The king of Staten Island

Scott Carlin, l'air renfrogné au volant de sa voiture, ferme les yeux et accélère. Il les rouvre juste pour voir des voitures arrêtées devant lui qu'il évite de justesse non sans créer une ou deux collisions derrière lui... et de regretter son geste fou en s'enfuyant.

Scott retrouve ses amis, Oscar, Richie et Igor avec lesquels il fume de l’herbe non sans plaisante sur son traumatisme qui le fait ne plus croire en rien. Son père, pompier, est en effet décédé en se comportant en héros, modèle indépassable, quand il avait 7 ans. Il en a aujourd’hui 24 et entretient le doux rêve d’ouvrir un improbable restaurant-salon de tatouage. De temps à autre, il couche avec son amie d’enfance Kelsey, qui est amoureuse de lui. Alors que sa jeune sœur Claire, sociable et bonne élève, part étudier à l’université, Scott vit toujours au crochet de sa mère infirmière, Margie.

Tatoueur amateur, Scott s’exerce sur ses amis, qui goûtent de moins en moins leur rôle de cobayes. Il propose ainsi à un gamin, Harold, de lui tatouer le bras. Intrigué celui-ci accepte avant de se rétracter à la première piqûre d'aiguille. Le père d'Harold, ray Bishop, vient très en colère protester auprès de Marge qui se confond en excuses et accepte de payer les 350 dollars de l'opération laser pour effacer le trait de tatouage sur le bras d'Harold.

Plus tard Ray vient s'excuser de s'être mis en colère. Margie apprend avec plaisir qu'il est pompier et qu'il connaissait la réputation de son mari. Ray l'invite au restaurant, la séduit. Leur relation amoureuse s'intensifie en cachette de Scott. Quand Margie met au courant Scott celui-ci se met en colère. Ray tente de l'amadouer en l'emmenant au base-ball avec ses amis pompiers mais Scott se montre brutal en les accusant de ne penser qu'à leurs exploits sans réfléchir à la douleur qu'ils causent à leurs enfants s'ils meurent. Scott tente vainement de convaincre Claire de lutte avec lui pour sortir sa mère des griffes supposées de Ray. Sa haine envers lui s'accroit quand Margie décide qu'il doit maintenant être indépendant, louer un appartement et commencer à gagner sa vie.

C'est ainsi qu'il conduit à l'école les enfants de Ray, Harold et la jeune Kelly avec qui il entretient immédiatement et progressivement des relations amicales. Ill dévoile l’étendue véritable de son talent, en dessinant pour Harold, Ice-man, le super-héros de ses rêves. Il apprend de l'ex-femme de Ray que celui-ci est ruiné pour avoir joué et que, sans toit, il est contraint de vivre à la caserne des pompiers. Quand Ray apprend que Scott s'est empressé de tout révéler à sa mère, alors qu'il n'a en fait que fait des spéculations hasardeuses, il se met en colère et le balance dans la petite piscine de la maison. Margie, qui els a vu se battre, les chasse l'un et l'autre de la maison.

Scott tente de se faire héberger par Kelsey qui le chasse quand elle comprend qu'il n'est pas revenu par amour

Scott accepte alors de participer au cambriolage d'une pharmacie selon un plan d'Oscar, Richie et Igor. Il n'est que le chauffeur et le guetteur mais ne peut rien quand le cambriolage tourne mal, les propriétaires se défendant avec leurs armes et blessent légèrement Richie avant l'arrivée de la police, laissant tout juste au seul Scott la possibilité de s'enfuir

Scott finit par demander à Ray de l'héberger avec lui dans la caserne, lui laissant entendre que seule leur réconciliation permettra leur retour auprès de Margie. Dans la caserne, Scott apprend le sens du travail bien fait et s'intègre à cette communauté d'hommes courageux et bienveillants. Ray accepte de servir de cobaye pour un tatouage de Scott lui couvrant le dos. Celui-ci se révèle être une fresque touchante et maladroite faisant l'éloge de la famille réunie.

Scott ayant retrouvé confiance à lui accompagne Kesley à Manhattan pour passer son concours d'urbanisme de la ville. Il lui déclare son amour et suit son conseil de déambuler dans Manhattan pour ouvrir ses horizons.

Pete Davidson, membre turbulent de la troupe de Saturday Night Live, qui coscénarise ce film largement autobiographique, interprète son personnage principal, comme lui orphelin de père  : Scott Davidson périt dans l’effondrement du World Trade Center le 11 septembre 2001  ; Stan Carlin, sa version fictionnelle, dans l’incendie d’un hôtel. Deux pompiers ayant laissé derrière eux des fils tétanisés par ce sacrifice ultime auquel il est impossible de se mesurer, si ce n’est pour le tourner en dérision.

Scott accumule donc les brouillons dont ses amis, ses cobayes finissent par se lasser. C'est néanmoins le style qu'il tentera d'imposer : quand vient pour lui le moment de figurer l’unité de sa famille recomposée, il le fait d’une main à nouveau malhabile et facétieuse, en traçant une fresque grotesque à même le dos de Ray . Comme il avait auparavant fait preuve dune grande maitrise dans le dessin de Ice-man pour Harold, il est possible d'y voir l'affirmation d'une sensibilité d'auteur.

Ce film d'initiation adolescente - le passage d'un état d'irresponsabilité absolue (sur la route, en vivant aux crochets de sa mère, avec Harold qu'il prend pour cobaye), à une vocation assumée-, pourrait paraitre un peu long. L'initiation porte néanmoins son poids de vécu avec sa description documentaire de la petite bourgeoisie blanche conservatrice de Staten Island et, d'autre part, sa sympathique communauté des pompiers avec un capitaine (Steve Buscemi) drôle et touchant. L'initiation commence par l'empathie avec la communauté des enfants, Harold et Kelly, avant celle des pompiers. Cette initiation réussie suppose aussi un retrait avec les anciens amis qui virent dans la délinquance, et une réconciliation avec la sœur Claire et sa petite amie, Kelsey. Tout un programme narratif, complexe et souvent émouvant, qui vaut bien les 2h17 qu'on lui consacre.

Jean-Luc Lacuve, le 13 août 2020