cimetière en noir et blanc avec des images en couleur de promeneurs le long des quais d'une rivière

   
1963 Mothlight
 

16mm, 4mn

Brackhage colle des ailes de mite ou des pétales de fleurs sur la pellicule et filme le vol d'une phalène dans la nuit.

   
1964 Dog Star Man : Part III
 

La troisième partie comprend les bobines Il, Elle et Coeur. Les images féminines tentent de devenir masculines et n'y arrivent pas et inversement.

Dans la bobine Elle, on voit des morceaux de chair en mouvement qui se séparent distinctement pour former une image de femme, tiraillée par le désir d'être homme. Dans un sens c'est très proche de Bruegel, les pénis remplacent les seins dans des flashes d'images, puis un pénis surgit d'un oeil, ou bien encore des poils d'homme se déplacent sur tout le corps d'une femme. A un moment tout cela cesse, et cette chair devient finalement une femme.

Dans la bobine Il, c'est le contraire qui se passe ; un morceau de chair est torturé par une inclinaison à la production d'imagerie féminine, en sorte que par exemple ses lèvres se transforment soudainement en vagin. Finalement la forme mâle émerge. Puis bien entendu, ces deux formes dansent ensemble, superposées et l'on obtient un magma de chair homme-femme qui se divise et se réunit selon des mélanges et des distorsions.

   
1964 Dog Star Man : Part IV
   
   
1965 The art of vison
 

Avec : Jane Brakhage, Stan Brakhage

Dog star man (1960-64)- qui deviennent, par un jeu de répétitions et de surimpressions, les 4 heures 30 de The art of vison (1965)

   
1969 Songs
  trente Songs (1964-1969) tournées en 8mm où des haïkaï de 4 minutes (le premier et le huitième) côtoient telle longue méditation sur la guerre incorporant des chutes d'actualité (le premier et le huitième).
   
1970 Scenes from under childhood
  Le début à dominante rouge, exceptionnellement accompagnés de sons rauques et douloureux (presque tous ses films sont muets) tente de reconstituer la vision d'un enfant qui va naître
   
1971 Eyes, Deus Ex , The Act of seeing with one's own Eyes
  Trilogie "foucaldienne" de Pittsburgh. Brackhage filme les trois institutions du contrôle des corps : la police, l'hôpital et la morgue. Il ne s'agit pas d'un projet polémique mais de produire des documents : montrer au moins une fois comment un être humain peut regarder en face, de ses propres yeux, les lieux où nos expériences cruciales - la maladie, le crime, la mort, la loi -, sont cadrées, régulés, symbolisés. Ces films onté té rendus par une invitationde l'institut Carnegie à Pittsburgh
   
1972 The world shadow
 

16mm, 2mn30

World car le mot se réfère aux forêts que les poètes ont appelées "plaines" et parce que le film vibre de l'étymologie rustique du mot "tuer" ; voici ma vision laborieusement peinte du dieu de la forêt. Des plans fixe d'une forêt de bouleaux sous puis surexposée, peints

   
1973 Sexual meditation : open field
 

16mm,6mn

Ce film reprend tous les thèmes masturbatoires des précédentes méditations sexuelles à la source des rêves pré-adolescents. Open field dans la tête, bien sûr, existe comme un tissage à partir d'arbres, d'herbes, d'eau et de corps plein d'aise, à la fin de l'enfance

   
1981 The garden of earthly delights

 

16mm, 2mn30

Ce film, lié à Mothlight est un collage de végétation montagnarde. Comme son titre l'indique, il s'agit d'un hommage à Bosch, au jardin embrouillé de J. E. H. MacDonald et aux peintures de fleurs d'Emil Nolde.

   
1985 Jane
 

16mm, 13mn

Quelqu'un m'a dit que le sujet de ce film était la lumière, mais Jane, elle le prend pour un portrait

   
1987 The Dante Quartet
  Issu de photographies sur format 16 ou 35 mm de peintures semi-abstraites sur la pellicule 70 mm.
   
1991 A child's garden and the serious sea

 

Long métrage, éblouissant poème visuel sur le paysage.
   
1993 Study in color and Black and White

 

16mm, 2mn30

Le titre est peut-être la seule description possible de ce film peint à la main et rephotographié image par image.

   
1996 Comingles containers

 

16mm, 4mn

Ce retour à la photographie après plusieurs années de peinture sur pellicule a été fait à la veille d'une opération chirurgicale liée au cancer, une sorte de dernier testament (...)Une représentation d'un phénomène du monde flottant et complexe.

   
1999 The Lion and the zebra make god's raw jewels

 

16mm, 5mn30

Il s'agit d'un film peint dans lequel les combinaisons de formes suggèrent, au moyen de couleurs appropriées, une jungle, l'herbe horizontale, la crinière ébouriffée du lion ; les rayures noires et blanches du zèbre. Quoi qu'il en soit le film n'est en rien un film d'animation, mais plutôt une collection de formes innombrables qui gravitent autour de cela. L'iconographie reconnaissable, celle qui domine visuellement est celle qui se répète, et crée ainsi un jeu de cache-cache de plus en plus rapide pour oblitérer finalement ces bijoux, les couleurs multiples, auxquels le titre se réfère.

   
2003 The Chenise series

 

Ce film qui l'occupa jusqu'à la fin, fut réalisé en adoucissant de la pellicule 35mm avec de la salive et en l'égratignant avec les ongles. Peu de temps avant sa mort, il précisa à sa femme Marilyn que le film devrait être considéré comme achevé quel que soit l'état d'avancement dans lequel il se trouverait au moment de sa mort.

   
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