Mardi 3 févier 2009. Udine. Dans une église, une belle endormie se réveille et tente de voler l'argent du tronc. Elle erre ensuite devant l'hôpital "la Quiete" (La tranquillité) et tente de voler le docteur Pallido, un médecin. Celui-ci, comme tous ses collègues, est perturbé : Eluana Englaro, une jeune femme plongée dans le coma depuis 17 ans vient d'arriver pour que, conformément à la demande de sa famille, le personnel de santé suspende son alimentation.
Le tribunal administratif de Milan avait en effet annulé fin janvier une décision du procureur de cette même ville, annulant, elle, une décision de la cour de cassation de 2007. Celle-ci, se basant sur la constitution, avait autorisé l'arrêt des soins souhaités par Beppino Englaro, le père d'Eluana. Le "dernier voyage" d'Eluana vers Udine suscite la révolte des mouvements pro-vie. C'est ce que constate Uliano Beffardi, nouveau sénateur du parti populaire de Berlusconi qui, rentré chez lui, allume la télévision.
Le 7 févier, Uliano Beffardi se terre chez lui. Il refuse les appels du leader du parti populaire l'appelant à Rome pour voter en urgence un décret-loi souhaité par Berlusconi. Celui-ci, exploitant l'émotion populaire entretenue par les catholiques extrémistes veut interdire la possibilité pour la justice d'autoriser tout cas d'euthanasie. Uliano se souvient de la mort de sa femme et s'interroge sur le bien-fondé de l'acharnement thérapeutique.
Cette hésitation rend furieuse sa fille, Maria, militante du Mouvement
pour la Vie. Celle-ci s'en va avec deux amies pour manifester devant l'hôpital
d'Udine dans lequel est hospitalisée Eluana.
Le 8 février. Sur une aire d'autoroute, Maria croise Roberto dont
le frère cyclothymique et ardent défenseur de l'euthanasie lui
jette de l'eau au visage. C'est le coup de foudre entre Roberto et Maria,
inexplicable et étrange, laissant tout juste à Roberto le temps
d'inscrire son numéro de téléphone sur la main de Maria
après l'avoir vaguement séchée d'un mouchoir en papier.
Rossa est revenu errer près de l'hôpital et tente de s'ouvrir
les veines. Le docteur Pallido l'hospitalise. Ailleurs, une célèbre
actrice croit inlassablement au réveil de sa fille, Rosa, plongée
elle aussi depuis des années dans un coma irréversible. Elle
a renoncé à sa carrière et veut devenir une sainte pour
intercéder auprès de Dieu. Elle s'est désintéressée
de son mari, acteur sans grand talent et de son fils qui comptait sur elle
pour sa carrière. De désespoir, celui-ci débranche sa
sur mais son père empêche l'irrémédiable.
L'actrice s'en aperçoit en se montre sévère envers son
fils.
Uliano Beffardi est à Rome. Il tente vainement de parler à sa fille. Celle-ci a retrouvé Roberto dont le frère fait un nouvel esclandre devant l'hôpital. Il est arrêté par la police. Uliano décide de rendre public le fait que, par amour pour sa femme, il l'a aidé à mourir. Le soir Roberto et Maria font l'amour.
Le 9 février. Alors qu'Uliano va faire son discours de démission, on annonce la mort d'Eluana. Maria est désespérée car Roberto est parti sans lui laisser un mot. Rossa tente de se suicider. Elle est retenue au dernier moment par le docteur. Plus tard, alors que celui-ci s'est endormi, elle ouvre à nouveau la fenêtre mais renonce.
A la gare d'Udine, Maria est prête à pardonner à son père son attitude lors de la mort de sa mère. Elle avait cru que son père avait tué sa mère en l'étouffant. Son expérience de l'amour lui fait comprendre qu'il l'enlaçait. Son père aurait pu se contenter de cette réconciliation mais il décide de lui faire lire son discours de démission non prononcé où elle apprendra donc qu'il a bien aidé sa femme à mourir.
Le fait divers qui déchira l'Italie en 2008-2009 autour du sort d'Eluana Englaro, une jeune femme plongée dans le coma depuis 17 ans, sert de catalyseur aux drames de quatre familles : celle Uliano Beffardi et de sa fille Maria, celle de la célèbre actrice et de sa fille Rosa, celle de Rossa et de son médecin amoureux, celle de Roberto et de son frère cyclothymique. Chacun de ces quatre échos n'est pas une posture pour ou contre une loi souhaitée par Berlusconi de révoquer la possibilité pour la justice d'autoriser l'euthanasie. C'est une façon d'ausculter les effets de l'acharnement thérapeutique dans des situations de crises très diverses.
Chacune de ses situations est porteuse de mystères, de questions et de drames enfouis dont la mise en scène baroque de Bellochio rend compte. C'est pour Rossa ; l'église où elle s'endort ; sa façon toute dévote dont elle retire les chaussures du docteur comme Marie Madeleine prit soin des pieds du Christ. C'est pour la famille l'actrice ; les vues sous-marines hippopotames au travers d'un écran de télévision ; le voile blanc sur une statue grecque dénudée ; la prière chantée en cadence par l'actrice et deux nonnes ; le piano joué à l'endormie, Rosa, d'une stupéfiante beauté ; le rôle de lady Macbeth qui saisit sa mère dans un rêve. C'est pour le sénateur ; son errance dans les rues de Rome, le sauna de l'assemblée ; Le sénat toujours vu par des écrans de télévisions ou en transparence renforce l'impression d'irréalité de cette assemblée. C'est, pour Maria et Roberto ; leur coup de foudre ; les bougies dans la rue.
Face à ces mystères, il y a les certitudes grotesques du parti du peuple Berlusconi, jamais en panne de vulgarité (Une femme est en vie quand elle a ses règles) ou du goût maladif pour le pouvoir (le psychiatre sénateur). La douleur et l'acharnement n'ennoblissent pas l'homme. Nul n'est besoin de plaider une cause jusqu'à l'excès ou la violence tant le monde devrait reconnaitre l'ambigüité et la force de la vie à surgir de toute situation ; même si c'est pour se résoudre à comprendre la douleur et l'ambigüité de cette vie comme Maria confrontée à un échec amoureux et à l'attitude plus ambiguë qu'elle ne le croyait de ses parents au seuil de la mort.
Jean-Luc Lacuve le 15/04/2013