Olivier Assayas suit les répétitions de la nouvelle chorégraphie d'Angelin Preljocaj et son dialogue avec Karlheinz Stockhausen
Preljocaj invente et dessine les mouvements de sa nouvelle chorégraphie que les danseurs essaient de se réapproprier. Dany, son assistante note aussi les mouvements.
Les répétitions sont entrecoupées de la visite de Preljocaj auprès de Stockhausen. Dans le train, Preljocaj raconte que dans sa première lettre à Stockhausen il lui déclara que sa musique lui évoquait une forme actuelle de vaudou : qu'elle faisait perdre la tête. "Stockhausen compose pour Dieu", affirme Preljocaj en révélant que sur sa partition est annoté "For God". "Si la musique religieuse est courante, la danse religieuse est plus rare". C'est pourquoi, il a nommé sa chorégraphie Eldorado. C'est une façon de décaler le sujet, de ne pas tomber dans l'illustration.
Stockhausen explique qu'il acomposé sept opéras pour les sept journées de la semaine. Le dernier s'appelle Sonntag Auslicht, dimanche de lumière. Sonntags Abschied était destiné à en être le résumé, joué à la fin de Dimanche de lumière. C'était d'abord une musique destinée à être jouée dans le foyer quand le public s'en va. Elle est jouée par cinq synthétiseurs.
Stockhausen s'inquiète qu'une musique composée pour cinq synthétiseurs soit dansée par douze danseurs. Preljocaj le rassure. Sa chorégraphie marche par couple : donc six fois deux. Mais, souvent, un couple n'est pas là : donc cinq fois deux. Stockhausen est ravi car chaque synthétiseur a deux enceintes. Chacun à une partition polyphonique à jouer avec les deux mains comme deux danseurs qui dansent différemment mais sur le même rythme. Stockhausen et Preljocaj examinent la partition pour voir quand il y a des solos, des duos ou des ensembles.
Les répétitions se poursuivent. Preljocaj cherche avec ses danseurs la vérité d'un mouvement de bras : "Tu marques, tu tournes, tu renverses". L'idée surgit d'une forme d'obsession.
Retour à Stockhausen, à son obsession des tempi, entre 30 à 180 par minutes dans la pièce. Les différents tempi c'est comme un corps qui a différantes parties, cur, tête, rein
Aux répétitions, s'adjoignent maintenant les essayages des costumes qui doivent donner l'idée decorps mutants, comme issus d'un clonage. Ces costumes étranges et presque repoussants, Nicole Tran Ba Vang les travaillent aussi an parallèle avec des broderies laiteuses presque irréelles.
Stockhausen possède la "pulsion absolue". Il sait très exactement battre tous les tempi. Cette connaissance date de 1958 où il avait écrit une pièce pour trois orchestres qu'il devait jouer avec Pierre Boulez et Bruno Maderna. Pendant trois mois, 1h30 tous les matins, il s'entraîna pour être dans le rythme. Pierre Boulez trop rapide et Bruno Maderna trop lent se chamaillèrent pendant les répétitions. Sonntags Abschied comporte douze tempi entre 60 et 120. Les danseurs dans l'avenir devront être capables de bouger métronomiquement avec les tempi précis assène stockhausen. Preljocaj affirme qu'ils le font mais s'en savoir à quel rythme ils sont. Dans sa précédente chorégraphie, Helikopter, au bout de 27 minutes exactement tous les danseurs se retrouvent au même moment. Ils ont comme une mémoire musculaire du temps.
Les répétitions se poursuivent. Preljocaj veut "un saut qui tombe au lieu de monter". Il essaie puis demande à ce que l'on marque ses tentatives.. "parce que je commence à être vieux" dit-il sans y croire. Les tempi absolus de Stockhausen sont pris avec bonne humeur par les danseurs. Angelin Preljocaj dessine un mouvement. Il se retourne vers ses danseurs et les interroge " Vous l'avez ? ", "oui" répond l'un d'eux. "Faites voir !"
Stockhausen parle de sa musique composée comme des ondes succèsives. Preljocaj a bien senti la nature ondulatoire, plus souple de Sonntag Abschied par rapport à Helikopter. Pour lui, travailler avec Stockhausen, c'est fabriquer de la complexité. Le minimalise donne très rapidement des choses très belles et très simples. Vous êtes plutot un maximaliste plutot qu'un minimaliste. La musique est autant une science qu'un art car nous découvrons constamment (créer un timbre dans un son)
C'est le temps des répétitions lumières et costumes avec Martine la couturière.
Stochausen évoque la musique sensible au rythme des planètes. Preljocaj lui répond que les danseurs sont comme les feuilles dans les arbres : chacun fait un mouvement particuler mais tous donnent l'impression d'un mouvement d'ensemble.
Stochausen est interloqué quand Preljocaj demande si, lorsqu'il arrive une erreur sur l'ordinateur, il lui arrive de la garder ou s'il la supprime. Après de longues secondes d'hésitation, Stockhausen répond qu'il corrige l'accident. Il lui a fallu tellement de travail pour en arriver là qu'il ne voudrait pas profiter d'une erreur.
Huit heures avant la générale. Les danseurs déjeunent ensemble et décompressent : ils mimnt la questin de leur chorégraphe ; "Tu entends les repères là ?" "Oui il y en a 150 000 milles par minutes" plaisentent-ils. "Moi " ding ", je l'entends partout. En dansant, on ne peut se repérer que sur les gros trucs et du coup on se rend compte qu'on est en retard... mais c'est trop tard" explique Laurenna, la danseuse rousse.
Stockhausen dit composer pour après sa mort. On étudiera sa partition pour savoir où un homme en 2007 en était arriver de la connaissance musicale et de ses rapports au monde. Exalté de l'idée du paradis accepté par les jeunes danseurs. moi je voudrais aller au paradis mais ça dure, ça dure.
Derrière le rideau de la générale, les danseurs se regroupent puis chacun regagne sa place. Le rideau se lève sur le générique. On entend les premiers pas de danse.
En 2001, Angelin Preljocaj avait créé Helikopter d'après une pièce de Karlheinz Stockhausen. En septembre 2005, le compositeur l'invite dans son studio de Cologne pour écouter une nouvelle uvre qu'il souhaite lui confier Sonntags Abschied. Les répétitions commencent début 2007 au pavillon noir à Aix en Provence avec un groupe de douze danseurs.
Le film suit très classiquement les répétitions des danseurs pour parfaire la chorégraphie qu'Angelin Preljocaj dessine avec eux. Le rayonnement du chorégraphe lui assure une autorité souriante et complice avec ses danseurs. On ne le voit douter que lors des essayages de costume. dans ces moments de doute et de repos, Olivier Assayas retrouve dans un contre-jour un plan où les danseuses apparaissent aussi mystérieuses que dans Irma Vep ou Borading gate
Les mouvements de danse, les indications ("Large, ouvert, droit, penser à montrer ce pied") semblent aussi tenir autant de l'incantation pour obtenir ce qu'il nomme dans un entertien avec Stochausenn "une mémoire musculaire du temps".
L'originalité du documentaire provient du croisement de ces répétitions avec le dialogue avec Stockhausen.
Celui-ci intervient assez tard dans les répétitions,commencées depuis le début d'année. La rencontre n'a lieu que le 1er mai, un mois avant la générale. Alors que les deux parties fonctionnent d'abord comme des blocs distincts, lors des dernières répétitions, on sent le retour auprès des danseurs des messages que Preljocaj a reçus de Stockhausen. Emplis d'un grand respect pour l'un des grands noms de la musique contemporaine, les danseurs s'amusent aussi de ce que le respect des tempi tant prônés par le musicien ne puisse être qu'approximatif.